Vous reprendrez bien un peu de psychose

Considérations

Volontiers cher collègue !

Je l’aime particulièrement lorsqu’elle est proclamée par la personne que l’on attendait, lorsque ce mot si cruel résonne sous un tonnerre de silence, lorsque cet argument d’autorité vient tapoter la joue des petits coquins qui croyaient encore l’avoir enterrée.

Évaluer les psychoses avec la COP 13 (2011) ♥½

Livres, Prise en charge, Troubles psychotiques

Les états psychotiques posent aux équipes soignantes et à la société des problèmes de grande ampleur : problème de leur description, de leur compréhension, de leur traitement, de leur évolution, et de l’évaluation des méthodes de soin. Les troubles psychotiques sévères durables nécessitent de longues périodes de soins. Prises dans l’action quotidienne, les équipes de soins ne peuvent que difficilement se faire une idée globale du « point » où en est chaque patient. Afin de mieux connaître le malade, de préciser la clinique, d’enrichir les perspectives de traitement, de procéder à des évaluations, voire de réévaluer le pronostic, les auteurs ont mis au point une méthode de description et d’évaluation clinique et psychopathologique des états psychotiques, la COP 13 (Clinique Organisée des Psychoses). Intuitive et accessible à tous les soignants tout en étant très complète, elle conjugue les ressources de la clinique psychiatrique, de la psychopathologie psychanalytique, et les enseignements de la psychiatrie de secteur.

L’exception psychiatrique française a encore frappé! Les trois auteurs sont psychiatres, psychanalystes, médecins à responsabilités (mentionné dans cet ordre sur le site) et semblent en mesure de rectifier la trajectoire pour le moins déviante empruntée par la psychiatrie du reste du monde, une psychiatrie que l’impérialisme américano-pharmaceutique mène par le bout du nez et dont ils pointent comme souvent admirablement les limites actuelles. Ils proposent une approche à la fois singulière et globale de la chronicité psychotique sous la forme d’un outil d’évaluation. Cette démarche aux allures de compromis avec l’envahisseur anglo-saxon est initialement présentée comme une voie possible vers la réconciliation mais le lecteur s’apercevra rapidement que cette réconciliation passe obligatoirement par le retour à une « base psychopathologique commune » (Laquelle? Vous plaisantez?) qui ne peut être autre que psychanalytique. Autrement dit : nous acceptons de nous plier à l’évaluation à condition que cette dernière soit éclairée par les lumières de la sagesse psychanalytique. Les plus optimistes y verront l’embryon d’un premier pas vers une réconciliation, d’autres, plus lucides, un serpent qui se mord encore un peu plus la queue tant cet instrument ne pourra finalement servir qu’à légitimer l’approche irréfutable qui le guide.

Pour exemple, parmi les conclusions les plus fréquentes rencontrées à la fin de la cotation, les auteurs retrouvent : « le traitement se déroule bien et rien ne doit être changé », « on doit inciter le patient à entrer dans une institution », « l’équipe a peur », « l’équipe est trop proche », « on peut penser à une psychothérapie familiale », « il faudrait infléchir le traitement médicamenteux », « il est opportun de proposer une séparation progressive du milieu familial », « le choix le plus dynamique est de proposer une séparation nette d’avec le milieu familial », « favoriser la sortie d’une institution », « mettre en place un cadre légal au traitement ». Il s’agit effectivement des grandes lignes de l’approche PSI (psychanalytique, sectorielle et institutionnelle) qui sévit en France depuis un demi-siècle. Pour un autre exemple, les considérations du patient et de la famille sur la prise en charge ne seront traitées qu’à travers le prisme freudien, soit comme autant de points à coter qui confirmeront son bienfondé : la disqualification du milieu soignant et la recherche de traitements parallèles à ceux proposés deviennent notamment des indices de sévérité alors qu’ils devraient en premier lieu amener à se questionner sur la prise en charge actuelle.

La cotation concerne donc bien sûr le patient mais sans sa présence. Elle est logiquement effectuée par le psychiatre responsable de la prise en charge, de préférence aidé par le reste de l’équipe « pluridisciplinaire » au cours de réunions cliniques. Si les auteurs promettent une fiabilité croissante avec le nombre d’intervenants, ils passent sous silence les nombreux biais occasionnés par ce type de méthode, ce qui aurait mérité au moins un chapitre supplémentaire.

Les différents items à coter (26 au total) sont regroupés au sein des six groupes suivants :

1. La destructivité

Il s’agit des troubles du comportement dans leur ensemble qui sont réunis ici sous la bannière de l’agressivité (de la consommation excessive de tabac à la violence physique en passant par ne pas donner de nouvelles). Les auteurs tentent de se prémunir d’éventuelles critiques en nous rappelant que l’agressivité est partout (chez tous les humains et dans tous les troubles psychiatriques) mais que la psychose détruit tout sur son passage : le corps, l’entourage, les soignants, le lieu de vie et les biens.

En guise d’éclairage psychanalytique, ils nous proposent évidemment un petit rappel sur la pulsion de mort freudienne et quelques conceptions sur la notion d’attaque dans la psychose émanant d’auteurs très variés. On y (ré) découvrira à quel point la conception médiatique d’une schizophrénie comme double personnalité reste d’actualité (la partie de la mort, narcissique et toute-puissante attaque la partie de la vie, douloureuse et consciente du mal qui la ronge etc.) et à quel point le psychotique a besoin de détruire ceux qui l’aiment et laisse ainsi entrevoir un certain sadisme. Tout cela reste bien sûr extrêmement libidineux, enfin libidinal, on se comprend. Et oui, sinon pourquoi le psychotique s’opposerait tant à ceux qui veulent l’aider? Le sadisme on vous dit… Inconscient? évidemment. D’autres hypothèses? Non. Bon OK.

2. Les modalités d’investissement et de désinvestissement

On retrouve ici les principaux symptômes schizophréniques (positifs, négatifs et en rapport avec la désorganisation) mais répartis sous les bannières de l’investissement ou du désinvestissement. Les auteurs tentent de se prémunir de nouvelles critiques en nous rappelant que les mauvais (dés)investissements sont partout (notamment dans le secteur bancaire et dans tous les troubles psychiatriques) mais qu’ils sont particulièrement foireux dans la psychose.

L’éclairage psychanalytique nous rappelle que la psychose, c’est d’abord se désinvestir du monde pour mieux le réinvestir, mais très mal en fait. Tout commence donc avec le désinvestissement, apparemment « muet cliniquement » durant lequel le patient détourne sa libido du monde (lui retire son amour) pour la retourner sur lui-même. C’est la fin de son monde, son apocaplypse, mais le bon point (plutôt le mauvais, enfin on ne sait pas), c’est qu’il aura accumulé suffisamment de vilain narcissisme pour en reconstruire un nouveau. Ce nouveau monde, c’est le délire du schizophrène dans lequel il est tout puissant et forcément menacé. Ce délire est donc une reconstruction et donc une tentative de guérison, mais carrément foireuse. Donc finalement, plutôt que d’aller essayer de bricoler son nouveau monde délirant, ce bel édifice qu’il a construit et qu’il aime, mieux vaudrait agir à la source du mal et chercher à réorienter sa libido. C’est magnifique, mais où suis-je déjà?

3. États du moi

Il s’agit là d’un beau fourre-tout qui trouve sa justification dans le fait qu’il contient tout un tas d’indices permettant d’évaluer ce que l’on pourrait désigner comme la solidité globale du patient. On y trouve des items relatifs à la dépendance et à l’autonomie (vis-à-vis de l’entourage principalement), à la sensibilité aux changements, à la survenue de crises psychiatriques dans les mois précédents, à la présence de troubles de l’humeur, d’angoisse, de symptômes « névrotique » ou autres, et enfin à la conscience que la patient peut avoir de ses troubles.

Cette fois, les lumières psychanalytiques sont plutôt timides et pour cause : il serait certainement bien difficile d’aborder le délicat sujet des rapports intra-familiaux sans évoquer, ne serait-ce qu’à demi-mot, certaines causalités qui ne sont pas bonnes à dire, mais qui doivent rester bonnes à penser (hum ça enregistre là?). Sinon pour changer de sujet, il paraît que la notion d’alliance thérapeutique « émane de la littérature psychanalytique ». Par ailleurs les phobies ou le TOC sont considérés comme « des éléments relativement favorables » au patient psychotique, et qu’ils protègent notamment des angoisses de néantisation, de dissolution ou de putréfaction (non pas celle-là), alors qu’on se le dise!

4. Description de la situation sociale

Ce groupe très pertinent rassemble des items qui permettent d’évaluer globalement la situation sociale. On y trouvera les items relatifs à la gestion des biens, à l’hébergement, à l’activité professionnelle, à la vie domestique ou encore aux loisirs, le tout permettant entre autres de faciliter le travail des assistantes sociales.

5. Équilibres interactifs patient-famille-dispositif de soin

Cette partie concerne les relations triangulaires entre le patient, son entourage et les soignants. Les interactions entre le patient et sa famille y sont finalement approfondies, notamment dans leurs aspects les plus destructeurs avec quatre possibilités de cotation dont la terrible intrusion « tyrannique ». Quand ça se passe bien, c’est moins intéressant et ça se limite à deux possibilités. Mais c’est surtout plus rare, tellement rare qu’on en viendrait à se demander si ça ne cache pas quelque chose de mauvais : la « bonne distance » restera donc seulement « apparente ». L’une de mes notions psychanalytiques fétiches, à savoir « l’effort pour rendre l’autre fou », trouve sa place dans la « paradoxalité » qui décrit un mode de communication parental discordant longtemps envisagé comme causal dans la survenue des troubles (injonction paradoxale, double lien etc.). Les auteurs restent bien entendu très prudents à ce sujet mais n’iront certainement pas jusqu’à remettre en cause cette croyance. Concernant, les rapports au dispositif de soins, les auteurs ne résistent pas à dénigrer l’éducation thérapeutique qu’ils considèrent impossible à mettre en place sans une alliance déjà « largement obtenue ». Il serait selon eux naïf de rechercher cette alliance thérapeutique par l’éducation des malades. Nombreux de leurs coreligionnaires auraient par ailleurs « montré qu’une valence hostile fait toujours partie du transfert psychotique ». Non, l’alliance thérapeutique doit se conquérir, mais passivement, par l’écoute et l’attente, point.

6. Repérage bi-axial et données complémentaires

Il est alors venu le temps de préciser le diagnostic, selon deux axes : la relation à autrui et l’expression symptomatique. La psychose pourra donc se révéler autistique, symbiotique, paranoïde, schizoïde, paranoïaque, sensitive, fétichique ou anaclitique, et s’exprimer sous la forme d’une paraphrénisation, d’une position persécutive, d’une panphobie, se révéler déficitaire, ritualisée, pseudo-psychopathique, dysthymique ou encore sombrer dans l’athymormie, la caractérose ou la discordance. Le DSM et la CIM n’ont qu’à bien se tenir, et n’auraient jamais du abandonner Freud comme ils l’ont fait voilà des décennies. Pour finir, des données qualifiées de « complémentaires » mais qui selon moi seraient plutôt primordiales apparaissent enfin : les pathologies ou complications somatiques (non psychiatriques) et le traitement médicamenteux. Il était effectivement temps d’aborder certains phénomènes d’importance tels que le syndrome métabolique, la détérioration buccodentaire ou encore les conséquences des abus d’alcool et de tabac, de même qu’il aurait été regrettable de ne pas mentionner les psychotropes administrés au patient. Ouf, tout y est.

Conclusion

Je suis trop fatigué pour fournir une conclusion digne de ce nom. D’ailleurs peu importe puisque dans quelques années, la COP 13 aura convaincu l’ensemble de la profession en France et à l’étranger. Les patients s’en porteront d’autant mieux. Allez donc visiter le site officiel, ultra-complet et régulièrement mis à jour, mais par pitié, pour le moment, laissez moi penser à autre chose.

Doc? On arrête quand les médocs?

Neuroleptiques, Revues Pro, Troubles psychotiques

Les psychiatres les plus embarrassés par cette question sont certainement ceux qui savent à quel point la réponse peut déterminer la suite de la prise en charge. Dans le cas d’un premier épisode psychotique, la recherche nécessaire d’un compromis avec le patient doit tenir compte d’une multitude de facteurs dont certains peuvent être difficiles à cerner au moment où la question se pose. Parmi ceux-ci, le risque de rechute tient évidemment une place importante, parfois au point de négliger les effets secondaires invalidants que peuvent procurer les neuroleptiques, ce qui peut avoir des conséquences désastreuses.

La plupart des études sur le sujet se limitent à du court terme, en général 18 mois, et plaident en faveur du maintien de ces neuroleptiques. La plupart des recommandations se basent sur ces données, notamment la HAS qui recommande de poursuivre le traitement pendant au moins deux ans après un premier épisode. Si l’effet de ce maintien systématique est bénéfique sur le taux de rechute pendant les deux premières années, on pourrait aisément en déduire que les patients s’en portent mieux après. Or cette étude néerlandaise récente suggère le contraire.

Elle concerne une centaine de patients parmi les 257 ayant participé à une première étude il y a plus de dix ans suite à un premier épisode psychotique. Ceux pour qui le traitement avait été diminué et/ou interrompu pendant les deux premières années, et qui rechutaient davantage durant cette période, témoignent d’un taux de rémission plus de deux fois supérieur sept ans plus tard. Il semble que pour certains patients, le rapport bénéfices/risques de l’imprégnation neuroleptique s’inverse plus ou moins rapidement après le premier épisode, ce qui pourrait remettre en question le maintien du traitement en prévention des rechutes. Les nombreux biais de cette étude dissuadent logiquement les auteurs de tirer toute conclusion définitive tant que ces résultats n’auront pas été suffisamment répliqués.

 


Lex Wunderink, Roeline M. Nieboer, Durk Wiersma, Sjoerd Sytema, Fokko J. Nienhuis. Recovery in Remitted First-Episode Psychosis at 7 Years of Follow-up of an Early Dose Reduction/Discontinuation or Maintenance Treatment Strategy:Long-term Follow-up of a 2-Year Randomized Clinical TrialJAMA Psychiatry. 2013.

Patrick McGorry, Mario Alvarez-Jimenez, Eoin Killackey. Antipsychotic Medication During the Critical Period Following Remission From First-Episode Psychosis:Less Is MoreJAMA Psychiatry. 2013.

Nancy A. Melville. Antipsychotics in First-Episode Psychosis: Less Is More. Medscape. Jul 16, 2013.

Cannabis et délire à retardement

Addictions, Revues Pro, Troubles psychotiques

[Mises à jour régulières]

Mars 2011

Nous savions que l’usage de cannabis était associé à l’augmentation du risque de développer des symptômes psychotiques, or restait-il à préciser par quels mécanismes et dans quels délais. Une étude récente semble apporter des précisions temporelles sur la relation entre usage de cannabis à l’adolescence et manifestations délirantes.

1923 jeunes allemands âgés de 14 à 24 ans ont été suivis pendant dix ans, l’usage de cannabis et les symptômes psychotiques évalués au départ, quatre puis huit ans plus tard. L’usage ponctuel de cannabis initial est associé à l’augmentation des symptômes psychotiques entre quatre et huit ans après. L’usage continu de cannabis est lui associé non seulement à davantage de symptômes psychotiques, mais également à leur persistance dans les mêmes délais.

Les effets pervers du cannabis semblent se dévoilent peu à peu. L’adolescence, période de remaniement cérébral donc de fragilité à ce niveau, ne semble pas permettre une consommation « raisonnable » de cannabis. Son usage, même occasionnel, peut provoquer des expériences psychotiques transitoires plusieurs années plus tard, voire leur persistance, soit d’authentiques pathologies psychotiques chroniques, lorsque la consommation se révèle plus intensive. Il convient donc certainement de ne pas diaboliser la substance, mais aussi et surtout, de ne pas la banaliser.

R Kuepper et coll. Continued cannabis use and risk of incidence and persistence of psychotic symptoms: 10 year follow-up cohort study. BMJ 2011 342:d738

Juin 2011

Une publication parue en juin 2011 soutient encore davantage la causalité cannabique dans la survenue des psychoses. Il s’agit d’une meta-analyse regroupant 443 articles scientifiques parmi lesquels 83 ont été sélectionnés sur les critères suivants : comparaison de l’âge de survenue de la psychose entre consommateurs et non consommateurs. Elle survient en moyenne 2.70 années plus tôt chez les premiers. Par ailleurs l’alcool ne semble pas associé à une survenue plus précoce de la maladie.

Matthew Large and al. Cannabis Use and Earlier Onset of Psychosis A Systematic Meta-analysis. Arch Gen Psychiatry. 2011;68(6):555-561. doi:10.1001/archgenpsychiatry.2011.5

Juin 2011

Une étude des performances cognitives chez les consommateurs de cannabis montrent que celles-ci sont davantage altérées lorsque la consommation a débuté avant l’âge de 15 ans. L’ensemble des tests réalisés ne montre pas différence en matière de QI mais une diminution des performances exécutives et de la flexibilité. Cannabis et cerveau en croissance ne font pas bon ménage.

Fontes MA and al. Cannabis use before age 15 and subsequent executive functioning. The British Journal of Psychiatry (2011) 198: 442-447. doi: 10.1192/bjp.bp.110.077479

Juillet 2011

Une équipe hollandaise publie des résultats très intéressants sur l’association de la sussceptibilité familiale à la psychose et de la sensibilité au cannabis. Il semblerait en effet que chez les personnes prédisposées à la psychose, notamment les jumeaux de patients schizophrènes, le cannabis soit plus à même de provoquer des symptômes positifs (délire, hallucinations etc.) et négatifs (retrait, apragmatisme etc.).

Genetic Risk and Outcome in Psychosis (GROUP). Investigators Evidence that familial liability for psychosis is expressed as differential sensitivity to cannabis. Arch Gen Psychiatry 2011 ; 68 (2) : 138-147.

Septembre 2011

La vulnérabilité « psychiatrique » au cannabis avait été suggérée et potentiellement reliée à une variation du gène codant pour la COMT (cathécol-méthyl-transférase). Une équipe britannique s’est donc penchée sur le sujet à partir d’une population de plus de 2000 individus questionnés sur leur consommation de cannabis à 14 ans et sur l’incidence d’un épisode psychotique à 16 ans. Aucune variation du gène parmi les six étudiées n’a pu être associé à ce phénomène. À ce jour, il n’existe donc toujours pas de preuve d’une prédisposition génétique à la psychose cannabique.

Zammit S et al. Cannabis, COMT and psychotic experiences. British Journal of Psychiatry 2011 ; 199 : 380-385.

Novembre 2011

Une équipe écossaise s’est récemment intéressée au volume du thalamus chez des personnes considérées comme à risque de développer la schizophrénie. 57 individus âgés de 16 à 25 ans et présentant des antécédents familiaux de schizophrénie ont vu leur cerveau exploré au cours d’une imagerie cérébrale par résonance magnétique (IRM). Lorsque l’examen est à nouveau pratiqué deux ans plus tard, le volume du thalamus est réduit de façon significative (surtout à droite) chez les consommateurs de cannabis (25). Les résultats demeurent quelle que soit la consommation d’autres drogues (tabac, alcool, ecstasy, amphétamines) et se révèlent en faveur de la conjonction de facteurs prédisposants et précipitants dans la survenue de cette maladie.

Welch KA and al. Impact of cannabis use on thalamic volume in people at familial high risk of schizophrenia (PDF). British Journal of Psychiatry 2011; 199:386-390

Octobre 2012

Une étude norvégienne d’imagerie par résonance magnétique a révélé des différences d’activation cérébrale associées à la consommation de cannabis chez des patients schizophrènes. Les « fumeurs » se sont révélés plus performants au cours d’un exercice cognitif mettant en jeu la capacités d’attention, de concentration, et le fonctionnement exécutif. Le cerveau de ces schizophrènes « fumeurs » s’est montré plus réactif à l’imagerie : l’écart d’activité relevée entre avant et pendant l’exercice s’est révélé supérieur à celui des « non fumeurs ». Ceci suggère que les troubles cognitifs menant à la schizophrénie pourraient être mimés par les effets du cannabis, et que le pronostic des patients concernés pourrait être meilleur à condition d’agir efficacement sur cette consommation de cannabis.

Else-Marie Løberg and al. An fMRI study of neuronal activation in schizophrenia patients with and without previous cannabis use. Front. Psychiatry, 30 October 2012 (PDF)

Vous avez dit « psychose noire »?

Revues Pro, Troubles psychotiques

Les données préliminaires d’une étude américaine suggèrent que la « méfiance culturelle » des patients afro-américains contribue à un surdiagnostic de schizophrénie chez ces derniers.

Les chercheurs ont en effet procédé à une nouvelle analyse des données d’une étude concernant 610 patients suivis dans six centres médicaux géographiquement distincts, parmi lesquels 244 sont afro-américains.  Outre les échelles de dépression, de manie et de psychose couramment utilisées dans le domaine, ces derniers ont été soumis à un indice de méfiance culturelle, un outil développé il y a une trentaine d’année pour tenter de mesurer les suspicions des afro-américains à l’égard d’une société américaine dominée par les blancs. Les participants y sont questionnés sur leur adhésion à certaines déclarations telles que : « les noirs devraient se méfier des blancs qui veulent être amicaux » ou « les policiers blancs ont tendance à inventer des histoires pour faire passer les gens comme des coupables ».

Les scores ainsi relevés ont été corrélés de façon significative aux scores de psychose totale, d’hallucinations et de dépression, mais pas à la manie ni aux comportements bizarres.

Le trouble bipolaire et la schizophrénie demeurant les deux principaux diagnostics longitudinaux portés en présence de manifestations psychotiques, ces résultats pourraient éventuellement expliquer pourquoi le diagnostic de trouble bipolaire est moins fréquent chez les patients noirs américains. L’éventuel surdiagnostic de schizophrénie reposerait donc en partie sur des facteurs culturels de méfiance découlant de l’expérience personnelle ou d’un apprentissage socio-culturel.

Si ces éléments se confirment à travers d’autres études qui pourraient aussi concerner d’autres minorités et d’autres pays (le contexte américain n’est pas forcément transposable à la France notamment), il apparaît essentiel que les cliniciens soient mieux formés à la prise en considération des facteurs culturels, tout comme les développeurs d’outils diagnostiques.


Psychosis may be overdiagnosed in blacks (MedPage Today)

Lawson W, et al. Cultural mistrust and psychopathology in African AmericansAPA 2012; Abstract NR7-45.