Sycrestory

Neuroleptiques

Il y maintenant plus d’un an, les « missionnaires » d’un laboratoire pharmaceutique nous vantaient les mérites de cette nouvelle molécule dont le nom (asénapine) réjouissait déjà mes confrères lacaniens amateurs de calembours phalliques (pléonasme?). Or ces derniers pourront constater qu’à ce jour et à leur grand regret, le médicament n’est toujours pas disponible. Je suis actuellement en mesure d’affirmer qu’ils n’en sont pas responsables mais qu’il s’agit certainement, et une fois de plus, d’une affaire d’argent. Selon les informations probablement très partielles qui m’ont été confiées, les négociations concernant le prix de ce traitement se seraient enlisées…

Qu’est-ce que l’asénapine?

Il s’agit d’un neuroleptique, d’un nouvel antipsychotique atypique (ceci n’est pas un pléonasme) pour lequel une autorisation de mise sur le marché a été obtenue, mais uniquement dans le traitement des épisodes maniaques modérés à sévères associés au troubles bipolaires de type I chez l’adulte. Autrement dit, en France, l’asénapine ne peut être utilisée que pour la phase maniaque, seule ou en association avec un autre thymorégulateur. Elle n’est en revanche indiquée ni dans la prévention des rechutes du trouble bipolaire, ni dans la schizophrénie comme c’est le cas notamment aux États-Unis.

Quels sont ses avantages?

À priori, aucun bien que cela dépende de la molécule à laquelle on la compare. Son efficacité n’est pas supérieure à celle des autres neuroleptiques mais sa tolérance, notamment métabolique, pourrait l’être, bien que ceci ne soit pas (encore) certain, les preuves restent à ce jour insuffisantes. Si cette tolérance métabolique est effectivement supérieure (et la molécule commercialisée en France), peu de patients en bénéficieront puisqu’elle ne peut être officiellement prescrite qu’à court terme pour la manie. La forme sublinguale présente par ailleurs quelques avantages. La rapidité de la dissolution du comprimé empêche à priori de le recracher après coup, et la rapidité de l’absorption entraîne logiquement une rapidité d’action très recherchée, notamment en cas d’agitation.

Quels sont ses inconvénients?

Cette fameuse forme sublinguale n’est pourtant pas sans inconvénients. Il est indispensable d’avoir les mains bien sèches pour manipuler les comprimés. Ceux-ci ne doivent ni être mâchés, ni avalés, et il faut éviter de manger et de boire pendant 10 minutes après administration, sous peine de diminuer voire d’annuler les effets du traitement. Un patient en pleine phase maniaque, c’est à dire exalté, instable, logorrhéique, désinhibé et présentant des tendances ludiques respectera difficilement ces consignes.

Serait-ce une grosse perte s’il ne sortait pas en France?

Oui pour le laboratoire, non pour la sécurité sociale, oui et non pour les patients et les psychiatres prescripteurs. La réponse et la tolérance aux neuroleptiques restent très variables selon les individus, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi. Il ne fait aucun doute que l’asénapine pourrait devenir le meilleur traitement (ou le moins mauvais) pour certains patients, mais il faudrait alors pouvoir le poursuivre à long terme, ce qui serait théoriquement impossible en respectant l’AMM.


Haute Autorité de Santé : Avis de la commission de transparence

Prescrire : Trouble bipolaire : non à l’asénapine

Pour ceux qui veulent en savoir plus, et qui lisent l’anglais : Critical Appraisal of the Most Recently Approved Pharmacotherapies for Schizophrenia in Adults

Adieu Mépronizine®

Effets secondaires, Hypnotiques, Revues Pro, Troubles du sommeil

Après l’annonce du retrait du Noctran® qui prendra effet le 27 octobre 2011, nous apprenons que la Mépronizine® subira le même sort, officiellement le 10 janvier 2012.

Des mesures de minimisation des risques avaient été mises en place il y a moins d’un an par l’AFSSAPS, incitant notamment les professionnels de santé à :

  • restreindre l’indication de Mépronizine® à l’insomnie occasionnelle chez l’adulte lorsque le rapport bénéfice / risque des benzodiazépines ne paraît pas favorable ;
  • limiter la prise du médicament à 1 comprimé par jour avant le coucher, pour une durée de traitement de 2 à 5 jours
  • déconseiller l’utilisation de Mépronizine® chez le sujet âgé, en particulier de plus de 75 ans, en raison du risque de sédation et/ou de sensations vertigineuses pouvant favoriser les chutes
  • réduire la taille du conditionnement à 5 comprimés par boîte, afin de limiter les risques de toxicité aigüe en cas de surdosage. Cette dernière mesure devrait avoir lieu début 2011.

Hélas, ces mesures n’ont pu empêcher la persistance des risques d’intoxication volontaire et de mésusage observés avec ce médicament, en particulier dans la population âgée.

La pharmacopée hypnotique se réduit donc drastiquement, laissant patients et praticiens face à des recommandations non médicamenteuses bien louables et à recommander systématiquement mais très difficilement applicables chez de nombreux patients, notamment en psychiatrie. Doit-on piocher dans les substances qu’il nous reste, au risque de voir celles-ci également retirées un jour sous prétexte que certains praticiens les prescrivent mal, que certaines personnes âgées en abusent, ou encore que certains patients se suicident avec? Les plus révoltés d’entre nous auront vite fait de reconstituer ces deux spécialités dont les différents constituants sont d’autres médicaments toujours disponibles sur le marché (benzodiazépines, antihistaminiques, neuroleptiques, carbamates).

Remercions l’AFSSAPS de nous rappeler les règles élémentaires d’hygiène du sommeil mais :

Il s’avère difficile de ne rester au lit que pour dormir en cas de dépression sévère et de clinophilie, tout comme d’éviter les siestes longues en cas de prise d’un traitement antipsychotique très sédatif, sans parler de l’exercice physique régulier dans ce cas de figure. Régulariser les heures de lever et de coucher reste recommandé mais difficile à obtenir dans le trouble bipolaire sans soutien hypnotique. Quant à ce qui est de limiter le bruit dans la chambre à coucher chez quelqu’un qui entend des voix…

Tous ces symptômes ne s’amendent parfois pas en quelques jours, ni en trois semaines…

Adieu Noctran®

Actualité, Effets secondaires, Hypnotiques, Médicaments, Publications, Revues Pro, Troubles du sommeil, Troubles psy

Ce médicament hypnotique, plus communément appelé somnifère, ne sera plus commercialisé dans quelques mois. Les raisons de ce retrait d’AMM (autorisation de mise sur le marché) sont précisées dans le petit courrier qui nous est délicatement adressé :

  1. L’association de trois substances actives expose les patients à un cumul des risques d’effets indésirables.
  2. La persistance d’un mésusage est constatée, notamment au sein de la population âgée.
  3. Un risque, potentiellement fatal, est encouru par le patient en cas de surdosage volontaire.

Ce courrier, rédigé dans un français contestable, irritera certainement de nombreux psychiatres prescripteurs et beaucoup de patients pour lesquels le Noctran®
reste le seul psychotrope garantissant quelques heures de sommeil.

Loin de moi l’idée de négliger le risque encouru par les personnes âgées et les suicidant, deux catégories de population qui frôlent souvent la mort sans pour autant la mériter plus que les autres. La présence de trois substances conduit certes les patients à cumuler les effets secondaires, mais ceux-ci se retrouveront probablement à cumuler d’autres molécules, s’ils ne le font pas déjà. L’association d’une benzodiazépine (ici le clorazepate dipotassique autrement connu sous le nom Tranxène®) et de deux antihistaminiques est fréquemment constatée sur les ordonnances de patients suivis en psychiatrie, notamment car ces effets antihistaminiques sont manifestées par certains antipsychotiques, anxiolytiques ou antiallergiques.

Parvenir à prescrire les hypnotiques de manière règlementaire sans dépasser les 2 à 5 jours dans insomnie « occasionnelle » ou 2 à 3 semaines pour l’insomnie « transitoire », chez tous les patients, demeure mission impossible en psychiatrie. Pour la plupart des patients, cette insomnie secondaire est chronique et parfois réfractaire à la plupart des hypnotiques de première intention.

Je remercie notre gentille correspondante de nous rappeler les règles hygiéno-diététiques suivantes : réduction des excitants (café, tabac), phytothérapie, TCC, rapprochement des consultations, prescription d’avis spécialisés, d’hospitalisation si nécessaire… Hélas, ces mesures ne sont ni miraculeuses, ni réalisables par la grande majorité des patients.

Le Noctran® est aujourd’hui prescrit de façon adaptée chez des patients qui l’utilisent de manière responsable. Ce sont eux qui vont payer ce retrait d’AMM…

Nous remercions donc l’AFSSAPS : Noctran® 10 mg comprimé sécable : retrait de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) à compter du 27 octobre 2011 – Communiqué de presse

Commission Nationale de Pharmacovigilance du 3 mars 2011 (03/05/2011)