Le (déjà) vilain « joint électronique »

Addictions, Cigarette électronique

La sortie prochaine de ce vaporisateur de chanvre soulève certes quelques interrogations mais il est bien regrettable de le voir condamné uniquement sur la base de prédictions catastrophistes sans tenir compte d’éventuels bénéfices.

Si la réaction impulsive et arbitraire du Ministère de la santé n’est hélas pas surprenante, le précautionnisme affiché par la plupart des professionnels de santé, notamment certains spécialistes de l’addiction, est lui consternant. Les arguments mis en avant sont à peu de choses près les mêmes que ceux observés lors de l’émergence de la cigarette électronique (qui d’ailleurs résonnent toujours). Parmi ceux-ci :

1. Les jeunes vont se l’approprier

S’approprier ce qui est réservé aux adultes est une tendance bien connue des adolescents. Il est donc probable que certains d’entre-eux s’approprient le dispositif, mais tout aussi probable qu’ils le laissent de coté après avoir constaté sa faible valeur récréative. En effet, le liquide vaporisé ne contient pas de THC, la substance responsable des effets euphorisants et désinhibiteurs du cannabis. Je ne vois vraiment pas quel intérêt auraient ces jeunes à ajouter cet engin à leurs différents cocktails de défonce. Par ailleurs, je ne partage pas la croyance selon laquelle ce vaporisateur pourrait être adopté par des jeunes qui seraient autrement restés « vierges » de toutes substances psychoactives.

2. Ce serait une incitation à fumer du « vrai » tabac cannabis

À moins d’avoir vécu ces dernières années dans une dimension parallèle, je n’ai pas l’impression que l’arrivée de la cigarette électronique ait causé une augmentation du tabagisme. Je ne vois pas pourquoi il en serait autrement avec ce vaporisateur de chanvre qui ne contient ni THC, ni nicotine. Ce qui incite à fumer du cannabis, c’est avant tout le cannabis lui-même. Alors certes, le nom de l’entreprise cultive (c’est le cas de le dire) une certaine ambiguité mais c’était également le cas de la « cigarette » électronique. Dans les deux cas, il me semble que le principe consiste à conserver ce que le produit d’origine (tabac ou cannabis) a de moins mauvais, et à se débarrasser de ce qu’il a de plus toxique (goudrons et THC notamment).

3. Ce « joint électronique » pourrait ternir l’image de la cigarette électronique

Cet argument semble nouveau, mais il fonctionne en miroir avec la prophétie selon laquelle la cigarette électronique devait redonner une bonne image au tabac, ce qui ne s’est pas produit jusqu’à ce jour. Je constate avec grande déception que cet argument est relayé par une bonne partie de la « communauté » des vapoteurs dont les craintes mériteraient d’être explorées. D’une part, il ne me semble pas que la cigarette électronique bénéficie d’une image beaucoup plus reluisante que ce vaporisateur de chanvre, d’autre part les fumeurs de cannabis ne sont pas davantage des parias que les fumeurs de tabac. Ceux-là mêmes qui se plaignaient du fait que leur engin n’était pas pris au sérieux (et ne l’est toujours pas vraiment) feraient donc subir le même sort aux potentiels usagers de ce nouveau produit?

Tous ces gens n’auraient donc rien retiré de l’expérience (positive) de la cigarette électronique qui puisse ne pas les faire condamner d’emblée cette nouvelle initiative?

En tant que psychiatre, je constate chaque jour les ravages que peut causer le cannabis et la forte addiction qu’il peut entrainer. À l’origine de nombreux épisodes psychotiques, le cannabis peut aussi provoquer, précipiter et surtout aggraver la schizophrénie. Le cannabis constitue aussi souvent une sorte d’automédication pour les patients, qu’il s’agisse là encore de schizophrénie, de trouble bipolaire ou également des troubles anxieux qui eux aussi peuvent se révéler très invalidants. Alors lorsqu’il s’agit d’en exclure la molécule à priori néfaste (THC) pour ne conserver que celle qui semble bénéfique et notamment antipsychotique (CBD), lorsqu’il s’agit de mettre un tel produit à disposition de tous et immédiatement, je ne crie pas au miracle, ni à la catastrophe, mais je demande à voir ce que ça donne…


Ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur le cannabidiol (CBD) et notamment sur ses propriétés antipsychotiques peuvent jeter un coup d’oeil à cette revue de littérature assez récente.

Cannabis et délire à retardement

Addictions, Revues Pro, Troubles psychotiques

[Mises à jour régulières]

Mars 2011

Nous savions que l’usage de cannabis était associé à l’augmentation du risque de développer des symptômes psychotiques, or restait-il à préciser par quels mécanismes et dans quels délais. Une étude récente semble apporter des précisions temporelles sur la relation entre usage de cannabis à l’adolescence et manifestations délirantes.

1923 jeunes allemands âgés de 14 à 24 ans ont été suivis pendant dix ans, l’usage de cannabis et les symptômes psychotiques évalués au départ, quatre puis huit ans plus tard. L’usage ponctuel de cannabis initial est associé à l’augmentation des symptômes psychotiques entre quatre et huit ans après. L’usage continu de cannabis est lui associé non seulement à davantage de symptômes psychotiques, mais également à leur persistance dans les mêmes délais.

Les effets pervers du cannabis semblent se dévoilent peu à peu. L’adolescence, période de remaniement cérébral donc de fragilité à ce niveau, ne semble pas permettre une consommation « raisonnable » de cannabis. Son usage, même occasionnel, peut provoquer des expériences psychotiques transitoires plusieurs années plus tard, voire leur persistance, soit d’authentiques pathologies psychotiques chroniques, lorsque la consommation se révèle plus intensive. Il convient donc certainement de ne pas diaboliser la substance, mais aussi et surtout, de ne pas la banaliser.

R Kuepper et coll. Continued cannabis use and risk of incidence and persistence of psychotic symptoms: 10 year follow-up cohort study. BMJ 2011 342:d738

Juin 2011

Une publication parue en juin 2011 soutient encore davantage la causalité cannabique dans la survenue des psychoses. Il s’agit d’une meta-analyse regroupant 443 articles scientifiques parmi lesquels 83 ont été sélectionnés sur les critères suivants : comparaison de l’âge de survenue de la psychose entre consommateurs et non consommateurs. Elle survient en moyenne 2.70 années plus tôt chez les premiers. Par ailleurs l’alcool ne semble pas associé à une survenue plus précoce de la maladie.

Matthew Large and al. Cannabis Use and Earlier Onset of Psychosis A Systematic Meta-analysis. Arch Gen Psychiatry. 2011;68(6):555-561. doi:10.1001/archgenpsychiatry.2011.5

Juin 2011

Une étude des performances cognitives chez les consommateurs de cannabis montrent que celles-ci sont davantage altérées lorsque la consommation a débuté avant l’âge de 15 ans. L’ensemble des tests réalisés ne montre pas différence en matière de QI mais une diminution des performances exécutives et de la flexibilité. Cannabis et cerveau en croissance ne font pas bon ménage.

Fontes MA and al. Cannabis use before age 15 and subsequent executive functioning. The British Journal of Psychiatry (2011) 198: 442-447. doi: 10.1192/bjp.bp.110.077479

Juillet 2011

Une équipe hollandaise publie des résultats très intéressants sur l’association de la sussceptibilité familiale à la psychose et de la sensibilité au cannabis. Il semblerait en effet que chez les personnes prédisposées à la psychose, notamment les jumeaux de patients schizophrènes, le cannabis soit plus à même de provoquer des symptômes positifs (délire, hallucinations etc.) et négatifs (retrait, apragmatisme etc.).

Genetic Risk and Outcome in Psychosis (GROUP). Investigators Evidence that familial liability for psychosis is expressed as differential sensitivity to cannabis. Arch Gen Psychiatry 2011 ; 68 (2) : 138-147.

Septembre 2011

La vulnérabilité « psychiatrique » au cannabis avait été suggérée et potentiellement reliée à une variation du gène codant pour la COMT (cathécol-méthyl-transférase). Une équipe britannique s’est donc penchée sur le sujet à partir d’une population de plus de 2000 individus questionnés sur leur consommation de cannabis à 14 ans et sur l’incidence d’un épisode psychotique à 16 ans. Aucune variation du gène parmi les six étudiées n’a pu être associé à ce phénomène. À ce jour, il n’existe donc toujours pas de preuve d’une prédisposition génétique à la psychose cannabique.

Zammit S et al. Cannabis, COMT and psychotic experiences. British Journal of Psychiatry 2011 ; 199 : 380-385.

Novembre 2011

Une équipe écossaise s’est récemment intéressée au volume du thalamus chez des personnes considérées comme à risque de développer la schizophrénie. 57 individus âgés de 16 à 25 ans et présentant des antécédents familiaux de schizophrénie ont vu leur cerveau exploré au cours d’une imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM). Lorsque l’examen est à nouveau pratiqué deux ans plus tard, le volume du thalamus est réduit de façon significative (surtout à droite) chez les consommateurs de cannabis (25). Les résultats demeurent quelle que soit la consommation d’autres drogues (tabac, alcool, ecstasy, amphétamines) et se révèlent en faveur de la conjonction de facteurs prédisposants et précipitants dans la survenue de cette maladie.

Welch KA and al. Impact of cannabis use on thalamic volume in people at familial high risk of schizophrenia (PDF). British Journal of Psychiatry 2011; 199:386-390

Octobre 2012

Une étude norvégienne d’imagerie par résonance magnétique a révélé des différences d’activation cérébrale associées à la consommation de cannabis chez des patients schizophrènes. Les « fumeurs » se sont révélés plus performants au cours d’un exercice cognitif mettant en jeu la capacités d’attention, de concentration, et le fonctionnement exécutif. Le cerveau de ces schizophrènes « fumeurs » s’est montré plus réactif à l’imagerie : l’écart d’activité relevée entre avant et pendant l’exercice s’est révélé supérieur à celui des « non fumeurs ». Ceci suggère que les troubles cognitifs menant à la schizophrénie pourraient être mimés par les effets du cannabis, et que le pronostic des patients concernés pourrait être meilleur à condition d’agir efficacement sur cette consommation de cannabis.

Else-Marie Løberg and al. An fMRI study of neuronal activation in schizophrenia patients with and without previous cannabis use. Front. Psychiatry, 30 October 2012 (PDF)

Les accidents de la psychiatrie française

Prise en charge, Revues Pro

Le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) sur les accidents en psychiatrie fait déjà couler beaucoup d’encre et de pixels. Certains brandissent, comme le CCDH, les drames et dysfonctionnements pour les généraliser à l’ensemble de la psychiatrie tandis que d’autres s’insurgent, notamment le Collectif des 39, contre ce qu’ils considèrent comme un appui gouvernemental prônant l’évolution vers une psychiatrie sécuritaire et stigmatisante. Si viser le risque zéro peut effectivement s’avérer préjudiciable à la majorité des patients, proclamer que ces évènements parfois gravissimes, et qualifiés d’exceptionnels, sont un mal nécessaire à l’humanisme et à la liberté de ces mêmes patients relève de la contrevérité la plus abjecte. Entre caricature, stigmatisation, démagogie, manipulation et lâcheté, rares sont les réactions sages et pertinentes.

Je me limiterai donc à sélectionner les données que je considère pertinentes dans ce rapport et qui ont été récoltées sur les cinq dernières années :

DONNÉES

  • 86 % des patients sont suivis en ambulatoires
  • 60 % des lits d’hospitalisation ont été fermés depuis 30 ans
  • Augmentation du nombre d’hospitalisations sans consentement (HO + HDT = 80 000 par an)
  • Une vingtaine d’homicides (ou tentatives) et une dizaine d’agressions sexuelles déclarées en cinq ans
  • Entre 20 et 70 agressions physiques de personnel par an et par établissement ayant entrainé un arrêt maladie
  • Agressions entre patients fréquentes mais mal recensées
  • Entre 8 000 et 14 000 fugues par an de patients hospitalisés sans consentement

La dangerosité est mal évaluée (grilles d’évaluation notamment peu utilisées en France), favorisée par le non-respect du droit des patients (confinement, négation de la vie privée et utilisation abusive des chambres d’isolement) et par l’attitude incohérente des hôpitaux vis-à-vis des addictions (dépenses liées au tabac, trafic de cannabis et d’alcool dans les hôpitaux). Les violences sont également favorisées par le fait que les hôpitaux sont mal aménagés et peu surveillés, que les patients sont mélangés de façon inappropriée,  que les ruptures thérapeutiques totales ou partielles sont fréquentes après les sorties, tout comme la reprise de consommation de drogue et d’alcool, et que les RDV au CMP sont trop espacés.

Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les effectifs de personnel qui font défaut, sauf exception localisée : le nombre de médecins employés dans les CHS a régulièrement augmenté au plan national depuis 1989 et si le nombre d’infirmiers a diminué, il l’a fait dans des proportions moindres que la baisse du nombre de lits, ce qui a permis une croissance régulière du nombre de soignants par lits. En revanche, la charge de travail des infirmiers en hospitalisation complète s’est alourdie et surtout le temps de présence des personnels a été réduit. L’IGAS a constaté à plusieurs reprises une présence médicale manifestement insuffisante dans certains établissements. L’absentéisme des personnels soignants atteint parfois des niveaux inquiétants, les accords de réduction du temps de travail ont été négociés dans certains établissements de façon anormalement libérale et réduisent un temps de travail que viennent grignoter les trop nombreuses pauses des fumeurs. Enfin, dans certaines régions, le cumul d’emploi touche certaines catégories du personnel qui travaille de nuit et affaiblit leur vigilance. Par ailleurs, la formation initiale des infirmiers à la prise en charge des malades mentaux est mise en cause, car elle ne prévoit pas de module spécifique à la prévention et à la gestion des situations d’agressivité en psychiatrie. Ce constat est également valable pour les personnels plus expérimentés, qui n’ont toujours pas acquis les bons réflexes pour faire face à une situation difficile ou appris à contrôler leurs émotions envers les patients.

PROPOSITIONS

L’apparente rareté des conséquences graves a tenu lieu d’excuse face aux dysfonctionnements et les propositions d’amélioration ont été critiquées comme abusivement sécuritaires. Or la sécurité et la qualité des soins ne sont pas des notions opposées. Le respect des malades contribue à la prévention de la violence. Il ne faut pas demander à l’hôpital, à son directeur et à ses médecins (obligation de moyens, pas de résultats) plus qu’ils ne peuvent donner.

  • Créer de véritables sas d’entrée avec emploi de badges électroniques pour un contrôle des accès.
  • Équiper les personnels des dispositifs de protection du travailleur isolé
  • Mettre en place des moyens de distraction des patients hospitalisés
  • Remplacer les chambres collectives par des chambres individuelles, créer les infrastructures de pédopsychiatrie qui manquent, reconstruire les locaux dégradés en conciliant thérapie et sécurité.
  • Réorganiser les unités hospitalières pour éviter les cohabitations forcées et inappropriées
  • Élaborer et mettre en œuvre de bonnes pratiques pour les victimes d’agression sexuelle, la contention, les procédures de sortie et le suivi ambulatoire.
  • Former spécifiquement les nouvelles recrues à prévenir et gérer les situations d’agressivité.
  • Améliorer la communication avec les malades (information sur les droits, obligations, risques liés à leur conduite et respecter si possible leur choix), leur entourage (recueillir leur avis avant, pendant, après l’hospitalisation et en tenir compte) et d’autres professionnels appelés à intervenir (maires, police, gendarmerie, pompiers…).

Analyse d’accidents en psychiatrie et propositions pour les éviter (version complète du rapport de l’IGAS)

Questions sur la schizophrénie

Neuroleptiques, Prise en charge, Troubles psychotiques

Quelle attitude adopter avec mon fils schizophrène ?

La schizophrénie est une maladie chronique dont la prise en charge nécessite des efforts d’adaptation de la part du patient et de son entourage. Certains symptômes – appelés déficitaires ou négatifs – perturbent la mémoire, la concentration, l’intérêt, l’initiative, et conduisent le patient à réduire ses activités et contacts sociaux. Maintenir une bonne hygiène de vie demeure essentiel (sommeil, alimentation, hygiène corporelle), tout comme structurer et rythmer les journées. La psychiatrie extrahospitalière dispose ainsi de plusieurs structures de soins psychosociaux et occupationnels, comme les hôpitaux de jour, qui facilitent la réinsertion. Les troubles de la communication sont par ailleurs fréquents et nécessitent de renforcer l’empathie et l’affirmation, en préférant notamment les encouragements aux remontrances et en privilégiant les messages simples, directs et précis. L’entourage doit faire preuve de patience, rester à l’écoute et guider le patient vers une autonomie maximale en évitant les attitudes inquisitrices et les sollicitations excessives.

Quels sont les avantages et les inconvénients des médicaments ?

La prise en charge repose en premier lieu sur le traitement médicamenteux neuroleptique, dont les dernières générations (antipsychotiques atypiques) représentent d’indéniables progrès en matière de tolérance et d’efficacité. Ils permettent notamment de réduire de façon significative les symptômes positifs tels que le délire, les hallucinations ou encore les troubles du comportement, mais ne guérissent pas la maladie. Il faut donc les prendre pendant plusieurs années. Tout traitement médicamenteux doit être associé à un suivi soutenu en consultation, par le psychiatre et le médecin traitant. Comme tous médicaments, ceux-ci ne sont pas anodins et sont responsables d’effets secondaires parfois pénibles : prise de poids, syndrome métabolique, somnolence, raideur voire contracture musculaire, sécheresse buccale, constipation, hypotension, baisse de la libido, hyperprolactinémie, augmentation de la photosensibilité qui nécessite des précautions en cas d’exposition solaire… Ces effets nécessitent souvent l’adjonction de molécules dites correctrices et des prises en charge ou mesures complémentaires diététiques et sportives. Certaines interactions médicamenteuses sont par ailleurs prévenues par la collaboration étroite entre le psychiatre et le médecin traitant. Des précautions particulières seront notamment prises en cas de maladie cardio-vasculaire, neurologique (Parkinson, épilepsie), endocrinienne (diabète) et la conduite souvent déconseillée.

Que faire en cas de prise de poids sous traitement ?

Les antipsychotiques peuvent être à l’origine d’une prise de poids et de troubles métaboliques comme le diabète ou la dyslipidémie. Il est ainsi recommandé aux patients d’adopter un régime alimentaire équilibré, de pratiquer une activité physique régulière et de diminuer la consommation d’alcool et de tabac. Ces conseils sont d’autant plus difficiles à respecter qu’ils sont contrariés par les symptômes de la maladie. La collaboration étroite entre le médecin généraliste et le psychiatre est ainsi nécessaire afin d’assurer une prise en charge optimale. Une prise de poids supérieure à 7 %, surtout rapide, doit notamment alerter le prescripteur, conduire à rechercher un diabète, parfois à orienter vers un spécialiste ou à changer de traitement.

Mon fils est-il dangereux ?

Les schizophrènes sont des personnes fragiles, bien plus souvent victimes qu’auteurs de violences. La dangerosité concerne surtout la sous-population des patients non traités et/ou consommateurs de drogues. Si les médias demeurent centrés sur la violence des malades, ils n’abordent que rarement le risque suicidaire particulièrement élevé : un patient sur six en moyenne. Un schizophrène doit donc être soigné et protégé plutôt que stigmatisé.

Quels sont les modes d’hospitalisation ?

L’hospitalisation libre est à privilégier lorsque le consentement du patient est obtenu. C’est la plus courante, notamment en cas de pathologie non psychiatrique. Si l’état du patient impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier et que sa maladie l’empêche de consentir aux soins, le médecin prononce une hospitalisation à la demande d’un tiers et rédige un certificat. Un membre de l’entourage est sollicité pour donner son accord, sans lequel cette hospitalisation ne peut être prononcée. Enfin, quand les troubles mentaux compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes, le préfet prononce une hospitalisation d’office au vu d’un certificat médical circonstancié. Dans la plupart des cas, l’adresse du patient détermine son secteur, et donc l’établissement dans lequel il sera admis.

Ma fille entend des voix, que puis-je faire ?

Si aucune prise en charge n’a encore été instaurée, il est indispensable d’obtenir un avis médical. Le médecin traitant pourra effectuer une première évaluation et orienter le patient vers l’un de ses confrères psychiatres ou vers un service d’urgence si nécessaire. L’éclosion de la maladie peut être brutale ou insidieuse mais, dans les deux cas, les hallucinations sont rarement isolées et s’accompagnent volontiers de modifications du comportement en rapport avec une méfiance exacerbée (refus du contact physique ou verbal, repli sur soi) ou un émoussement affectif et intellectuel (baisse des activités, des intérêts, manque d’hygiène). A ceci s’ajoutent fréquemment des modifications du rythme de sommeil, une angoisse prononcée, des comportements bizarres et inhabituels, parfois auto ou hétéroagressifs et souvent en rapport avec un sentiment de persécution. Si le patient a déjà reçu des soins psychiatriques, il convient de s’assurer de la prise correcte du traitement et du bon déroulement du suivi médical. Il n’est pas rare de constater la persistance d’hallucinations auditives sous traitement étant donné qu’un antipsychotique n’est, en moyenne, efficace que sur deux tiers des symptômes. Il est du ressort du psychiatre d’évaluer la dangerosité et le caractère invalidant de ces symptômes résiduels et d’adapter la prise en charge en conséquence. Il pourra modifier le traitement, convenir d’une hospitalisation, orienter le patient vers une psychothérapie complémentaire adaptée ou renforcer le suivi psychiatrique extrahospitalier (visites à domicile, hôpital de jour, etc.).

Que faire en cas de refus de prise du traitement ?

A l’instar de la plupart des maladies chroniques, la schizophrénie expose au risque de rechute et à la difficulté d’accepter un traitement au long cours. Si le nombre de rechutes et leur gravité semblent avoir un effet sur la reconnaissance de la maladie chez un diabétique, ce phénomène survient plus rarement chez le schizophrène. Il demeure essentiel d’informer l’entourage sur le fait que cette absence de conscience des troubles fait partie des symptômes, qu’il s’agit avant tout d’une altération du jugement, et non d’une simple mauvaise foi. La famille se révèle en effet souvent frustrée, voire découragée, face à un patient qui ne se considère toujours pas malade après plusieurs années d’évolution, de rechutes et hospitalisations. Chez certains, le refus du traitement est motivé par l’intégration de celui-ci dans le délire de persécution, avec la conviction que les médicaments sont responsables de la maladie ou qu’ils constituent l’instrument d’un complot. Enfin, les effets secondaires représentent une cause très fréquente d’interruption du traitement. Nombreux sont les patients qui peinent à en informer leur médecin, alors que celui-ci peut proposer quelques solutions efficaces parmi lesquelles l’adjonction de médicaments correcteurs (sécheresse buccale, hypotension artérielle, effets secondaires parkinsoniens), l’adaptation ou la modification du traitement de fond. Dans tous les cas, il convient d’avertir le patient des risques importants de rechute inhérents à l’arrêt de son traitement et de l’inciter à en informer son médecin. Il est déconseillé de recourir au chantage ou à la menace, notamment vis-à-vis de l’hospitalisation, et formellement contre-indiqué de lui administrer le traitement à son insu, notamment de le dissimuler dans les aliments. Si nécessaire, le médecin pourra instaurer un traitement neuroleptique retard (libération prolongée), administré sous forme injectable tous les 15 jours, toutes les 3 semaines ou tous les mois par un infirmier. Si ce mode thérapeutique présente des atouts, notamment d’assurer la prise du médicament à la dose prescrite et d’épargner le souci d’une ou de plusieurs prises journalières de comprimés, les inconvénients ne doivent pas être négligés. L’injection dans le muscle fessier est ainsi souvent vécue comme une humiliation, renforce le sentiment de perte de contrôle du patient et détériore parfois l’alliance thérapeutique. Or il est indispensable que le malade se rende au centre de consultation pour bénéficier de cette injection retard. Si le traitement est en revanche bien accepté mais difficile à gérer, sujet à des erreurs ou des oublis, le pilulier peut s’avérer judicieux. Il sera rempli chaque semaine avec l’aide d’un membre de l’entourage ou du personnel soignant.

Comment gérer la rechute et/ou la crise ?

Les causes sont nombreuses mais l’arrêt du traitement reste impliqué dans les trois quarts des rechutes. Les signes sont en général les mêmes que ceux ayant précédé le premier épisode et sont souvent en rapport avec la réactivation d’un délire. Ainsi, des modifications importantes de comportement en rapport avec des hallucinations, le repli sur soi, les troubles du sommeil, la désorganisation du discours doivent amener le patient à consulter rapidement son psychiatre, qui prendra les mesures nécessaires. La crise survient en général en cas de grosse perte de contact avec la réalité et se caractérise par une angoisse massive et une activité hallucinatoire importante, sources d’agitation et de troubles du comportement parfois dangereux. L’entourage familial se trouve alors souvent démuni, d’autant que les pompiers ou le Samu ne se déplacent que rarement si le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Il est fréquemment conseillé de conduire le patient aux urgences, ce qui se révèle difficile si celui-ci s’y oppose activement. Les services de police deviennent alors le seul recours, notamment si le risque de violence se confirme ; une solution traumatisante mais à même de préserver patient et famille du danger. En attendant l’intervention, il est essentiel de ne pas rompre le contact avec le patient et de privilégier un seul interlocuteur, de préférence une personne de confiance. Celle-ci s’efforcera de maintenir une distance suffisante pour ne pas menacer son espace vital, d’éliminer les sources potentielles de nuisances, à commencer par la télévision, et de s’exprimer calmement. L’hypersensibilité du patient nécessite d’éviter les attitudes autoritaires, les cris, les critiques, l’expression de la peur ou de la colère, et de privilégier les propos rassurants, empathiques et les conseils.

Mon enfant doit-il arrêter l’alcool et le cannabis ?

Le soulagement à court terme provoqué par ces substances incite souvent les patients à les utiliser comme automédication. Or elles précipitent le déclenchement de la maladie, des rechutes, et perturbent l’efficacité des traitements. Le cannabis aggrave notamment la plupart des symptômes, qu’ils soient positifs (hallucinations, angoisse, délire de persécution, etc.) ou négatifs (troubles de la mémoire, de la concentration, baisse d’initiative et de motivation, etc.) et constitue un facteur non négligeable de dépression. Il convient d’informer le patient sur l’ensemble des risques inhérents à la consommation de drogue et d’alcool, qu’ils soient spécifiques ou non de la maladie, de l’inciter à en parler à son psychiatre, qui pourra le renseigner et l’orienter vers les différents modes de prise en charge des addictions.

Revue PHARMA – No. 69 – Oct 2010

La schizophrénie

Neuroleptiques, Prise en charge, Troubles psychotiques

La schizophrénie est une maladie psychiatrique chronique caractérisée par la déstructuration de la pensée et la perte du contact avec la réalité, et dont les premières descriptions remontent à la seconde moitié du XIXème siècle. Longtemps freinée par le dogmatisme idéologique, la recherche a énormément progressé et propose aujourd’hui une approche plus globale, postulant que l’expression clinique d’une vulnérabilité génétique se fait à la faveur d’un environnement pathogène. La prise en charge s’est également améliorée, tout comme le regard porté par la société sur la pathologie, même si des progrès sont encore nécessaires dans tous ces domaines.

1. Symptômes, diagnostic et évolution

Selon les critères du DSM-IV, qui restent les plus utilisés dans le monde, le diagnostic de schizophrénie est basé sur un ensemble de signes jugés caractéristiques ( idées délirantes, hallucinations, discours désorganisé, symptômes négatifs tels qu’émoussement affectif ou perte de volonté), répondant à des critères de durée et d’exclusion tout en entraînant des perturbations sociales et occupationnelles marquées. L’individualisation de cinq sous-types (paranoïde, désorganisé, catatonique, indifférencié et résiduel) permet de rendre compte de l’hétérogénéité clinique de la maladie. Les modes évolutifs se partagent entre une chronicité épisodique avec ou sans rémission complète et une chronicité continue.

Cette approche catégorielle délimite la Schizophrénie de façon plus ou moins arbitraire. Mais si elle permet d’aboutir à un dénominateur commun indispensable aux travaux de recherche, elle ne rend pas compte de tous les modes d’expression de la maladie, regroupés aujourd’hui au sein du spectre de la Schizophrénie.

Une nouvelle approche, dimensionnelle, se développe depuis les années quatre-vingt et regroupe les symptômes en plusieurs dimensions cliniques indépendantes, et coexistant à des degrés variables d’un patient à l’autre. Les trois principales dimensions individualisées dans la Schizophrénie sont : la symptomatologie positive, la symptomatologie négative et la désorganisation.

Les symptômes positifs correspondent au syndrome délirant. Les idées délirantes sont des idées fausses, sans fondement, auxquelles le sujet attache une foi absolue, non soumise à la preuve et à la démonstration, non rectifiables par le raisonnement. Elles peuvent être centrées sur un ou plusieurs thèmes (persécution, influence ou idées mystiques) et sous-tendues par un ou plusieurs mécanismes (interprétation, intuition, imagination, hallucination). Le délire du schizophrène est typiquement construit de façon floue et polymorphe sur plusieurs thèmes et mécanismes. Les hallucinations peuvent concerner toutes les modalités sensorielles mais les hallucinations auditives sont de loin les plus courantes, éprouvées généralement comme des voix familières ou étrangères et sources de modifications notables du comportement (attitudes d’écoute, dialogue avec les voix, obturation des oreilles ou couverture par un son plus intense comme la musique au casque).

Les symptômes négatifs correspondent aux aspects déficitaires de la maladie. L’émoussement affectif est fréquent, se traduisant par une réduction importante du langage corporel et de la gamme d’expressions émotionnelles, le visage apparaissant volontiers immobile, impassible avec peu de contacts oculaires. L’appauvrissement de la pensée aboutit à une diminution de la fluence et de la productivité du discours. Les réponses sont souvent brèves, laconiques voire vides. À ceci s’ajoute l’incapacité à initier et à préserver des activités dirigées vers un but. Cette perte de volonté peut aboutir à de longues périodes d’inactivité, d’immobilité, et à une nette diminution de l’intérêt porté aux activités sociales et professionnelles.

La désorganisation des pensées correspond à un relâchement des processus associatifs qui permettent le fonctionnement mental. Cette dissociation entraîne des troubles du cours et du contenu de la pensée révélés par le discours et le comportement du patient. Le discours est désorganisé, fait d’élaborations stériles, inadaptées, de raisonnements abstraits, hermétiques, incohérents, d’interruptions subites inexpliquées, et parfois d’un langage propre composé de mots nouveaux (néologismes) ou d’autres utilisés de façon inadéquate. Le comportement du patient schizophrène est caractérisé par l’incompatibilité entre les idées, les sentiments et les actes, ce qui donne un aspect de contradiction, de paradoxe et d’incohérence. Ce phénomène est désigné par le terme discordance et se traduit par un comportement désorganisé, bizarre et imprévisible. La catatonie en est une des manifestations les plus extrêmes et associe stupeur, agitation paroxystique et postures inappropriées, rigides, et résistantes à la mobilisation.

L’âge moyen du premier épisode de la maladie se situe au cours de la deuxième décennie. Si le début des troubles peut-être brusque ou insidieux, la majorité des patients présente une phase prodromique se manifestant par l’apparition lente et graduelle de symptômes variés, souvent rapportés ou confirmés par l’entourage (ex. retrait social, perte des intérêts, détérioration de l’hygiène et du contact, comportements inhabituels et accès de colère). La schizophrénie évolue par la suite vers la chronicité de façon variable. Certains patients présentent une alternance d’exacerbations et de rémissions plus ou moins partielles, alors que d’autres restent malades de façon continue. À long terme, l’évolution peut-être stable ou se caractériser par une aggravation progressive associée à une incapacité sévère. L’espérance de vie des patients schizophrènes est inférieure à celle de la population générale, ce pour diverses raisons. Entre 20 et 40 % des patients font au moins une tentative de suicide au cours de l’évolution de la maladie, le taux de suicide est de 10%. Par ailleurs, la comorbidité avec les troubles liés à l’utilisation de substances est importante (alcool, cannabis ou autres drogues). 80 à 90 % des patients présentant une schizophrénie sont des fumeurs réguliers de cigarettes. Les troubles anxieux, notamment le trouble panique et le trouble obsessionnel-compulsif sont également fréquents chez les patients schizophrènes.

2. Épidémiologie, facteurs de risque et étiopathogénie

La prévalence moyenne de la Schizophrénie est généralement située autour de 1%. L’incidence est habituellement calculée à partir des admissions hospitalières, et ne permet donc pas d’évaluer les formes insidieuses ni les patients traités en ambulatoire.

Les facteurs de risques sont nombreux, à la fois génétiques et environnementaux. Les gènes impliqués sont nombreux, leurs interactions sont complexes, et leur expression est probablement perturbée dans la schizophrénie en réponse à des fluctuations de l’environnement (modèle stress-vulnérabilité). L’essentiel de ces interactions surviendraient au cours du second trimestre du développement anténatal, une période correspondant à la neurogenèse et à l’organisation corticale. Les facteurs environnementaux commencent à être cernés, et se situent dans les champs de l’infectiologie (grippe, Borna virus, toxoplasmose), de la nutrition et de l’obstétrique (mauvaise croissance fœtale, prématurité, complications de la délivrance), mais aussi au niveau de divers éléments susceptibles de générer un stress maternel et fœtal. À ces éléments s’ajoutent des facteurs de risque environnementaux sociodémographiques et psychologiques. La schizophrénie est ainsi associée à un bas niveau socioéconomique, à un statut familial de célibat, à un pauvre statut occupationnel, aux milieux urbains ainsi qu’à des antécédents familiaux migratoires. Le stress maternel (ex. grossesse non désirée, mort du père), aigu ou chronique, est également associé à un risque plus élevé de survenue de la maladie, de même qu’un stress infantile prolongé (ex. perte, séparation) dont les effets sont d’autant plus importants qu’ils surviennent précocement.

L’existence de perturbations périnatales et infantiles du développement cérébral à l’origine de la schizophrénie est aujourd’hui un fait et non une hypothèse. Les diverses anomalies macroscopiques, histologiques et moléculaires relevées au niveau cérébral découlent vraisemblablement d’une anomalie de la plasticité synaptique, entraînant des perturbations secondaires des systèmes neuromédiateurs. Toutefois, cette phase développementale périnatale, aboutissant à une dysplasie des réseaux neuronaux, ne serait que la première étape d’une cascade d’évènements aboutissant à la schizophrénie. Le développement cérébral se poursuit normalement durant la période infantile qui reste peu symptomatique. En revanche, durant la puberté surviennent des perturbations de la maturation cérébrale en relation avec l’augmentation physiologique des corticostéroïdes et des androgènes conduisant à la déficience des réseaux neuronaux. Cette phase précède l’apparition de manifestations cliniques et comportementales d’intensité variable, en rapport avec la phase prodromique de la maladie. Ladécompensation survient au seuil de l’âge adulte : chez les individus prédisposés, soumis à des facteurs de stress, la destruction des neurones et l’élimination massive des synapses induit un déséquilibre de la transmission dopaminergique responsable du premier épisode aigu de la maladie. S’en suivrait une authentique dégénérescence des tissus cérébraux, en relation avec des phénomènes excitotoxiques enclenchés par le déséquilibre des systèmes neuromédiateurs. L’évolution ultérieure est surtout marquée par les conséquences fonctionnelles du handicap acquis, avec généralement une moindre fréquence et une moindre intensité des épisodes psychotiques aigus.

3. Thérapeutique

La prise en charge de la Schizophrénie doit être multidisciplinaire et initiée le plus tôt possible. Initialement curative, puis préventive des récidives, elle doit être adaptée au tableau clinique et au sujet. Cette prise en charge ne doit pas être centrée uniquement sur la réduction des symptômes, mais également viser l’amélioration de la qualité de vie et du fonctionnement social. L’approche bio-psycho-sociale doit ainsi aborder le sujet dans son intégralité en associant une approche pharmacologique, psychologique et sociale.

Le traitement médicamenteux repose sur les neuroleptiques atypiques qui doivent être utilisés en première intention. Au moins aussi efficaces que les neuroleptiques (ou antipsychotiques) classiques sur les symptômes positifs, ils s’en distinguent par leur action sur la symptomatologie négative et certains troubles cognitifs. Les antipsychotiques atypiques induisent également moins d’effets indésirables neurologiques, ce qui favorise l’observance thérapeutique et réduit le risque de rechute. Les principales molécules disponibles en France sont la risperidone (Risperdal), l’olanzapine (Zyprexa), l’amisulpride (Solian), l’aripiprazole (Abilify) et la clozapine (Leponex). Si l’efficacité de ces molécules parait équivalente au vu des données disponibles, les profils d’effets secondaires sont différents et interviennent donc pour une large part dans le choix d’une molécule selon la logique du rapport bénéfice/risque. Les effets indésirables extrapyramidaux des neuroleptiques (dystonies aigues, parkinsonisme, akathisie, dyskinésies tardives), bien qu’ici moins fréquents et moins intenses que pour les NL classiques, restent impliqués dans la non compliance au traitement chez un tiers des patients. Les troubles psychiatriques chroniques sont associés de manière intrinsèque à un risque élevé de survenue d’un syndrome métabolique, retrouvé chez plus d’un tiers des patients schizophrènes. Les antipsychotiques en constituent un facteur aggravant car ils peuvent entraîner prise de poids, diabète ou anomalies lipidiques. Une hyperprolactinémie et des troubles du rythme cardiaque sont également relevés.

Bien que leur utilisation tende à décroître, certains neuroleptiques classiques présentent un intérêt, par leur effet sédatif dans le cadre de l’urgence (loxapine : Loxapac, cyamémazine : Tercian, chlorpromazine : Largactil, lévomépronazine : Nozinan) ou par leur action prolongée dans le cadre d’une mauvaise observance thérapeutique (halopéridol : Haldol Décanos, flupentixol : Fluanxol, fluphénazine : Modecate…).

Fréquemment associés, certains médicaments visent à contrer les effets indésirables des neuroleptiques. Les anticholinergiques (Artane, Lepticur, Akineton ou Parkinane) contre les syndromes parkinsoniens (dyskinésies précoces et syndrome akinéto-hypertonique) ; Hept-a-myl, Praxinor ou Gutron contre les hypotensions orthostatiques ; Artisial ou Sulfarlem pour corriger les hyposialies…

La prise en charge psychosociale repose sur les thérapies comportementales et cognitives (TCC) et la psychoéducation. Les TCC reposent sur l’analyse des pensées, des croyances, et des comportements qu’elles provoquent. Face à un comportement inadapté à la vie en société, on va donc remonter à la pensée ou à la croyance qui en est à l’origine. Puis remplacer ce comportement inadapté, appris dans certaines situations puis maintenu, par celui que souhaite le patient. L’efficacité des TCC est démontrée à court et moyen termes sur le taux de rechute, la réduction des symptômes et la réadaptation sociale des schizophrènes. La psychoéducation vise à mieux informer les patients et leur famille sur la maladie et les traitements, à réduire la culpabilité et l’isolement des familles, à adapter leurs attentes et attitudes à l’égard du malade et à améliorer les communications intrafamiliales. Elle peut se dérouler en groupe et faire appel à différents supports (écrits, vidéo). L’effet bénéfique est confirmé sur la compliance thérapeutique, sur le taux de rechutes et sur le fonctionnement social du patient.

4. Quelques dées reçues

Dédoublement de personnalité : il existe une tendance nette du grand public, souvent relayée par les médias, à confondre la Schizophrénie et le Trouble dissociatif de l’identité, autrefois appelé Personnalité multiple. Ce trouble, caractérisé par la présence de deux ou plusieurs identités distinctes qui prennent tour à tour le contrôle du comportement du sujet, est très rare et très éloigné des manifestations caractéristiques de la Schizophrénie.

Cannabis et Schizophrénie : le cannabis n’est pas un facteur causal de Schizophrénie, mais ses propriétés psychodysleptiques et hallucinogènes en font un dangereux facteur précipitant de la maladie chez des sujets prédisposés. La consommation de cannabis est particulièrement répandue chez les patients schizophrènes, certains de ses effets (ex. euphorie, désinhibition) leur permettant de combattre la symptomatologie négative.

Schizophrénie et dangerosité : la Schizophrénie représente avant tout un danger pour le patient lui-même. Les patients atteints sont plus souvent victimes qu’auteurs de violences, et le taux de suicide est très élevé. Les comportements violents ne sont pas plus fréquents chez les schizophrènes que dans la population générale. Les troubles du comportement surviennent en général chez certains patients non traités ou certains ayant consommé des substances psychoactives.

Responsabilité maternelle : de même que pour l’autisme, certaines théories psychanalytiques avancent que la Schizophrénie résulte des interactions plus ou moins précoces entre la mère et son enfant. Ces idées auparavant répandues, sources d’une culpabilité maternelle inutile et néfaste, sont aujourd’hui réfutées par les travaux scientifiques. Si le stress maternel périnatal est un facteur de risque non négligeable, la mère ne peut-être considérée pour autant comme directement responsable de la maladie de son enfant.

Schizophrénie et incurabilité : la prise en charge des patients schizophrènes a fait d’énormes progrès si bien qu’un diagnostic et un traitement précoces permettent de conserver une autonomie au moins partielle et une vie quasiment normale. Le Schizophrénie n’est aujourd’hui plus une maladie incurable.

5. Ordonnances commentées

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6. Délire et désorganisation de la pensée : l’étrange discours du schizophrène

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Revue PHARMA – No. 38 – Nov 2008