Un meilleur antipsychotique ?

Effets secondaires, Neuroleptiques, Revues Pro

De nombreuses idées reçues sont relayées au sujet des neuroleptiques, souvent bien entretenues par l’industrie pharmaceutique, l’expérience personnelle des prescripteurs ou encore la frontière floue séparant les « vielles » (classique) et les « nouvelles » (atypiques) molécules. Il existe parfois davantage de différences entre deux médicaments d’une même classe que d’une classe à l’autre, notamment en ce qui concerne les effets secondaires. Ce sont d’ailleurs ces profils variés d’effets indésirables qui semblent le mieux pouvoir aider le prescripteur à choisir la molécule la plus adaptée à son patient, ceci étant donné que les différences d’efficacités sont en général considérées comme non significatives.

Une revue récente de littérature publiée sur le site internet d’une revue prestigieuse (The Lancet) parvient à hiérarchiser 15 neuroleptiques selon l’efficacité sur les symptômes schizophréniques, l’interruption du traitement, la prise de poids, les symptômes extra-pyramidaux, l’augmentation de la prolactine, le risque de troubles du rythme cardiaque (allongement QTc) et enfin la sédation. Les différences relevées sont intéressantes et dépassent effectivement le clivage classique/atypique. Par ailleurs, il semblerait que des différences existent bel et bien en matière d’efficacité.

Les 15 molécules prises en compte sont, par ordre alphabétique :

  • Amisulpride (SOLIAN®)
  • Aripiprazole (ABILIFY®)
  • Asénapine (SYCREST®)
  • Chlorpromazine (LARGACTIL®)
  • Clozapine (LEPONEX®)
  • Halopéridol (HALDOL®)
  • Ilopéridone (non disponible en France)
  • Lurasidone (non disponible en France)
  • Olanzapine (ZYPREXA®)
  • Palipéridone (XEPLION®)
  • Quétiapine (XÉROQUEL®)
  • Rispéridone (RISPERDAL®)
  • Sertindole (non disponible en France)
  • Ziprasidone (non disponible en France)
  • Zotépine (non disponible en France)

Voici les différents classements, dans lesquels je n’ai retenu que les molécules disponibles en France :

Amélioration des symptômes

  1. Clozapine
  2. Amisulpride
  3. Olanzapine
  4. Rispéridone
  5. Palipéridone
  6. Halopéridol
  7. Quétiapine
  8. Aripiprazole
  9. Chlorpromazine
  10. Asénapine

La clozapine se révèle donc fidèle à sa réputation et devance de loin l’amusulpride que l’on n’aurait pas imaginé à cette place (non disponible aux USA donc peu pris en compte dans les études américaines). La réputation d’un aripiprazole dont l’efficacité serait légèrement inférieure à celle de ses rivaux en France est également confirmée ici.


Les moins interrompus (toutes causes confondues)

  1. Amisulpride
  2. Olanzapine
  3. Clozapine
  4. Palipéridone
  5. Rispéridone
  6. Aripiprazole
  7. Quétiapine
  8. Chlorpromazine
  9. Asénapine
  10. Halopéridol

Là encore, l’amisulpride surprend et par ailleurs, les molécules que l’on considère comme les mieux tolérées ne semblent pas forcément les moins interrompues (ex. olanzapine bien devant l’aripiprazole).


Le moins de prise de poids

  1. Halopéridol
  2. Aripiprazole
  3. Amisulpride
  4. Asénapine
  5. Palipéridone
  6. Rispéridone
  7. Quétiapine
  8. Chlorpromazine
  9. Clozapine
  10. Olanzapine

Aucune grande surprise n’apparaît ici, si ce n’est encore la bonne performance de l’amisulpride. Olanzapine, clozapine et quétiapine restent les molécules les plus grossissantes tandis que l’aripiprazole et l’haldol apparaissent bien moins néfastes sur le plan métabolique.


Le moins d’effets secondaires extrapyramidaux (parkinsoniens)

  1. Clozapine
  2. Olanzapine
  3. Quétiapine
  4. Aripiprazole
  5. Amisulpride
  6. Asénapine
  7. Palipéridone
  8. Rispéridone
  9. Chlorpromazine
  10. Halopéridol

Loin devant, la clozapine reste d’ailleurs le seul neuroleptique indiqué en cas de maladie de parkinson. Structurellement proches, la quétiapine et l’olanzapine suivent tandis que l’halopéridol reste bon dernier, derrière la rispéridone et la palipéridone dont le profil extrapyramidal rejoint celui de l’halopéridol en augmentant les doses.


Le moins d’hyperprolactinémie

  1. Aripiprazole
  2. Quétiapine
  3. Asénapine
  4. Olanzapine
  5. Chlorpromazine
  6. Halopéridol
  7. Rispéridone
  8. Palipéridone

L’augmentation excessive de l’hormone de la lactation peut avoir des conséquences telles que des perturbations plus ou moins marquées de la sexualité, de la fertilité, de la solidité des os, provoquer des galactorrhées, et des gynécomasties chez l’homme. Les molécules les plus susceptibles d’y parvenir sont la rispéridone et son proche cousin la palipéridone, devant l’haldol ce qui pourra surprendre éventuellement. Clozapine et amisulpride n’ont pu être inclus dans le classement. À titre indicatif, je les aurais respectivement placés dans la première moitié du classement, et dans la seconde.


Le moins de troubles du rythme cardiaque (moindre allongement de l’espace QTc)

  1. Aripiprazole
  2. Palipéridone
  3. Halopéridol
  4. Quétiapine
  5. Olanzapine
  6. Rispéridone
  7. Asénapine
  8. Amisulpride

La clozapine et la chlorpromazine n’ont pas pu être pris en compte mais ne figureraient probablement pas dans les premières places. L’aripiprazole garde ici une confortable avance devant la palipéridone et l’halopéridol dont la performance ici peut encore une fois paraître surprenante.


Les moins sédatifs

  1. Amisulpride
  2. Palipéridone
  3. Aripiprazole
  4. Rispéridone
  5. Halopéridol
  6. Asénapine
  7. Olanzapine
  8. Quétiapine
  9. Chlorpromazine
  10. Clozapine

L’amisulpride s’en sort à nouveau très bien mais il faut garder en tête que la sédation peut beaucoup monter avec la dose employée. De ce point de vue, la palipéridone semble représenter un réel progrès par rapport à la rispéridone. L’aripiprazole se démarque également tandis que le trio olanzapine quétiapine clozapine ferme la marche, le dernier se révélant encore plus sédatif que la chlorpromazine qui est utilisée spécifiquement pour sédater, c’est dire…


Conclusion

Malgré de réelles différences en matière d’efficacité, ce sont les profils très variés d’effets secondaires qui restent les plus significatifs.

  • Qui veut limiter les effets secondaires dans leur ensemble réduira les doses.
  • Qui veut limiter la sédation évitera dans la mesure du possible la clozapine, la quétiapine et l’olanzapine.
  • Qui veut limiter la prise de poids et les problèmes métabolique évitera à peu de choses près les mêmes.
  • Qui veut limiter les effets secondaires extrapyramidaux évitera si possible l’halopéridol, voire la rispéridone
  • Le meilleur compromis pour limiter les effets secondaires demeure l’aripiprazole qui reste aussi et malheureusement l’un des moins efficaces.

Leucht S and al. Comparative efficacy and tolerability of 15 anti-psychotic drugs in schizophrenia: a multiple-treatments meta-analysis. The Lancet, Early Online Publication, 27 June 2013.

Sycrestory

Neuroleptiques

Il y maintenant plus d’un an, les « missionnaires » d’un laboratoire pharmaceutique nous vantaient les mérites de cette nouvelle molécule dont le nom (asénapine) réjouissait déjà mes confrères lacaniens amateurs de calembours phalliques (pléonasme?). Or ces derniers pourront constater qu’à ce jour et à leur grand regret, le médicament n’est toujours pas disponible. Je suis actuellement en mesure d’affirmer qu’ils n’en sont pas responsables mais qu’il s’agit certainement, et une fois de plus, d’une affaire d’argent. Selon les informations probablement très partielles qui m’ont été confiées, les négociations concernant le prix de ce traitement se seraient enlisées…

Qu’est-ce que l’asénapine?

Il s’agit d’un neuroleptique, d’un nouvel antipsychotique atypique (ceci n’est pas un pléonasme) pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été obtenue, mais uniquement dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères associés au troubles bipolaires de type I chez l’adulte. Autrement dit, en France, l’asénapine ne peut être utilisée que pour la phase maniaque, seule ou en association avec un autre thymorégulateur. Elle n’est en revanche indiquée ni dans la prévention des rechutes du trouble bipolaire, ni dans la schizophrénie comme c’est le cas notamment aux États-Unis.

Quels sont ses avantages?

À priori, aucun bien que cela dépende de la molécule à laquelle on la compare. Son efficacité n’est pas supérieure à celle des autres neuroleptiques mais sa tolérance, notamment métabolique, pourrait l’être, bien que ceci ne soit pas (encore) certain, les preuves restent à ce jour insuffisantes. Si cette tolérance métabolique est effectivement supérieure (et la molécule commercialisée en France), peu de patients en bénéficieront puisqu’elle ne peut être officiellement prescrite qu’à court terme pour la manie. La forme sublinguale présente par ailleurs quelques avantages. La rapidité de la dissolution du comprimé empêche à priori de le recracher après coup, et la rapidité de l’absorption entraîne logiquement une rapidité d’action très recherchée, notamment en cas d’agitation.

Quels sont ses inconvénients?

Cette fameuse forme sublinguale n’est pourtant pas sans inconvénients. Il est indispensable d’avoir les mains bien sèches pour manipuler les comprimés. Ceux-ci ne doivent ni être mâchés, ni avalés, et il faut éviter de manger et de boire pendant 10 minutes après administration, sous peine de diminuer voire d’annuler les effets du traitement. Un patient en pleine phase maniaque, c’est à dire exalté, instable, logorrhéique, désinhibé et présentant des tendances ludiques respectera difficilement ces consignes.

Serait-ce une grosse perte s’il ne sortait pas en France?

Oui pour le laboratoire, non pour la sécurité sociale, oui et non pour les patients et les psychiatres prescripteurs. La réponse et la tolérance aux neuroleptiques restent très variables selon les individus, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Il ne fait aucun doute que l’asénapine pourrait devenir le meilleur traitement (ou le moins mauvais) pour certains patients, mais il faudrait alors pouvoir le poursuivre à long terme, ce qui serait théoriquement impossible en respectant l’AMM.


Haute Autorité de Santé : Avis de la commission de transparence

Prescrire : Trouble bipolaire : non à l’asénapine

Pour ceux qui veulent en savoir plus, et qui lisent l’anglais : Critical Appraisal of the Most Recently Approved Pharmacotherapies for Schizophrenia in Adults