La contention (mécanique) en psychiatrie

Hospitalisation

Résumé

La contention mécanique consiste à restreindre ou maitriser directement les mouvements d’un patient à l’aide d’un dispositif de bracelets et de ceintures le plus fréquemment fixé sur un lit. Il s’agit de la forme la plus coercitive de contention et de la plus grande restriction de liberté imposable à un patient. Cette pratique reste courante malgré l’évolution des soins psychiatriques et se révèle souvent variable d’un lieu de soin à un autre. Le sujet n’est que très discrètement abordé dans la littérature et les recommandations demeurent peu explicites. Les équipes soignantes qui doivent déjà faire face à des préoccupations thérapeutiques, éthiques et sécuritaires se retrouvent régulièrement en difficulté lorsqu’il s’agit d’établir un rapport bénéfices/risques adapté à chaque patient. Les indications les plus fréquemment retenues sont l’imminence d’un passage à l’acte auto ou hétéro-agressif, l’imminence d’une rupture thérapeutique alors que l’état de santé impose les soins, la dégradation de l’environnement, la contre-indication d’autres formes de contention moins coercitives (pharmacologiques notamment), la prise en charge comportementale de la violence et la demande du patient. Les contre-indications rassemblent les dérogations au principe de dernier recours, les démarches punitives, l’instabilité organique nécessitant une surveillance étroite mais également certains antécédents traumatiques (notamment sexuels) et des populations particulières (âges extrêmes, surdité ou trouble envahissant du développement avec ou sans retard mental). Il semble que la seule attitude réellement appropriée revienne à considérer la contention mécanique comme une mesure préventive et non thérapeutique, ainsi qu’à réduire son utilisation, sa durée et sa nocivité.

Introduction

Pratique ancestrale et controversée, la contention vise aussi bien à protéger les malades mentaux qu’à les exclure d’une société pour laquelle ils représenteraient un danger. Si Pinel libère les aliénés de quelques unes leurs chaînes il y a plus de deux siècles, les formes les plus extrêmes de contention ne sont pas pour autant abolies et deviennent même des éléments centraux du traitement moral au sein des structures asilaires. Depuis, malgré les progrès technologiques, scientifiques, institutionnels, psychothérapeutiques et pharmacologiques, les soins psychiatriques ne semblent guère pouvoir s’effectuer sans certaines formes de contention dont les pratiques sont aussi variables que répandues. Les soignants se retrouvent souvent cernés par l’apparence contradictoire des préoccupations thérapeutiques, éthiques et sécuritaires. L’évaluation délicate du rapport bénéfices/risques, la nécessité d’un respect maximal des libertés individuelles d’un patient tout en assurant sa protection et celle d’autrui doivent pourtant conduire au meilleur compromis pour la santé mentale de ce même patient.

Définitions

La contention vise globalement à restreindre la liberté de mouvement d’un patient et peut se concevoir selon trois domaines :

  1. La contention environnementale : elle consiste à imposer un périmètre limité à l’hôpital (ex. clôture), à une unité (ex. service fermé) ou à une pièce (ex. chambre d’isolement). L’isolement se caractérise alors par le verrouillage de la porte d’une chambre dans laquelle le patient est séparé de l’équipe de soins et des autres patients.
  2. La contention physique : elle consiste à restreindre ou maitriser directement les mouvements d’un patient. Cette contention peut être manuelle ou mécanique, alors effectuée à l’aide d’un dispositif, soit fixé sur un lit ou sur un siège (bracelets et ceintures), soit mobile (camisole de force).
  3. Contention chimique : elle consiste en l’administration d’un médicament aux vertus tranquillisantes qui résultent d’une action sédative et/ou des effets plus spécifiques aux neuroleptiques (indifférence psychomotrice et parkinsonisme = la fameuse « camisole chimique »).

Pratiques de contention mécanique

La contention mécanique demeure à ce jour la plus grande restriction de liberté imposable à un patient. Pour la plupart peu à l’aise avec le sujet, les soignants peinent à communiquer sur leurs pratiques. Les réflexions et débats sont souvent motivés par des poursuites judiciaires ou des accidents, notamment aux États-Unis où cette mesure est davantage utilisée mais avec plus de transparence qu’en Europe. Le manque de données exploitables aboutit à des recommandations peu explicites qui ne démarquent que rarement la contention physique et l’isolement dans leurs spécificités respectives (les deux méthodes ne sont pas interchangeables). La contention mécanique n’est que très discrètement abordée dans la littérature ainsi que dans les formations psychiatriques initiales ou continues. La réalisation d’études contrôlées se heurte volontiers à des problèmes d’éthique et de méthodologie si bien que la plupart des travaux restent cantonnés à une analyse rétrospective de corrélations entre la fréquence d’utilisation de ces mesures coercitives et des facteurs sociodémographiques, cliniques et environnementaux.

Ainsi, les diagnostics les plus fréquemment associés à l’isolement et à la contention mécanique sont la schizophrénie paranoïde décompensée, les troubles de la personnalité. La fréquence d’utilisation de ces mesures est plus élevée lorsque le séjour est inférieur à 15 jours ou supérieur à 3 mois, mais aussi lorsque le taux d’occupation est faible et l’unité surchargée. Les facteurs conduisant le plus à isoler et à contenir physiquement sont l’agitation, l’opposition massive, la perturbation du milieu thérapeutique, l’agression de patients ou du personnel, les menaces ainsi que les conduites auto-agressives ou suicidaires.

L’absence de réel consensus concernant la contention mécanique se traduit par une utilisation extrêmement variable, notamment selon le type d’unité (ex. ouverte ou fermée), le type de pathologies prises en charge, la mixité des modes d’hospitalisation, la durée moyenne de séjour, l’orientation des équipes, les infrastructures (ex. présence ou non de chambre d’isolement) et les moyens disponibles (matériels ou humains). Il devient alors légitime de s’interroger sur la pertinence de chacun de ces facteurs pour déterminer un usage approprié.

Des bénéfices aux risques

Le seul effet considéré comme thérapeutique et propre à l’isolement reste sujet à débat : il s’agit d’une diminution de l’agitation associée à une réduction des stimulations sensorielles. Si le niveau de preuve s’avère convaincant pour l’agitation dans son ensemble, et particulièrement lorsqu’il s’agit d’une manifestation purement maniaque, la réduction des stimulations sensorielles est parfois également associée à une exacerbation de l’agitation et des troubles du comportement lorsqu’ils s’accompagnent d’une désorganisation et d’un envahissement hallucinatoire massif. Il est par ailleurs intéressant de rappeler que la privation sensorielle à visée expérimentale est associée, entre autres, à la survenue d’hallucinations chez le sujet sain.

La contention mécanique n’a quant à elle aucune valeur thérapeutique propre prouvée à ce jour. Certaines idées dérivées de théories psychanalytiques circulent encore sur un effet apaisant qui serait lié à la restauration d’une enveloppe psychique considérée comme défaillante dans la psychose. Plus ou moins superposables à celles qui entourent la pratique du packing chez l’enfant, ces élucubrations n’ont jamais dépassé le stade de la spéculation et semblent avoir pour principales fonctions de déculpabiliser les soignants tout en banalisant les pratiques de contention physique. Si celle-ci n’est pas à considérer parmi les soins, elle peut constituer un moyen de les mettre en œuvre ou de contrecarrer leur rupture, tout comme elle peut assurer un rôle préventif des blessures physiques.

Les risques associés à la contention mécanique sont nombreux et globalement plus importants chez l’enfant et la personne âgée. Des complications physiques surviennent dans 6,7 % des cas. Il s’agit le plus souvent de lésions des extrémités (osseuses, articulaires, musculaires ou ischémiques) mais également de strangulations accidentelles ou volontaires pouvant conduire au décès après libération d’une ou plusieurs entraves. À ceci s’ajoutent les complications liées au décubitus prolongé, notamment thromboemboliques et respiratoires. Le risque de suffocation ou d’asphyxie augmente si la tête est trop surélevée par rapport au reste du corps tandis que le risque d’inhalation bronchique augmente si elle l’est insuffisamment. Les risques infectieux, de déshydratation, de troubles du rythme cardiaque et de la thermorégulation sont aussi à prendre en compte tenu de l’administration fréquente de doses importantes de neuroleptiques. Les complications psychiatriques ne sont pas rares et pour la plupart associées à l’angoisse provoquée ou aggravée par cette mesure qui reste la plus coercitive des pratiques psychiatriques. Il s’agit en premier lieu de la survenue ou de l’aggravation de troubles anxieux, notamment du syndrome de stress post-traumatique, mais également de la recrudescence de symptômes délirants, notamment persécutifs volontiers ponctués par la peur de mourir ou d’être tué, le tout probablement potentialisé par une relative perte des repères spatio-temporels. Les diverses données relatives au vécu des patients ayant subi la contention physique nous révèlent des sentiments évidemment très négatifs et variés tels que l’angoisse, la colère, la honte, l’incompréhension. Les vécus d’humiliation sont au premier plan et associés au non respect de la volonté, de la liberté de mouvement, la perte de dignité (notamment par rapport à l’élimination et l’hygiène) et le viol de l’intimité (sentiment d’être traité comme un animal). Viennent ensuite le vécu de rejet, d’exclusion, de séparation, le manque de contact humain, la douleur physique et l’environnement négatif.

Les conséquences négatives sur l’alliance thérapeutique sont également à prendre en compte et notamment l’impact des mesures coercitives sur le recours ultérieur aux soins psychiatriques.

Indications

  1. Imminence d’un passage à l’acte auto ou hétéro-agressif : il s’agit de l’indication la moins controversée. Le critère d’imminence n’est pourtant que rarement précisé et les avis divergent parfois sur le caractère de « dernier recours », certains préconisant une mise en place précoce de la contention physique chez les patients considérés « violents ».
  2. Imminence d’une rupture thérapeutique alors que l’état de santé impose les soins : cette indication est parfois retenue lorsque des mesures moins coercitives (service fermé, isolement) ne peuvent pas être mises en place du fait de moyens défaillants (personnel ou infrastructure), ce qui ne la rend pas moins contestable (ex. certains services d’urgence).
  3. Dégradation de l’environnement : il est nécessaire d’agir préalablement sur l’environnement lui-même, en privilégiant notamment la contention environnementale. La sécurisation des chambres d’isolement n’étant pas infaillible, certaines dégradations dangereuses pour le patient peuvent conduire à sa contention mécanique.
  4. Contre-indication du traitement pharmacologique sédatif chez un patient auto ou hétéro-agressif : malgré l’abondante pharmacopée de la psychiatrie moderne, certains patients ne peuvent pas bénéficier d’une sédation suffisante, notamment en raison de certaines pathologies somatiques, interactions médicamenteuses ou d’une grossesse évolutive.
  5. Prise en charge comportementale de la violence : le risque de glisser de l’isolement par rapport au renforcement à la pratique purement aversive est important, tout comme celui de banaliser l’usage de la contention et de négliger les critères cliniques.
  6. Demande formulée par le patient : il s’agit d’un argument fréquemment avancé pour justifier des bienfaits supposés de la contention. Une telle demande ne doit pourtant pas être acceptée d’emblée sans en mesurer les effets potentiels. Il existe un risque non négligeable de renforcement de la violence, notamment lorsqu’il s’agit pour un patient de sonder les limites de tolérance du personnel, ou lorsque des soignants se laissent aller à des interprétations abusives sur ce qui pourrait s’apparenter à une demande de la part du patient.

Contre-indications

  1. Non recours préalable à des interventions moins coercitives : il s’agit des méthodes verbales et des formes moins restrictives de contention (médicamenteuses et environnementales).
  2. Substitution à un autre traitement possible : il s’agit d’une dérogation au principe de dernier recours.
  3. Absence d’indication clinique : la contention mécanique ne doit pas être utilisée dans le but de soulager une équipe exaspérée, de maintenir l’homéostasie d’un service, ni dans une démarche punitive ou pour sanctionner une opposition passive aux soins, au traitement médicamenteux, aux activités ou aux examens complémentaires.
  4. Instabilité organique nécessitant une surveillance étroite des paramètres neurovégétatifs : il peut s’agir d’une cardiopathie, d’un désordre de la thermorégulation, d’une infection grave etc.
  5. Antécédents traumatiques (abus sexuels, guerre, tortures etc.) : le risque élevé de « retraumatisation » peut conduire à aménager si possible les mesures de contention physique. Il est notamment recommandé de ne pas attacher les membres inférieurs des femmes ayant été violées et de privilégier l’intervention de soignantes.
  6. Populations particulières : les complications sont plus fréquentes chez les enfants, les personnes âgées, les patients présentant un retard mental, un trouble envahissant du développement ou une surdité, ce qui conduit certaine recommandations à une contre-indication relative pour ces populations.

Conclusion

Si la contention mécanique en psychiatrie permet certainement d’éviter de graves complications voire de sauver des vies, elle pose de sérieux problèmes éthiques et expose le patient à d’importants risques physiques et psychiques. Il semble que la seule attitude réellement appropriée vis-à-vis de cette pratique revienne à réduire son utilisation, sa durée, et sa nocivité.

L’information des patients, la psychoéducation, tout comme la formation adéquate des équipes contribuent à réduire la survenue des accidents et des blessures mais également à réduire l’utilisation de l’isolement et de la contention physique. Il peut s’agir de formations à la gestion des situations de crises, de la violence ou même de simples cours d’auto-défense et de prévention de la violence. La seule utilisation d’une technique simple telle que la désescalade verbale permet de réduire significativement l’utilisation des méthodes coercitives, tout comme une bonne connaissance et une évaluation précoce des facteurs de risques de dangerosité.

La prescription de la contention mécanique, obligatoirement médicale, doit passer par une analyse rigoureuse et personnalisée du rapport bénéfices/risques et s’effectuer en dernier recours, après échec de toutes les interventions non ou moins coercitives. La douleur qui, faut il encore le rappeler, n’a aucun effet thérapeutique, doit être évitée et les préférences du patient respectées au mieux, de même que sa dignité (hygiène, alimentation, élimination, intimité, environnement etc.). Ce dernier doit être clairement informé des justifications d’une telle mesure et du comportement requis pour l’interrompre. Le conseil, la réassurance et le soutien ne doivent non seulement pas s’interrompre mais s’intensifier durant la mesure, tout comme la surveillance et la prévention des risques physiques. La nécessité de poursuivre la contention doit être réévaluée le plus souvent possible par un médecin (selon des intervalles maximum de 4 à 12 heures selon les recommandations) et la mesure interrompue dès que des alternatives moins restrictives deviennent envisageables.


Références

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  • Nelstrop L, Chandler-Oatts J, Bingley W, Bleetman T, Corr F, Cronin-Davis J, Fraher DM, Hardy P, Jones S, Gournay K, Johnston S, Pereira S, Pratt P, Tucker R, Tsuchiya A. A systematic review of the safety and effectiveness of restraint and seclusion as interventions for the short-term management of violence in adult psychiatric inpatient settings and emergency departments. Worldviews Evid Based Nurs. 2006 ; 3(1) : 8-18.
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  • Richmond JS, Berlin JS, Fishkind AB, Holloman GH Jr, Zeller SL, Wilson MP, Rifai MA, Ng AT. Verbal De-escalation of the Agitated Patient: Consensus Statement of the American Association for Emergency Psychiatry Project BETA De-escalation Workgroup. West J Emerg Med. 2012 Feb ; 13(1) : 17-25.
  • Knox DK, Holloman GH Jr. Use and avoidance of seclusion and restraint: consensus statement of the american association for emergency psychiatry project Beta seclusion and restraint workgroup. West J Emerg Med. 2012 Feb ; 13(1) : 35-40.
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De la dangerosité psychiatrique à la stigmatisation

Grand Public, Revues Pro, Troubles psy

La Haute Autorité de Santé vient de communiquer son rapport sur la dangerosité psychiatrique, fort de 84 recommandations pour mieux identifier le risque de violence et mieux prévenir les passages à l’acte.

D’après leur revue de littérature, les personnes souffrant de troubles mentaux graves sont 4 à 7 fois plus violentes que les autres mais rarement auteurs de violences graves (environ un homicide sur 20). Elles sont également 7 à 17 fois plus souvent victimes de violences que les autres.

Quelques facteurs de risques (associés à la violence causée et/ou subie?) sont avancés :

  • les antécédents de violence commise ou subie, notamment dans l’enfance ;
  • la précarisation, les difficultés d’insertion sociale, l’isolement ;
  • l’abus ou la dépendance à l’alcool ou à d’autres substances psychoactives ;
  • un trouble de la personnalité de type antisocial ;
  • l’âge (inférieur à 40 ans) ;
  • une rupture des soins ou un défaut d’adhésion au traitement.

Les mauvaises langues psychiatriques signaleront que la majeure partie des malades mentaux sévères sont concernés par ces critères mais il me semble que c’est leur association qui doit alerter les équipes de soins. La plupart d’entre-elles sont déjà bien au fait des risques de passage à l’acte de ces patients et de leur grande fragilité lorsque ces critères sont réunis.

L’HAS nous offre également ce qu’elle appelle des signes d’alerte, que l’on peut considérer comme des facteurs de risque imminent.

Il s’agit chez les patients schizophrènes de :

  • un délire paranoïde avec injonction hallucinatoire ;
  • des idées délirantes de persécution avec dénonciation d’une personne considérée comme persécutant le malade ;
  • des idées délirantes de grandeur, passionnelles ou de filiation ;
  • des menaces écrites ou verbales pouvant évoquer un scénario de passage à l’acte contre le persécuteur supposé ;
  • une consommation importante d’alcool ou de substances psychoactives.

Il s’agit chez les patients présentant un trouble de l’humeur de :

  • l’importance de la douleur morale ;
  • des idées de ruine, d’indignité ou d’incurabilité notamment quand elles s’élargissent aux proches ;
  • un sentiment d’injustice ou de blessure narcissique.

Bien que tout bon professionnel de santé mentale devrait déjà connaitre les risques de passage à l’acte associés à certains symptômes, un petit rappel ne peut pas faire de mal, ou presque…

Presque, car l’opinion publique demeure facétieuse si l’on en croit les réactions à un article de Libération qui présente ce rapport. Bien que les intentions du journaliste soient la dénonciation de cette fameuse stigmatisation subie par les malades mentaux, les lecteurs relèvent davantage ce qui pourrait les concerner, ce qui leur fait peur, à savoir que les personnes souffrant de troubles mentaux graves sont plus violentes que les autres…

Dangerosité psychiatrique : repérer les signes d’alerte pour prévenir les actes de violence (HAS, le 07/07/2011)

Des fous pas si furieux (Libération, le 09/07/2011)

Les accidents de la psychiatrie française

Prise en charge, Revues Pro

Le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) sur les accidents en psychiatrie fait déjà couler beaucoup d’encre et de pixels. Certains brandissent, comme le CCDH, les drames et dysfonctionnements pour les généraliser à l’ensemble de la psychiatrie tandis que d’autres s’insurgent, notamment le Collectif des 39, contre ce qu’ils considèrent comme un appui gouvernemental prônant l’évolution vers une psychiatrie sécuritaire et stigmatisante. Si viser le risque zéro peut effectivement s’avérer préjudiciable à la majorité des patients, proclamer que ces évènements parfois gravissimes, et qualifiés d’exceptionnels, sont un mal nécessaire à l’humanisme et à la liberté de ces mêmes patients relève de la contrevérité la plus abjecte. Entre caricature, stigmatisation, démagogie, manipulation et lâcheté, rares sont les réactions sages et pertinentes.

Je me limiterai donc à sélectionner les données que je considère pertinentes dans ce rapport et qui ont été récoltées sur les cinq dernières années :

DONNÉES

  • 86 % des patients sont suivis en ambulatoires
  • 60 % des lits d’hospitalisation ont été fermés depuis 30 ans
  • Augmentation du nombre d’hospitalisations sans consentement (HO + HDT = 80 000 par an)
  • Une vingtaine d’homicides (ou tentatives) et une dizaine d’agressions sexuelles déclarées en cinq ans
  • Entre 20 et 70 agressions physiques de personnel par an et par établissement ayant entrainé un arrêt maladie
  • Agressions entre patients fréquentes mais mal recensées
  • Entre 8 000 et 14 000 fugues par an de patients hospitalisés sans consentement

La dangerosité est mal évaluée (grilles d’évaluation notamment peu utilisées en France), favorisée par le non-respect du droit des patients (confinement, négation de la vie privée et utilisation abusive des chambres d’isolement) et par l’attitude incohérente des hôpitaux vis-à-vis des addictions (dépenses liées au tabac, trafic de cannabis et d’alcool dans les hôpitaux). Les violences sont également favorisées par le fait que les hôpitaux sont mal aménagés et peu surveillés, que les patients sont mélangés de façon inappropriée,  que les ruptures thérapeutiques totales ou partielles sont fréquentes après les sorties, tout comme la reprise de consommation de drogue et d’alcool, et que les RDV au CMP sont trop espacés.

Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les effectifs de personnel qui font défaut, sauf exception localisée : le nombre de médecins employés dans les CHS a régulièrement augmenté au plan national depuis 1989 et si le nombre d’infirmiers a diminué, il l’a fait dans des proportions moindres que la baisse du nombre de lits, ce qui a permis une croissance régulière du nombre de soignants par lits. En revanche, la charge de travail des infirmiers en hospitalisation complète s’est alourdie et surtout le temps de présence des personnels a été réduit. L’IGAS a constaté à plusieurs reprises une présence médicale manifestement insuffisante dans certains établissements. L’absentéisme des personnels soignants atteint parfois des niveaux inquiétants, les accords de réduction du temps de travail ont été négociés dans certains établissements de façon anormalement libérale et réduisent un temps de travail que viennent grignoter les trop nombreuses pauses des fumeurs. Enfin, dans certaines régions, le cumul d’emploi touche certaines catégories du personnel qui travaille de nuit et affaiblit leur vigilance. Par ailleurs, la formation initiale des infirmiers à la prise en charge des malades mentaux est mise en cause, car elle ne prévoit pas de module spécifique à la prévention et à la gestion des situations d’agressivité en psychiatrie. Ce constat est également valable pour les personnels plus expérimentés, qui n’ont toujours pas acquis les bons réflexes pour faire face à une situation difficile ou appris à contrôler leurs émotions envers les patients.

PROPOSITIONS

L’apparente rareté des conséquences graves a tenu lieu d’excuse face aux dysfonctionnements et les propositions d’amélioration ont été critiquées comme abusivement sécuritaires. Or la sécurité et la qualité des soins ne sont pas des notions opposées. Le respect des malades contribue à la prévention de la violence. Il ne faut pas demander à l’hôpital, à son directeur et à ses médecins (obligation de moyens, pas de résultats) plus qu’ils ne peuvent donner.

  • Créer de véritables sas d’entrée avec emploi de badges électroniques pour un contrôle des accès.
  • Équiper les personnels des dispositifs de protection du travailleur isolé
  • Mettre en place des moyens de distraction des patients hospitalisés
  • Remplacer les chambres collectives par des chambres individuelles, créer les infrastructures de pédopsychiatrie qui manquent, reconstruire les locaux dégradés en conciliant thérapie et sécurité.
  • Réorganiser les unités hospitalières pour éviter les cohabitations forcées et inappropriées
  • Élaborer et mettre en œuvre de bonnes pratiques pour les victimes d’agression sexuelle, la contention, les procédures de sortie et le suivi ambulatoire.
  • Former spécifiquement les nouvelles recrues à prévenir et gérer les situations d’agressivité.
  • Améliorer la communication avec les malades (information sur les droits, obligations, risques liés à leur conduite et respecter si possible leur choix), leur entourage (recueillir leur avis avant, pendant, après l’hospitalisation et en tenir compte) et d’autres professionnels appelés à intervenir (maires, police, gendarmerie, pompiers…).

Analyse d’accidents en psychiatrie et propositions pour les éviter (version complète du rapport de l’IGAS)