Santé physique et médicaments psychiatriques

Effets secondaires, Médicaments, Revues Pro

Une revue de littérature publiée récemment récapitule les risques pour la santé physique associés à la prise des médicaments psychotropes. Il s’agit en réalité de la mise à jour d’une précédente revue de 2011.

J’ai tenté d’en prélever les informations que j’estime les plus pertinentes.

1. La maladie mentale sévère est associée à une espérance de vie diminuée de 10 à 25 ans

Le taux de mortalité est supérieur de 2 à 3 fois à celui de la population générale. Les maladies les plus concernées sont la schizophrénie, le trouble bipolaire et la dépression.

2. Les causes les plus fréquentes de ce phénomène sont les maladies physiques

Il s’agit en premier lieu de problèmes nutritionnels (ex. obésité), métaboliques (ex. dyslipidémies), endocriniens (ex. diabète) et cardiovasculaires.

3. Les effets secondaires des médicaments psychotropes y contribuent

Les autres facteurs favorisants sont la stigmatisation, le mauvais accès aux soins, la plus grande difficulté à diagnostiquer des maladies physiques du fait de la symptomatologie psychiatrique et le mode de vie généralement moins sain. La mortalité des patients qui ne prennent pas de médicaments est cependant supérieure, notamment en raison de leur rôle souvent protecteur vis-à-vis du suicide.

4. Le risque de prise de poids est plus élevé dans les premières semaines de traitement

Les médicaments les plus pourvoyeurs restent les antipsychotiques de seconde génération mais chaque classe reste concernée : neuroleptiques, stabilisateurs de l’humeur, et antidépresseurs. Les patients vierges de tout traitement sont les plus vulnérables. Généralement rapide dans les premières semaines, cette prise de poids ralentit par la suite pour atteindre un plateau aux alentours d’un an.

5. Tous les neuroleptiques ne sont pas égaux en matière de prise de poids

Parmi les antipsychotiques de seconde génération :

  • Clozapine (Leponex) : risque élevé
  • Olanzapine (Zyprexa) : risque élevé
  • Quétiapine (Xeroquel) : risque intermédiaire
  • Rispéridone (Risperdal) : risque intermédiaire
  • Aripiprazole (Abilify) : risque inférieur
  • Lurasidone (Latuda) : risque inférieur
  • Amisulpride (Solian) :  risque inférieur

Au sein des neuroleptiques dit « classiques », le risque est plus élevé avec les molécules utilisées à visée sédative parmi lesquelles la chlorpromazine (Largactil) et la cyamémazine (Tercian). Les neuroleptiques plus spécifiquement « antidélirants » sont associés à un moindre risque, notamment l’halopéridol (Haldol).

6. Les autres médicaments psychiatriques sont aussi concernés

Parmi les antidépresseurs, les plus à risque sont la mirtazapine (Norset), la paroxétine (Deroxat) et la classe plus ancienne des tricycliques dont les plus utilisés sont la clomipramine (Anafranil) et l’amitriptyline (Laroxyl).

Au sein des stabilisateurs de l’humeur, le valproate (Depakine, Depakote, Depamide) et le lithium sont les plus régulièrement associés à une prise de poids.

7. Les neuroleptiques favorisent l’augmentation des taux de lipides

Ce phénomène peut découler de la prise de poids mais des mécanismes indépendants sont aussi suspectés. Les anomalies les plus fréquentes sont l’élévation du taux de triglycérides et la diminution du taux de « bon » cholestérol (HDL). Les autres médicaments ne sont pas concernés à ce niveau, du moins en dehors des conséquences de la prise de poids. Le valproate (Dépakine/kote/mide) est même associé à une diminution du taux de « mauvais » cholestérol.

8. Les neuroleptiques sont associés à une augmentation du risque de diabète de type 2

La schizophrénie et le trouble bipolaire sont associés à une prévalence du diabète deux à trois fois plus importante et à sa survenue 10 à 20 ans plus tôt. Tous les neuroleptiques ne sont pas égaux en la matière, les risques respectifs demeurant superposables à ceux de la prise de poids (voir 5.).

9. Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès en cas de maladie psychiatrique sévère.

Le risque est à ce niveau 10 fois plus élevé que celui du suicide.

Il peut s’agir de maladie coronarienne dont la complication majeure est l’infarctus du myocarde ou d’accidents cérébrovasculaires (AVC). Le mécanisme associant ce risque aux neuroleptiques n’est pas encore clairement élucidé mais ce phénomène ne serait pas systématiquement lié à la prise de poids. Ce sont cependant les molécules les plus associées à une prise de poids qui sont à nouveau les plus mises en cause (voir 5.)

Il peut également s’agir de mort subite par trouble du rythme. Le risque est 2 à 4 fois plus élevé en cas de schizophrénie. Les molécules les plus à risque sont celles qui allongent le plus la durée de repolarisation ventriculaire. Il s’agit en premier lieu des neuroleptiques, les plus à risque étant le pimozide (Orap), l’halopéridol (Haldol) et l’amisulpride (Solian) mais également de certains antidépresseurs : les tricycliques (voir plus haut) et certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine comme le citalopram (Seropram).

10. Les neuroleptiques sont associés à un risque plus élevé de pneumonie

La pneumonie figure parmi les causes de décès les plus fréquentes chez les patients atteints de maladie mentale sévère et les neuroleptiques peuvent y contribuer. La clozapine reste la molécule la plus à risque mais les autres antipsychotiques de seconde génération sont également en cause. Les antidépresseurs et stabilisateurs de l’humeur ne semblent pas concernés par ce risque.

11. De nombreux médicaments psychiatriques perturbent le fonctionnement du foie

Les perturbations du bilan hépatique sont fréquentes sous neuroleptiques (environ 1/3 des patients sont concernées) mais le plus souvent sans conséquences et asymptomatiques. Jusqu’à 3% des patients sous antidépresseurs peuvent également présenter de telles perturbations. Les molécules les plus à risques sont la venlafaxine (Effexor), la duloxétine (Cymbalta), l’agomélative (Valdoxan) ainsi que les tricycliques. Parmi les stabilisateurs de l’humeur, le valproate (Dépakine/kote/mide) et la carbamazépine (Tégrétol) sont les plus toxiques pour le foie.

12. Les risques liés à la constipation sont souvent négligés ou sous estimés

Les complications les plus graves (paralytiques, occlusives ou perforantes) peuvent être mortelles, notamment chez les personnes âgées. Les médicaments les plus concernés sont les neuroleptiques, notamment la clozapine (Leponex) et les antidépresseurs tricycliques.

13. De nombreux médicaments psychiatriques peuvent faire chuter le taux de globules blancs

La clozapine (Leponex) est souvent mise en avant et bénéficie de mesures de surveillance assez strictes à ce niveau. Ce risque est néanmoins associé à tous les antipsychotiques, à certains antidépresseurs (à nouveau les tricycliques), et aux anticonvulsivants utilisés comme stabilisateurs de l’humeur. Parmi ces derniers, la carbamazépine (Tégrétol) est la première concernée et son association à la clozapine est logiquement contre-indiquée.

14. Certains médicaments psychiatriques fragilisent les os

Il s’agirait à nouveau des neuroleptiques et de certains antidépresseurs (les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine). Le risque de fracture ou de tassement vertébral peut donc augmenter.

15. Les neuroleptiques favorisent les troubles moteurs et l’épilepsie

La prise de neuroleptiques au long cours favorise l’apparition des formes « tardives » d’akathisie, de dystonie et de dyskinésie qui, contrairement à leurs formes « précoces », ne bénéficient pas encore à l’heure actuelle de remède très efficace. Ce risque était initialement considéré comme nul avec les antipsychotiques de seconde génération mais il n’est finalement que 5 à 6 fois inférieur à celui des anciennes molécules.

Les neuroleptiques, tout comme certains antidépresseurs, abaissent le seuil épileptogène, un phénomène qui reste modéré mais tout de même à prendre en compte, notamment chez les épileptiques. Du coté des stabilisateurs de l’humeur, l’effet est plutôt protecteur, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du fait que la plupart sont des anticonvulsivants.

CONCLUSION

Les médicaments psychiatriques sont donc à considérer comme un facteur d’importance dans l’émergence et l’aggravation de maladies physiques chez les patients atteints de troubles psychiatriques. Les effets secondaires sont associés, par importance décroissante aux neuroleptiques dans leur ensemble, aux stabilisateurs de l’humeurs, aux antidépresseurs tricycliques et aux antidépresseurs plus récents.

Cet impact physique néfaste doit être davantage pris en compte, notamment chez les patients les plus sévèrement atteints pour lesquels, à l’heure actuelle, les mesures non médicamenteuses sont plutôt complémentaires que de réelles alternatives.

Neuroleptiques [FAQ]

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Voici les questions qui me sont fréquemment posées lorsqu’il est question d’instaurer un traitement neuroleptique. Je ne suis pas en mesure de garantir que mes réponses soient superposables à celles de mes confrères français que j’encourage vivement à me critiquer s’ils le jugent nécessaire. Par ailleurs, dans le cas où certaines réponses ne seraient pas suffisamment claires je m’engage à tenter d’y remédier, tout comme je pourrai rajouter d’autres questions selon les suggestions des lecteurs.

Les neuroleptiques, c’est pour les fous?

Pas forcément, et pas seulement.

Les neuroleptiques sont avant tout des calmants, des tranquillisants initialement qualifiés de majeurs qui peuvent être prescrits en cas d’agitation. Certains d’entre eux ciblent davantage l’agitation intérieure, notamment émotionnelle ou liée à un emballement des pensées tandis que d’autres ciblent surtout l’agitation motrice.

Ces médicaments peuvent donc aider à calmer un délire, et se révèleront d’autant plus efficaces que ce délire est envahissant, caractérisé par une forte participation émotionnelle (ex. angoisse, colère, euphorie) et/ou source de troubles du comportement.

Comme pour la plupart des psychotropes, les progrès effectués en matière de tolérance ont abouti à un élargissement progressif des indications officielles qui concernent aujourd’hui :

  • Les troubles du comportement et l’agitation
  • Certains symptômes délirants (ex. hallucinations)
  • La schizophrénie
  • Le trouble bipolaire
  • Certaines formes d’anxiété
  • Certaines dépressions
  • L’insomnie

Enfin, les neuroleptiques peuvent également être prescrits à long terme dans le but de prévenir d’éventuelles rechutes.

Les neuroleptiques, comment ça marche?

Ce qui définit l’action neuroleptique, c’est le freinage de la transmission de dopamine dans le cerveau. Cela permet de se détacher, de mettre à distance certaines pensées ou émotions lorsqu’elles sont trop envahissantes mais également de réduire l’activité motrice lorsque celle-ci devient problématique (ex. certains troubles du comportement).

Les neuroleptiques agissent également sur la transmission d’autres substances, que ce soit dans le cerveau ou ailleurs, de façon variable suivant le médicament concerné, ce qui peut aboutir en pratique à des effets plus ou moins recherchés comme par exemple la sédation.

Les neuroleptiques, ça transforme en zombie?

Ce phénomène correspond à des effets secondaires extrapyramidaux qui, lorsque très intenses, aboutissent à la fameuse allure schizophrénique : raideur, ralentissement, difficulté à initier des mouvements, tremblements lents, indifférence, visage figé et tendance à baver. Ces symptômes similaires à ceux de la maladie de Parkinson surviennent lorsque les doses sont trop élevées, le neuroleptique faisant alors office de véritable camisole chimique.

Longtemps considérés comme le prix à payer pour obtenir l’efficacité, voire comme un signe d’efficacité, ces effets extrapyramidaux peuvent et doivent être évités, en collaboration avec le prescripteur :

  • Par une augmentation très progressive des doses
  • Par une diminution des doses s’ils surviennent
  • Par un changement de traitement au profit d’un neuroleptique moins pourvoyeur de ce genre d’effets (ex. clozapine, quétiapine)
  • Par l’ajout d’un médicament dit « correcteur »

Les neuroleptiques, ça shoote, ça transforme en légume?

L’effet sédatif de certains neuroleptiques est parfois très prononcé, ce qui peut se révéler bénéfique si le niveau d’éveil est trop élevé (ex. anxiété, insomnie). En revanche, plusieurs effets indésirables et invalidants peuvent découler de cette sédation : la diminution de la vigilance (ex. conduite), la somnolence en journée, l’augmentation du temps de sommeil, les difficultés de concentration etc.

Ces désagréments conduisent encore très souvent les patients à interrompre brutalement le traitement, ceci alors qu’il existe des solutions moins risquées à adopter en collaboration avec le prescripteur parmi lesquelles :

  • Décaler si possible la prise du traitement le soir au coucher
  • Diminuer la dose
  • Remplacer le neuroleptique par un autre moins pourvoyeur de sédation (ex. aripiprazole).

Les neuroleptiques, ça rend obèse?

La prise de poids n’est pas rare et conduit aussi très fréquemment les patients à suspendre brusquement la prise d’un neuroleptique. Il s’agit parfois de quelques kilos, parfois de plus mais ce n’est pas systématique. Cumulée au tabagisme et au manque d’exercice physique, cette prise de poids peut s’accompagner d’une augmentation de la tension artérielle, des taux de graisses et de sucre dans le sang, le tout finissant par augmenter le risque cardiovasculaire. C’est ce qu’on appelle le syndrome métabolique. Là encore, une simple diminution de la dose peut parfois suffire et un changement de neuroleptique est indiqué si le poids augmente rapidement après l’instauration.

Les neuroleptiques, c’est pour la vie?

Il reste aujourd’hui très difficile voir impossible de prévoir la façon dont va évoluer un problème psychiatrique à très long terme. Un neuroleptique se prescrit donc avant tout à court terme pour calmer un épisode aigu, et à moyen terme pour prévenir les récidives, parfois pendant plusieurs années. Le rapport entre les bénéfices et les risques liés à ce traitement doit être réévalué le plus souvent possible avec le médecin. Dans la mesure du possible, toute décision concernant le maintien, la diminution ou l’interruption d’un neuroleptique doit résulter d’un accord entre le patient et son prescripteur.

Les neuroleptiques, ça rend accro?

Hélas encore niée par une grande partie du corps médical, la dépendance aux neuroleptiques existe pourtant et se caractérise par des symptômes de sevrage à l’arrêt du traitement. Ceux-ci peuvent être difficiles à distinguer des symptômes pour lesquels le neuroleptique était prescrit initialement (anxiété, insomnie, agitation) si bien qu’un sevrage est fréquemment confondu avec une rechute qu’il peut par ailleurs favoriser.

Certains signes physiques sont évocateurs de ce syndrome de sevrage :

  • Nausées, vomissements
  • Diarrhée
  • Perte d’appétit
  • Écoulement nasal
  • Hypersudation
  • Douleurs musculaires
  • Troubles de la sensibilité

Dans la plupart des cas, la réintroduction du neuroleptique permet de soulager les symptômes.

La meilleure façon d’éviter ce genre de complication reste la diminution très progressive du traitement, qui devra toujours s’effectuer en collaboration avec le prescripteur.

Les neuroleptiques, il n’y a aucune alternative?

Les réelles alternatives sont rares et plutôt à considérer comme des mesures complémentaires. Lorsque les symptômes sont importants, lorsqu’ils sont source d’une dangerosité pour soi ou pour les autres, lorsqu’il faut agir en urgence, les neuroleptiques sont souvent la meilleure solution. D’autres tranquillisants existent, notamment les benzodiazépines, mais celles-ci restent moins efficaces pour se distancer des préoccupations délirantes (ex. hallucinations, sentiment de persécution) et ne sont pas dénuées d’effets secondaires également.

La thérapie cognitive et comportementale donne quelques bons résultats pour gérer les hallucinations mais elle nécessite la collaboration active du patient, ce qui n’est pas toujours possible.

Il existe d’autres traitements pour prévenir les rechutes d’un trouble bipolaire, notamment le lithium et certains anticonvulsivants. En revanche, concernant la schizophrénie, aucun autre traitement n’a montré d’efficacité en prévention des rechutes.

L’homéopathie, la phytothérapie (« les plantes ») et autres médecines non conventionnelles (douces, naturelles, alternatives, parallèles etc.) ne peuvent en aucun cas constituer une alternative aux neuroleptiques, tout comme la psychanalyse dont les bénéfices semblent se limiter à la prise en charge de certains troubles de la personnalité.

Sycrestory

Neuroleptiques

Il y maintenant plus d’un an, les « missionnaires » d’un laboratoire pharmaceutique nous vantaient les mérites de cette nouvelle molécule dont le nom (asénapine) réjouissait déjà mes confrères lacaniens amateurs de calembours phalliques (pléonasme?). Or ces derniers pourront constater qu’à ce jour et à leur grand regret, le médicament n’est toujours pas disponible. Je suis actuellement en mesure d’affirmer qu’ils n’en sont pas responsables mais qu’il s’agit certainement, et une fois de plus, d’une affaire d’argent. Selon les informations probablement très partielles qui m’ont été confiées, les négociations concernant le prix de ce traitement se seraient enlisées…

Qu’est-ce que l’asénapine?

Il s’agit d’un neuroleptique, d’un nouvel antipsychotique atypique (ceci n’est pas un pléonasme) pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été obtenue, mais uniquement dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères associés au troubles bipolaires de type I chez l’adulte. Autrement dit, en France, l’asénapine ne peut être utilisée que pour la phase maniaque, seule ou en association avec un autre thymorégulateur. Elle n’est en revanche indiquée ni dans la prévention des rechutes du trouble bipolaire, ni dans la schizophrénie comme c’est le cas notamment aux États-Unis.

Quels sont ses avantages?

À priori, aucun bien que cela dépende de la molécule à laquelle on la compare. Son efficacité n’est pas supérieure à celle des autres neuroleptiques mais sa tolérance, notamment métabolique, pourrait l’être, bien que ceci ne soit pas (encore) certain, les preuves restent à ce jour insuffisantes. Si cette tolérance métabolique est effectivement supérieure (et la molécule commercialisée en France), peu de patients en bénéficieront puisqu’elle ne peut être officiellement prescrite qu’à court terme pour la manie. La forme sublinguale présente par ailleurs quelques avantages. La rapidité de la dissolution du comprimé empêche à priori de le recracher après coup, et la rapidité de l’absorption entraîne logiquement une rapidité d’action très recherchée, notamment en cas d’agitation.

Quels sont ses inconvénients?

Cette fameuse forme sublinguale n’est pourtant pas sans inconvénients. Il est indispensable d’avoir les mains bien sèches pour manipuler les comprimés. Ceux-ci ne doivent ni être mâchés, ni avalés, et il faut éviter de manger et de boire pendant 10 minutes après administration, sous peine de diminuer voire d’annuler les effets du traitement. Un patient en pleine phase maniaque, c’est à dire exalté, instable, logorrhéique, désinhibé et présentant des tendances ludiques respectera difficilement ces consignes.

Serait-ce une grosse perte s’il ne sortait pas en France?

Oui pour le laboratoire, non pour la sécurité sociale, oui et non pour les patients et les psychiatres prescripteurs. La réponse et la tolérance aux neuroleptiques restent très variables selon les individus, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Il ne fait aucun doute que l’asénapine pourrait devenir le meilleur traitement (ou le moins mauvais) pour certains patients, mais il faudrait alors pouvoir le poursuivre à long terme, ce qui serait théoriquement impossible en respectant l’AMM.


Haute Autorité de Santé : Avis de la commission de transparence

Prescrire : Trouble bipolaire : non à l’asénapine

Pour ceux qui veulent en savoir plus, et qui lisent l’anglais : Critical Appraisal of the Most Recently Approved Pharmacotherapies for Schizophrenia in Adults

Antipsychotiques : plus ou moins extrapyramidaux

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Les symptômes extrapyramidaux figurent parmi les effets secondaires les plus invalidants et stigmatisants causés par les neuroleptiques (je leur consacrais d’ailleurs un billet en novembre dernier). Si les neuroleptiques de seconde génération représentent un véritable progrès à ce niveau, ces effets persistent néanmoins et ne doivent pas être négligés.

Une revue de littérature publiée récemment tente de départager ces antipsychotiques de seconde génération en retenant comme principal critère l’utilisation associée des correcteurs antiparkinsoniens. 54 études concernant des patients schizophrènes ont été incluses dans l’analyse. Il en ressort quelques différences, légères mais notables.

Le plus grand pourvoyeur d’effets secondaires extrapyramidaux serait ainsi la rispéridone (RISPERDAL®) tandis que la quétiapine (XEROQUEL®) se révèlerait la molécule la plus épargnante à ce niveau. L’olanzapine (ZYPREXA®) représenterait un profil intermédiaire qui permettrait de départager les neuroleptiques plutôt pourvoyeurs comme l’aripiprazole (ABILIFY ®), et les molécules plutot épargantes comme la clozapine (LEPONEX®). Il ne semble pas que les auteurs de cette méta-analyse soient parvenus à situer l’amisulpride (SOLIAN®) sur ce continuum, probablement car ce neuroleptique (français) n’est pas souvent pris en compte dans les études américaines.

Les antipsychotiques pourraient donc être approximativement classés selon l’intensité croissante de leurs effets secondaires parkinsoniens comme ceci :

quétiapine → clozapine → olanzapine → aripiprazole → risperidone

Il demeure essentiel de rappeler que le parkinsonisme, aussi délètère soit-il ne représente qu’une partie des effets secondaires causés par les neuroleptiques. Le risque de sédation ou de prise de poids, qui pourraient donner lieu à d’autres classements, doivent également être pris en compte par le médecin lorsqu’il est question de prescrire des neuroleptiques.

Rummel-Kluge C, Komossa K, Schwarz S, et al. Second-generation antipsychotic drugs and extrapyramidal side effects: a systematic review and meta-analysis of head-to-head comparisons. Schizophr Bull 2012;38:167–77.

Vous avez dit « psychose blanche »?

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Le diagnostic d’une psychose sans présence de délire ou d’hallucinations peut paraître assez déraisonnable pour la plupart des cliniciens les plus pragmatiques. Ces derniers, notamment en France, ne sont pas sans savoir que l’influence psychanalytique permet à certains de ses praticiens de détecter certaines manifestations invisibles de la folie, ou du moins certains éléments très signifiants hélas ignorés par leurs collègues trop réalistes.

La psychose sera ainsi légitimée comme une structure, refroidie ou blanchie grâce à un argumentaire plus ou moins ténébreux selon les références de l’étiqueteur ou selon ses dispositions pédagogiques. Il n’est pas nécessaire d’aller chercher bien loin pour constater à quel point ces concepts extrêmement aléatoires peuvent s’avérer néfastes pour les principaux intéressés, à savoir les patients. Un rapide coup d’œil sur les textes d’André Green (pour la psychose blanche) ou d’Évelyne Kestemberg (pour la psychose froide) permet de prendre conscience, par-delà l’écran de fumée du jargon psychanalytique, du caractère hautement fumeux et de la profonde vacuité de ces théories. Il s’agit tantôt de « psychose potentielle », de « psychopathologie de l’appareil à penser les pensées », de la fameuse « hallucination négative » ou encore de la « non-solution », le tout décrivant de manière assez systématique une sorte de vide de la pensée.

Au final, en pratique, la psychose, qu’elle soit blanche ou froide, est souvent évoquée face à une impression de vacuité ressentie par le clinicien face à son patient.

Il est évident qu’avec une si faible spécificité, un tel diagnostic ne peut qu’être porté à l’excès, ce qui, compte tenu de ce qu’il implique, notamment  en matière de traitement et de stigmatisation, s’avère volontiers désastreux pour les patients concernés. L’étiquetage psychotique est quasiment indélébile et très rarement remis en cause dans la suite du parcours d’un patient, notamment car l’instauration des neuroleptiques et leurs effets secondaires contribuent à renforcer ce diagnostic de psychose, tout comme les manifestations de sevrage lorsque le traitement est interrompu.

Ces cliniciens adeptes de la psychose non délirante ne sont pourtant pas extra-lucides et diagnostiquent comme les autres à partir de signes et de symptômes, la plupart du temps précipitamment, mais parfois plus tardivement, le diagnostic de psychose venant alors sanctionner le patient d’un échec thérapeutique qui n’est pourtant pas le sien.

Voici donc une sélection des principaux symptômes et troubles psychiatriques à rechercher derrière le masque vide d’une psychose blanche, froide, ou d’une « structure » psychotique :

Trouble de la personnalité limite

Autrement appelé borderline, ce trouble de la personnalité est regrettablement ignoré ou méprisé par de nombreuses écoles psychanalytiques, les patients concernés étant alors « rabattus » vers la névrose pour les plus chanceux, et vers la psychose pour les autres. Ce qui peut raisonnablement être considéré comme un désordre émotionnel entraine des manifestations parfois spectaculaires et impulsifs, notamment des passages à l’acte auto-agressifs, des abus de substances, de violentes crises d’angoisse ou de colère, mais également d’autres symptômes tels que le sentiment de vide, d’ennui ou l’alexithymie, le tout étant volontiers assimilé (à tort) à des manifestations psychotiques.

L’alexithymie

Il s’agit de la difficulté à exprimer ses émotions par des mots. Leurs manifestations, y compris corporelles s’accompagnent d’une relative incapacité à identifier la ou les émotions concernées qui sont pourtant bien présentes. L’impression de vide ressenti par l’interlocuteur n’est que le résultat de la perplexité de l’alexithymique devant sa « cécité émotionnelle ». Ce trouble ou symptôme peut être rattaché à des connexions déficientes entre le cerveau émotionnel et les régions plus en rapport avec la conscience, un dysfonctionnement qui proviendrait d’un défaut d’apprentissage émotionnel durant l’enfance. Qui dit défaut d’apprentissage dit possibilité de réapprentissage. L’alexithymie n’est donc pas figée, et certainement pas assimilable à une structure, et notamment à la psychose puisqu’il ne s’agit pas de perte de contact avec la réalité.

L’impulsivité

Il s’agit de l’incapacité à différer un comportement, un symptôme fréquemment retrouvé dans plusieurs troubles de la personnalité (limite et antisociale notamment) mais qui n’est en rien spécifique des troubles psychotiques. Cette impulsivité est volontiers perçue (à tort) comme une manifestation primaire, la conséquence d’une sorte de vacuité caché et intolérable pour l’inconscient, donc retenu comme argument en faveur d’une structure psychotique, ceci sans qu’aucune preuve scientifique ne soit jamais venue étayer ces intuitions.

Déficit intellectuel ou symptomatologie déficitaire

Rien n’évoque davantage le vide qu’un déficit cognitif ou intellectuel dont l’origine reste évidemment très variée. Des patients sont alors considérés comme psychotiques sur la base d’un déficit qui résulte de séquelles d’un accident traumatique, de troubles envahissants du développement mal pris en charge, mais également de maladies neurologiques dégénératives. La symptomatologie déficitaire qui, lorsqu’associée au symptômes positifs et à la désorganisation signe la schizophrénie, suffit parfois à certains pour diagnostiquer la psychose, ce alors même que cette symptomatologie déficitaire peut s’expliquer tout à fait autrement, notamment par des séquelles d’une intoxication alcoolique ou narcotique chronique. Une pauvreté du discours évoquera alors inévitablement le fameux vide de la pensée, et donc la psychose, que cette pauvreté intellectuelle ne soit qu’apparente ou réelle.

D’autres manifestations, moins évocatrices de cette vacuité psychique, sont également retenues en faveur d’une structure psychotique :

La bizarrerie

Il est parfois effarant de constater à quel point la bizarrerie peut être synonyme de psychose pour certains cliniciens, qu’ils soient ou non influencés par la psychanalyse. Or la bizarrerie, tout comme l’excentricité ou encore certaines croyances, n’est pas forcément le signe d’une perte de contact avec la réalité, même si ces manifestations peuvent être source de souffrance ou justifier le diagnostic de schizotypie, un trouble volontiers considérée comme une forme atténuée de schizophrénie.

Les troubles anxieux

Dans leurs formes les plus sévères, et souvent réfractaires aux prises en charge, certains troubles anxieux légitiment une passerelle extraordinaire entre névrose et psychose. Il s’agit notamment de certains troubles obsessionnels compulsifs dont les manifestations sont particulièrement absurdes, dont les rituels sont à la fois critiqués et justifiés par une pensée magique ou superstitieuse. Il s’agit également de certaines formes de phobie sociale dans lesquelles l’isolement et l’angoisse procurent une impression de vacuité chez l’interlocuteur, notamment car ces patients ne parviennent pas à maintenir le contact oculaire et restent parfois quasi-mutiques. Par ailleurs, la survenue d’une attaque de panique (crise d’angoisse) s’accompagne de certaines pensées automatiques extrêmes (peur de mourir, peur de devenir fou) qui sont hélas parfois prises au pied de la lettre pour justifier un diagnostic de psychose blanche.

Les effets secondaires des neuroleptiques

Il n’y a pas plus évocateur de psychose que l’allure schizophrénique ou l’effet zombie du à l’impregnation de neuroleptiques (voir le billet correspondant).