Neuroleptiques [FAQ]

Effets secondaires, FAQ, Neuroleptiques

Voici les questions qui me sont fréquemment posées lorsqu’il est question d’instaurer un traitement neuroleptique. Je ne suis pas en mesure de garantir que mes réponses soient superposables à celles de mes confrères français que j’encourage vivement à me critiquer s’ils le jugent nécessaire. Par ailleurs, dans le cas où certaines réponses ne seraient pas suffisamment claires je m’engage à tenter d’y remédier, tout comme je pourrai rajouter d’autres questions selon les suggestions des lecteurs.

Les neuroleptiques, c’est pour les fous?

Pas forcément, et pas seulement.

Les neuroleptiques sont avant tout des calmants, des tranquillisants initialement qualifiés de majeurs qui peuvent être prescrits en cas d’agitation. Certains d’entre eux ciblent davantage l’agitation intérieure, notamment émotionnelle ou liée à un emballement des pensées tandis que d’autres ciblent surtout l’agitation motrice.

Ces médicaments peuvent donc aider à calmer un délire, et se révèleront d’autant plus efficaces que ce délire est envahissant, caractérisé par une forte participation émotionnelle (ex. angoisse, colère, euphorie) et/ou source de troubles du comportement.

Comme pour la plupart des psychotropes, les progrès effectués en matière de tolérance ont abouti à un élargissement progressif des indications officielles qui concernent aujourd’hui :

  • Les troubles du comportement et l’agitation
  • Certains symptômes délirants (ex. hallucinations)
  • La schizophrénie
  • Le trouble bipolaire
  • Certaines formes d’anxiété
  • Certaines dépressions
  • L’insomnie

Enfin, les neuroleptiques peuvent également être prescrits à long terme dans le but de prévenir d’éventuelles rechutes.

Les neuroleptiques, comment ça marche?

Ce qui définit l’action neuroleptique, c’est le freinage de la transmission de dopamine dans le cerveau. Cela permet de se détacher, de mettre à distance certaines pensées ou émotions lorsqu’elles sont trop envahissantes mais également de réduire l’activité motrice lorsque celle-ci devient problématique (ex. certains troubles du comportement).

Les neuroleptiques agissent également sur la transmission d’autres substances, que ce soit dans le cerveau ou ailleurs, de façon variable suivant le médicament concerné, ce qui peut aboutir en pratique à des effets plus ou moins recherchés comme par exemple la sédation.

Les neuroleptiques, ça transforme en zombie?

Ce phénomène correspond à des effets secondaires extrapyramidaux qui, lorsque très intenses, aboutissent à la fameuse allure schizophrénique : raideur, ralentissement, difficulté à initier des mouvements, tremblements lents, indifférence, visage figé et tendance à baver. Ces symptômes similaires à ceux de la maladie de Parkinson surviennent lorsque les doses sont trop élevées, le neuroleptique faisant alors office de véritable camisole chimique.

Longtemps considérés comme le prix à payer pour obtenir l’efficacité, voire comme un signe d’efficacité, ces effets extrapyramidaux peuvent et doivent être évités, en collaboration avec le prescripteur :

  • Par une augmentation très progressive des doses
  • Par une diminution des doses s’ils surviennent
  • Par un changement de traitement au profit d’un neuroleptique moins pourvoyeur de ce genre d’effets (ex. clozapine, quétiapine)
  • Par l’ajout d’un médicament dit « correcteur »

Les neuroleptiques, ça shoote, ça transforme en légume?

L’effet sédatif de certains neuroleptiques est parfois très prononcé, ce qui peut se révéler bénéfique si le niveau d’éveil est trop élevé (ex. anxiété, insomnie). En revanche, plusieurs effets indésirables et invalidants peuvent découler de cette sédation : la diminution de la vigilance (ex. conduite), la somnolence en journée, l’augmentation du temps de sommeil, les difficultés de concentration etc.

Ces désagréments conduisent encore très souvent les patients à interrompre brutalement le traitement, ceci alors qu’il existe des solutions moins risquées à adopter en collaboration avec le prescripteur parmi lesquelles :

  • Décaler si possible la prise du traitement le soir au coucher
  • Diminuer la dose
  • Remplacer le neuroleptique par un autre moins pourvoyeur de sédation (ex. aripiprazole).

Les neuroleptiques, ça rend obèse?

La prise de poids n’est pas rare et conduit aussi très fréquemment les patients à suspendre brusquement la prise d’un neuroleptique. Il s’agit parfois de quelques kilos, parfois de plus mais ce n’est pas systématique. Cumulée au tabagisme et au manque d’exercice physique, cette prise de poids peut s’accompagner d’une augmentation de la tension artérielle, des taux de graisses et de sucre dans le sang, le tout finissant par augmenter le risque cardiovasculaire. C’est ce qu’on appelle le syndrome métabolique. Là encore, une simple diminution de la dose peut parfois suffire et un changement de neuroleptique est indiqué si le poids augmente rapidement après l’instauration.

Les neuroleptiques, c’est pour la vie?

Il reste aujourd’hui très difficile voir impossible de prévoir la façon dont va évoluer un problème psychiatrique à très long terme. Un neuroleptique se prescrit donc avant tout à court terme pour calmer un épisode aigu, et à moyen terme pour prévenir les récidives, parfois pendant plusieurs années. Le rapport entre les bénéfices et les risques liés à ce traitement doit être réévalué le plus souvent possible avec le médecin. Dans la mesure du possible, toute décision concernant le maintien, la diminution ou l’interruption d’un neuroleptique doit résulter d’un accord entre le patient et son prescripteur.

Les neuroleptiques, ça rend accro?

Hélas encore niée par une grande partie du corps médical, la dépendance aux neuroleptiques existe pourtant et se caractérise par des symptômes de sevrage à l’arrêt du traitement. Ceux-ci peuvent être difficiles à distinguer des symptômes pour lesquels le neuroleptique était prescrit initialement (anxiété, insomnie, agitation) si bien qu’un sevrage est fréquemment confondu avec une rechute qu’il peut par ailleurs favoriser.

Certains signes physiques sont évocateurs de ce syndrome de sevrage :

  • Nausées, vomissements
  • Diarrhée
  • Perte d’appétit
  • Écoulement nasal
  • Hypersudation
  • Douleurs musculaires
  • Troubles de la sensibilité

Dans la plupart des cas, la réintroduction du neuroleptique permet de soulager les symptômes.

La meilleure façon d’éviter ce genre de complication reste la diminution très progressive du traitement, qui devra toujours s’effectuer en collaboration avec le prescripteur.

Les neuroleptiques, il n’y a aucune alternative?

Les réelles alternatives sont rares et plutôt à considérer comme des mesures complémentaires. Lorsque les symptômes sont importants, lorsqu’ils sont source d’une dangerosité pour soi ou pour les autres, lorsqu’il faut agir en urgence, les neuroleptiques sont souvent la meilleure solution. D’autres tranquillisants existent, notamment les benzodiazépines, mais celles-ci restent moins efficaces pour se distancer des préoccupations délirantes (ex. hallucinations, sentiment de persécution) et ne sont pas dénuées d’effets secondaires également.

La thérapie cognitive et comportementale donne quelques bons résultats pour gérer les hallucinations mais elle nécessite la collaboration active du patient, ce qui n’est pas toujours possible.

Il existe d’autres traitements pour prévenir les rechutes d’un trouble bipolaire, notamment le lithium et certains anticonvulsivants. En revanche, concernant la schizophrénie, aucun autre traitement n’a montré d’efficacité en prévention des rechutes.

L’homéopathie, la phytothérapie (« les plantes ») et autres médecines non conventionnelles (douces, naturelles, alternatives, parallèles etc.) ne peuvent en aucun cas constituer une alternative aux neuroleptiques, tout comme la psychanalyse dont les bénéfices semblent se limiter à la prise en charge de certains troubles de la personnalité.

Évaluer les psychoses avec la COP 13 (2011) ♥½

Livres, Prise en charge, Troubles psychotiques

Les états psychotiques posent aux équipes soignantes et à la société des problèmes de grande ampleur : problème de leur description, de leur compréhension, de leur traitement, de leur évolution, et de l’évaluation des méthodes de soin. Les troubles psychotiques sévères durables nécessitent de longues périodes de soins. Prises dans l’action quotidienne, les équipes de soins ne peuvent que difficilement se faire une idée globale du « point » où en est chaque patient. Afin de mieux connaître le malade, de préciser la clinique, d’enrichir les perspectives de traitement, de procéder à des évaluations, voire de réévaluer le pronostic, les auteurs ont mis au point une méthode de description et d’évaluation clinique et psychopathologique des états psychotiques, la COP 13 (Clinique Organisée des Psychoses). Intuitive et accessible à tous les soignants tout en étant très complète, elle conjugue les ressources de la clinique psychiatrique, de la psychopathologie psychanalytique, et les enseignements de la psychiatrie de secteur.

L’exception psychiatrique française a encore frappé! Les trois auteurs sont psychiatres, psychanalystes, médecins à responsabilités (mentionné dans cet ordre sur le site) et semblent en mesure de rectifier la trajectoire pour le moins déviante empruntée par la psychiatrie du reste du monde, une psychiatrie que l’impérialisme américano-pharmaceutique mène par le bout du nez et dont ils pointent comme souvent admirablement les limites actuelles. Ils proposent une approche à la fois singulière et globale de la chronicité psychotique sous la forme d’un outil d’évaluation. Cette démarche aux allures de compromis avec l’envahisseur anglo-saxon est initialement présentée comme une voie possible vers la réconciliation mais le lecteur s’apercevra rapidement que cette réconciliation passe obligatoirement par le retour à une « base psychopathologique commune » (Laquelle? Vous plaisantez?) qui ne peut être autre que psychanalytique. Autrement dit : nous acceptons de nous plier à l’évaluation à condition que cette dernière soit éclairée par les lumières de la sagesse psychanalytique. Les plus optimistes y verront l’embryon d’un premier pas vers une réconciliation, d’autres, plus lucides, un serpent qui se mord encore un peu plus la queue tant cet instrument ne pourra finalement servir qu’à légitimer l’approche irréfutable qui le guide.

Pour exemple, parmi les conclusions les plus fréquentes rencontrées à la fin de la cotation, les auteurs retrouvent : « le traitement se déroule bien et rien ne doit être changé », « on doit inciter le patient à entrer dans une institution », « l’équipe a peur », « l’équipe est trop proche », « on peut penser à une psychothérapie familiale », « il faudrait infléchir le traitement médicamenteux », « il est opportun de proposer une séparation progressive du milieu familial », « le choix le plus dynamique est de proposer une séparation nette d’avec le milieu familial », « favoriser la sortie d’une institution », « mettre en place un cadre légal au traitement ». Il s’agit effectivement des grandes lignes de l’approche PSI (psychanalytique, sectorielle et institutionnelle) qui sévit en France depuis un demi-siècle. Pour un autre exemple, les considérations du patient et de la famille sur la prise en charge ne seront traitées qu’à travers le prisme freudien, soit comme autant de points à coter qui confirmeront son bienfondé : la disqualification du milieu soignant et la recherche de traitements parallèles à ceux proposés deviennent notamment des indices de sévérité alors qu’ils devraient en premier lieu amener à se questionner sur la prise en charge actuelle.

La cotation concerne donc bien sûr le patient mais sans sa présence. Elle est logiquement effectuée par le psychiatre responsable de la prise en charge, de préférence aidé par le reste de l’équipe « pluridisciplinaire » au cours de réunions cliniques. Si les auteurs promettent une fiabilité croissante avec le nombre d’intervenants, ils passent sous silence les nombreux biais occasionnés par ce type de méthode, ce qui aurait mérité au moins un chapitre supplémentaire.

Les différents items à coter (26 au total) sont regroupés au sein des six groupes suivants :

1. La destructivité

Il s’agit des troubles du comportement dans leur ensemble qui sont réunis ici sous la bannière de l’agressivité (de la consommation excessive de tabac à la violence physique en passant par ne pas donner de nouvelles). Les auteurs tentent de se prémunir d’éventuelles critiques en nous rappelant que l’agressivité est partout (chez tous les humains et dans tous les troubles psychiatriques) mais que la psychose détruit tout sur son passage : le corps, l’entourage, les soignants, le lieu de vie et les biens.

En guise d’éclairage psychanalytique, ils nous proposent évidemment un petit rappel sur la pulsion de mort freudienne et quelques conceptions sur la notion d’attaque dans la psychose émanant d’auteurs très variés. On y (ré) découvrira à quel point la conception médiatique d’une schizophrénie comme double personnalité reste d’actualité (la partie de la mort, narcissique et toute-puissante attaque la partie de la vie, douloureuse et consciente du mal qui la ronge etc.) et à quel point le psychotique a besoin de détruire ceux qui l’aiment et laisse ainsi entrevoir un certain sadisme. Tout cela reste bien sûr extrêmement libidineux, enfin libidinal, on se comprend. Et oui, sinon pourquoi le psychotique s’opposerait tant à ceux qui veulent l’aider? Le sadisme on vous dit… Inconscient? évidemment. D’autres hypothèses? Non. Bon OK.

2. Les modalités d’investissement et de désinvestissement

On retrouve ici les principaux symptômes schizophréniques (positifs, négatifs et en rapport avec la désorganisation) mais répartis sous les bannières de l’investissement ou du désinvestissement. Les auteurs tentent de se prémunir de nouvelles critiques en nous rappelant que les mauvais (dés)investissements sont partout (notamment dans le secteur bancaire et dans tous les troubles psychiatriques) mais qu’ils sont particulièrement foireux dans la psychose.

L’éclairage psychanalytique nous rappelle que la psychose, c’est d’abord se désinvestir du monde pour mieux le réinvestir, mais très mal en fait. Tout commence donc avec le désinvestissement, apparemment « muet cliniquement » durant lequel le patient détourne sa libido du monde (lui retire son amour) pour la retourner sur lui-même. C’est la fin de son monde, son apocaplypse, mais le bon point (plutôt le mauvais, enfin on ne sait pas), c’est qu’il aura accumulé suffisamment de vilain narcissisme pour en reconstruire un nouveau. Ce nouveau monde, c’est le délire du schizophrène dans lequel il est tout puissant et forcément menacé. Ce délire est donc une reconstruction et donc une tentative de guérison, mais carrément foireuse. Donc finalement, plutôt que d’aller essayer de bricoler son nouveau monde délirant, ce bel édifice qu’il a construit et qu’il aime, mieux vaudrait agir à la source du mal et chercher à réorienter sa libido. C’est magnifique, mais où suis-je déjà?

3. États du moi

Il s’agit là d’un beau fourre-tout qui trouve sa justification dans le fait qu’il contient tout un tas d’indices permettant d’évaluer ce que l’on pourrait désigner comme la solidité globale du patient. On y trouve des items relatifs à la dépendance et à l’autonomie (vis-à-vis de l’entourage principalement), à la sensibilité aux changements, à la survenue de crises psychiatriques dans les mois précédents, à la présence de troubles de l’humeur, d’angoisse, de symptômes « névrotique » ou autres, et enfin à la conscience que la patient peut avoir de ses troubles.

Cette fois, les lumières psychanalytiques sont plutôt timides et pour cause : il serait certainement bien difficile d’aborder le délicat sujet des rapports intra-familiaux sans évoquer, ne serait-ce qu’à demi-mot, certaines causalités qui ne sont pas bonnes à dire, mais qui doivent rester bonnes à penser (hum ça enregistre là?). Sinon pour changer de sujet, il paraît que la notion d’alliance thérapeutique « émane de la littérature psychanalytique ». Par ailleurs les phobies ou le TOC sont considérés comme « des éléments relativement favorables » au patient psychotique, et qu’ils protègent notamment des angoisses de néantisation, de dissolution ou de putréfaction (non pas celle-là), alors qu’on se le dise!

4. Description de la situation sociale

Ce groupe très pertinent rassemble des items qui permettent d’évaluer globalement la situation sociale. On y trouvera les items relatifs à la gestion des biens, à l’hébergement, à l’activité professionnelle, à la vie domestique ou encore aux loisirs, le tout permettant entre autres de faciliter le travail des assistantes sociales.

5. Équilibres interactifs patient-famille-dispositif de soin

Cette partie concerne les relations triangulaires entre le patient, son entourage et les soignants. Les interactions entre le patient et sa famille y sont finalement approfondies, notamment dans leurs aspects les plus destructeurs avec quatre possibilités de cotation dont la terrible intrusion « tyrannique ». Quand ça se passe bien, c’est moins intéressant et ça se limite à deux possibilités. Mais c’est surtout plus rare, tellement rare qu’on en viendrait à se demander si ça ne cache pas quelque chose de mauvais : la « bonne distance » restera donc seulement « apparente ». L’une de mes notions psychanalytiques fétiches, à savoir « l’effort pour rendre l’autre fou », trouve sa place dans la « paradoxalité » qui décrit un mode de communication parental discordant longtemps envisagé comme causal dans la survenue des troubles (injonction paradoxale, double lien etc.). Les auteurs restent bien entendu très prudents à ce sujet mais n’iront certainement pas jusqu’à remettre en cause cette croyance. Concernant, les rapports au dispositif de soins, les auteurs ne résistent pas à dénigrer l’éducation thérapeutique qu’ils considèrent impossible à mettre en place sans une alliance déjà « largement obtenue ». Il serait selon eux naïf de rechercher cette alliance thérapeutique par l’éducation des malades. Nombreux de leurs coreligionnaires auraient par ailleurs « montré qu’une valence hostile fait toujours partie du transfert psychotique ». Non, l’alliance thérapeutique doit se conquérir, mais passivement, par l’écoute et l’attente, point.

6. Repérage bi-axial et données complémentaires

Il est alors venu le temps de préciser le diagnostic, selon deux axes : la relation à autrui et l’expression symptomatique. La psychose pourra donc se révéler autistique, symbiotique, paranoïde, schizoïde, paranoïaque, sensitive, fétichique ou anaclitique, et s’exprimer sous la forme d’une paraphrénisation, d’une position persécutive, d’une panphobie, se révéler déficitaire, ritualisée, pseudo-psychopathique, dysthymique ou encore sombrer dans l’athymormie, la caractérose ou la discordance. Le DSM et la CIM n’ont qu’à bien se tenir, et n’auraient jamais du abandonner Freud comme ils l’ont fait voilà des décennies. Pour finir, des données qualifiées de « complémentaires » mais qui selon moi seraient plutôt primordiales apparaissent enfin : les pathologies ou complications somatiques (non psychiatriques) et le traitement médicamenteux. Il était effectivement temps d’aborder certains phénomènes d’importance tels que le syndrome métabolique, la détérioration buccodentaire ou encore les conséquences des abus d’alcool et de tabac, de même qu’il aurait été regrettable de ne pas mentionner les psychotropes administrés au patient. Ouf, tout y est.

Conclusion

Je suis trop fatigué pour fournir une conclusion digne de ce nom. D’ailleurs peu importe puisque dans quelques années, la COP 13 aura convaincu l’ensemble de la profession en France et à l’étranger. Les patients s’en porteront d’autant mieux. Allez donc visiter le site officiel, ultra-complet et régulièrement mis à jour, mais par pitié, pour le moment, laissez moi penser à autre chose.

Doc? On arrête quand les médocs?

Neuroleptiques, Revues Pro, Troubles psychotiques

Les psychiatres les plus embarrassés par cette question sont certainement ceux qui savent à quel point la réponse peut déterminer la suite de la prise en charge. Dans le cas d’un premier épisode psychotique, la recherche nécessaire d’un compromis avec le patient doit tenir compte d’une multitude de facteurs dont certains peuvent être difficiles à cerner au moment où la question se pose. Parmi ceux-ci, le risque de rechute tient évidemment une place importante, parfois au point de négliger les effets secondaires invalidants que peuvent procurer les neuroleptiques, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses.

La plupart des études sur le sujet se limitent à du court terme, en général 18 mois, et plaident en faveur du maintien de ces neuroleptiques. La plupart des recommandations se basent sur ces données, notamment la HAS qui recommande de poursuivre le traitement pendant au moins deux ans après un premier épisode. Si l’effet de ce maintien systématique est bénéfique sur le taux de rechute pendant les deux premières années, on pourrait aisément en déduire que les patients s’en portent mieux après. Or cette étude néerlandaise récente suggère le contraire.

Elle concerne une centaine de patients parmi les 257 ayant participé à une première étude il y a plus de dix ans suite à un premier épisode psychotique. Ceux pour qui le traitement avait été diminué et/ou interrompu pendant les deux premières années, et qui rechutaient davantage durant cette période, témoignent d’un taux de rémission plus de deux fois supérieur sept ans plus tard. Il semble que pour certains patients, le rapport bénéfices/risques de l’imprégnation neuroleptique s’inverse plus ou moins rapidement après le premier épisode, ce qui pourrait remettre en question le maintien du traitement en prévention des rechutes. Les nombreux biais de cette étude dissuadent logiquement les auteurs de tirer toute conclusion définitive tant que ces résultats n’auront pas été suffisamment répliqués.

 


Lex Wunderink, Roeline M. Nieboer, Durk Wiersma, Sjoerd Sytema, Fokko J. Nienhuis. Recovery in Remitted First-Episode Psychosis at 7 Years of Follow-up of an Early Dose Reduction/Discontinuation or Maintenance Treatment Strategy:Long-term Follow-up of a 2-Year Randomized Clinical TrialJAMA Psychiatry. 2013.

Patrick McGorry, Mario Alvarez-Jimenez, Eoin Killackey. Antipsychotic Medication During the Critical Period Following Remission From First-Episode Psychosis:Less Is MoreJAMA Psychiatry. 2013.

Nancy A. Melville. Antipsychotics in First-Episode Psychosis: Less Is More. Medscape. Jul 16, 2013.

Cinéma et schizophrénie

Cinéma, Revues Pro, Troubles psychotiques

Les psychiatres ne cessent de clamer, à juste titre, que les médias stigmatisent les malades mentaux. Si la « diversité » des faits-divers reste encore majoritairement consacrée aux mauvaises nouvelles et aux tragédies, rien n’empêche à priori les œuvres plus ou moins fictionnelles de dresser des portraits positifs ou au moins réalistes de patients atteints de troubles psychiatriques.

Une psychiatre texane s’est ainsi penchée sur les films récents (principalement américains et sortis entre 1990 et 2010) dont au moins un personnage présentent les caractéristiques de schizophrénie. Il en ressort que ces malades psychiatriques du cinéma relayent une vision erronée et très caricaturale de la maladie.

Les amalgames avec d’autres troubles persistent si bien qu’il n’est pas rare de constater chez ces pseudo-schizophrènes des comportements violents pour ne pas dire psychopathiques dignes des tueurs en série, mais également des talents particuliers évoquant le syndrome d’Asperger, ceci jusqu’aux pouvoirs surnaturels, sans parler des personnalités multiples, un phénomène aussi rare que l’alignement de toutes les planètes du système solaire. Pour beaucoup de ces pseudo-schizophrènes, la maladie serait d’origine purement traumatique et la guérison peut survenir, notamment par amour. La grande majorité de ces personnages sont violents, ce que ne seront jamais plus de 90% des vrais schizophrènes. Le cinéma moderne ne semble hélas pas disposé à renoncer à la bonne recette du schizophrène sensationnel et/ou dangereux, et ne contribue que rarement à donner une image positive et/ou réaliste des malades mentaux. L’auteure attribue tout de même des bons points à trois films et trois acteurs : Le Soliste (Jamie Foxx), Some Voices (Daniel Craig) et Canvas (Marcia Gay Harden).

J’ai récapitulé dans ce tableau les données concernant la schizophrénie au cinéma et dans la réalité :

Cinema

Réalité

Sexe 79% d’hommes 50%
Ethnie 95% de caucasiens Pas de prédominance
Hallucinations auditives 62% 50-80%
Hallucinations visuelles 52% 15%
Hétéro-agressivité 83% 3-5% (risque X4 en cas d’abus d’alcool ou de drogue)
Homicide 31% 0,3% (contre 0,02% en population générale)
Auto-agressivité 69% 20-40%
Suicide 24% 10-15%

Owen PR. Portrayals of Schizophrenia by Entertainment Media: A Content Analysis of Contemporary Movies. Psychiatr Serv. 2012 Jul;63(7):655-9.

Article sur Medscape

Fazel S, Gulati G, Linsell L, Geddes JR, Grann M. Schizophrenia and violence: systematic review and meta-analysis. PLoS Med 2009;6(8):e1000120.

Vous avez dit « psychose noire »?

Revues Pro, Troubles psychotiques

Les données préliminaires d’une étude américaine suggèrent que la « méfiance culturelle » des patients afro-américains contribue à un surdiagnostic de schizophrénie chez ces derniers.

Les chercheurs ont en effet procédé à une nouvelle analyse des données d’une étude concernant 610 patients suivis dans six centres médicaux géographiquement distincts, parmi lesquels 244 sont afro-américains.  Outre les échelles de dépression, de manie et de psychose couramment utilisées dans le domaine, ces derniers ont été soumis à un indice de méfiance culturelle, un outil développé il y a une trentaine d’année pour tenter de mesurer les suspicions des afro-américains à l’égard d’une société américaine dominée par les blancs. Les participants y sont questionnés sur leur adhésion à certaines déclarations telles que : « les noirs devraient se méfier des blancs qui veulent être amicaux » ou « les policiers blancs ont tendance à inventer des histoires pour faire passer les gens comme des coupables ».

Les scores ainsi relevés ont été corrélés de façon significative aux scores de psychose totale, d’hallucinations et de dépression, mais pas à la manie ni aux comportements bizarres.

Le trouble bipolaire et la schizophrénie demeurant les deux principaux diagnostics longitudinaux portés en présence de manifestations psychotiques, ces résultats pourraient éventuellement expliquer pourquoi le diagnostic de trouble bipolaire est moins fréquent chez les patients noirs américains. L’éventuel surdiagnostic de schizophrénie reposerait donc en partie sur des facteurs culturels de méfiance découlant de l’expérience personnelle ou d’un apprentissage socio-culturel.

Si ces éléments se confirment à travers d’autres études qui pourraient aussi concerner d’autres minorités et d’autres pays (le contexte américain n’est pas forcément transposable à la France notamment), il apparaît essentiel que les cliniciens soient mieux formés à la prise en considération des facteurs culturels, tout comme les développeurs d’outils diagnostiques.


Psychosis may be overdiagnosed in blacks (MedPage Today)

Lawson W, et al. Cultural mistrust and psychopathology in African AmericansAPA 2012; Abstract NR7-45.