Une revue de littérature publiée récemment récapitule les risques pour la santé physique associés à la prise des médicaments psychotropes. Il s’agit en réalité de la mise à jour d’une précédente revue de 2011.
J’ai tenté d’en prélever les informations que j’estime les plus pertinentes.
1. La maladie mentale sévère est associée à une espérance de vie diminuée de 10 à 25 ans
Le taux de mortalité est supérieur de 2 à 3 fois à celui de la population générale. Les maladies les plus concernées sont la schizophrénie, le trouble bipolaire et la dépression.
2. Les causes les plus fréquentes de ce phénomène sont les maladies physiques
Il s’agit en premier lieu de problèmes nutritionnels (ex. obésité), métaboliques (ex. dyslipidémies), endocriniens (ex. diabète) et cardiovasculaires.
3. Les effets secondaires des médicaments psychotropes y contribuent
Les autres facteurs favorisants sont la stigmatisation, le mauvais accès aux soins, la plus grande difficulté à diagnostiquer des maladies physiques du fait de la symptomatologie psychiatrique et le mode de vie généralement moins sain. La mortalité des patients qui ne prennent pas de médicaments est cependant supérieure, notamment en raison de leur rôle souvent protecteur vis-à-vis du suicide.
4. Le risque de prise de poids est plus élevé dans les premières semaines de traitement
Les médicaments les plus pourvoyeurs restent les antipsychotiques de seconde génération mais chaque classe reste concernée : neuroleptiques, stabilisateurs de l’humeur, et antidépresseurs. Les patients vierges de tout traitement sont les plus vulnérables. Généralement rapide dans les premières semaines, cette prise de poids ralentit par la suite pour atteindre un plateau aux alentours d’un an.
5. Tous les neuroleptiques ne sont pas égaux en matière de prise de poids
Parmi les antipsychotiques de seconde génération :
- Clozapine (Leponex) : risque élevé
- Olanzapine (Zyprexa) : risque élevé
- Quétiapine (Xeroquel) : risque intermédiaire
- Rispéridone (Risperdal) : risque intermédiaire
- Aripiprazole (Abilify) : risque inférieur
- Lurasidone (Latuda) : risque inférieur
- Amisulpride (Solian) : risque inférieur
Au sein des neuroleptiques dit « classiques », le risque est plus élevé avec les molécules utilisées à visée sédative parmi lesquelles la chlorpromazine (Largactil) et la cyamémazine (Tercian). Les neuroleptiques plus spécifiquement « antidélirants » sont associés à un moindre risque, notamment l’halopéridol (Haldol).
6. Les autres médicaments psychiatriques sont aussi concernés
Parmi les antidépresseurs, les plus à risque sont la mirtazapine (Norset), la paroxétine (Deroxat) et la classe plus ancienne des tricycliques dont les plus utilisés sont la clomipramine (Anafranil) et l’amitriptyline (Laroxyl).
Au sein des stabilisateurs de l’humeur, le valproate (Depakine, Depakote, Depamide) et le lithium sont les plus régulièrement associés à une prise de poids.
7. Les neuroleptiques favorisent l’augmentation des taux de lipides
Ce phénomène peut découler de la prise de poids mais des mécanismes indépendants sont aussi suspectés. Les anomalies les plus fréquentes sont l’élévation du taux de triglycérides et la diminution du taux de « bon » cholestérol (HDL). Les autres médicaments ne sont pas concernés à ce niveau, du moins en dehors des conséquences de la prise de poids. Le valproate (Dépakine/kote/mide) est même associé à une diminution du taux de « mauvais » cholestérol.
8. Les neuroleptiques sont associés à une augmentation du risque de diabète de type 2
La schizophrénie et le trouble bipolaire sont associés à une prévalence du diabète deux à trois fois plus importante et à sa survenue 10 à 20 ans plus tôt. Tous les neuroleptiques ne sont pas égaux en la matière, les risques respectifs demeurant superposables à ceux de la prise de poids (voir 5.).
9. Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès en cas de maladie psychiatrique sévère.
Le risque est à ce niveau 10 fois plus élevé que celui du suicide.
Il peut s’agir de maladie coronarienne dont la complication majeure est l’infarctus du myocarde ou d’accidents cérébrovasculaires (AVC). Le mécanisme associant ce risque aux neuroleptiques n’est pas encore clairement élucidé mais ce phénomène ne serait pas systématiquement lié à la prise de poids. Ce sont cependant les molécules les plus associées à une prise de poids qui sont à nouveau les plus mises en cause (voir 5.)
Il peut également s’agir de mort subite par trouble du rythme. Le risque est 2 à 4 fois plus élevé en cas de schizophrénie. Les molécules les plus à risque sont celles qui allongent le plus la durée de repolarisation ventriculaire. Il s’agit en premier lieu des neuroleptiques, les plus à risque étant le pimozide (Orap), l’halopéridol (Haldol) et l’amisulpride (Solian) mais également de certains antidépresseurs : les tricycliques (voir plus haut) et certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine comme le citalopram (Seropram).
10. Les neuroleptiques sont associés à un risque plus élevé de pneumonie
La pneumonie figure parmi les causes de décès les plus fréquentes chez les patients atteints de maladie mentale sévère et les neuroleptiques peuvent y contribuer. La clozapine reste la molécule la plus à risque mais les autres antipsychotiques de seconde génération sont également en cause. Les antidépresseurs et stabilisateurs de l’humeur ne semblent pas concernés par ce risque.
11. De nombreux médicaments psychiatriques perturbent le fonctionnement du foie
Les perturbations du bilan hépatique sont fréquentes sous neuroleptiques (environ 1/3 des patients sont concernées) mais le plus souvent sans conséquences et asymptomatiques. Jusqu’à 3% des patients sous antidépresseurs peuvent également présenter de telles perturbations. Les molécules les plus à risques sont la venlafaxine (Effexor), la duloxétine (Cymbalta), l’agomélative (Valdoxan) ainsi que les tricycliques. Parmi les stabilisateurs de l’humeur, le valproate (Dépakine/kote/mide) et la carbamazépine (Tégrétol) sont les plus toxiques pour le foie.
12. Les risques liés à la constipation sont souvent négligés ou sous estimés
Les complications les plus graves (paralytiques, occlusives ou perforantes) peuvent être mortelles, notamment chez les personnes âgées. Les médicaments les plus concernés sont les neuroleptiques, notamment la clozapine (Leponex) et les antidépresseurs tricycliques.
13. De nombreux médicaments psychiatriques peuvent faire chuter le taux de globules blancs
La clozapine (Leponex) est souvent mise en avant et bénéficie de mesures de surveillance assez strictes à ce niveau. Ce risque est néanmoins associé à tous les antipsychotiques, à certains antidépresseurs (à nouveau les tricycliques), et aux anticonvulsivants utilisés comme stabilisateurs de l’humeur. Parmi ces derniers, la carbamazépine (Tégrétol) est la première concernée et son association à la clozapine est logiquement contre-indiquée.
14. Certains médicaments psychiatriques fragilisent les os
Il s’agirait à nouveau des neuroleptiques et de certains antidépresseurs (les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine). Le risque de fracture ou de tassement vertébral peut donc augmenter.
15. Les neuroleptiques favorisent les troubles moteurs et l’épilepsie
La prise de neuroleptiques au long cours favorise l’apparition des formes « tardives » d’akathisie, de dystonie et de dyskinésie qui, contrairement à leurs formes « précoces », ne bénéficient pas encore à l’heure actuelle de remède très efficace. Ce risque était initialement considéré comme nul avec les antipsychotiques de seconde génération mais il n’est finalement que 5 à 6 fois inférieur à celui des anciennes molécules.
Les neuroleptiques, tout comme certains antidépresseurs, abaissent le seuil épileptogène, un phénomène qui reste modéré mais tout de même à prendre en compte, notamment chez les épileptiques. Du coté des stabilisateurs de l’humeur, l’effet est plutôt protecteur, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du fait que la plupart sont des anticonvulsivants.
CONCLUSION
Les médicaments psychiatriques sont donc à considérer comme un facteur d’importance dans l’émergence et l’aggravation de maladies physiques chez les patients atteints de troubles psychiatriques. Les effets secondaires sont associés, par importance décroissante aux neuroleptiques dans leur ensemble, aux stabilisateurs de l’humeurs, aux antidépresseurs tricycliques et aux antidépresseurs plus récents.
Cet impact physique néfaste doit être davantage pris en compte, notamment chez les patients les plus sévèrement atteints pour lesquels, à l’heure actuelle, les mesures non médicamenteuses sont plutôt complémentaires que de réelles alternatives.
Quel est la premiere cause de mortalité des patients? Les maladies cardio-vasculaires qui sont causés souvent par plusieurs facteur dont la prise de psychotropes ainsi que le mode de vie des patients. N y aurait t il pas juste un pas a franchir un cap pour affirmer que la psychiatrie contribue paradoxalement a envoyer plus rapidement ceux qu ils sont censés soignés dans un autre monde?
La question est posée. Elle a surement été aussi étudiée. Il faudrait trouver des sources.
Ce genre de choses devrait être occulté car certaines choses ne peuvent être dite en psychiatrie. Car cela stigmatisent les professionnels qui au final risque déchanter.
Ce que de nombreux psychiatres n ont pas compris c est que le système psychiatrique ne vit pas une crise comme elle le sous entend mais est en train de vivre ses derniers instant. Le système psychiatrique est comme un patient qui à été hospitalisé 20 fois dont le tryptique chimique a été utilisé pendant plusieurs décennies, lessivé comme ses patients, usé. Un autre système est en train de prendre place.
Avez-vous des sources concernant ce pourcentage impressionnant?
Sur quoi voulez vous un pourcentage? Mr thiriez je respecte ce que vous faites car on sent bien l investissement dont vous faites preuve avec autant d intégrité ce qui est rare pour un psychiatre car la plupart de vos confrères sont opaques dans leur pratique. Une très grande majorite de personnes que je connais qui ont été traité par la psychiatrie ne vont pas mieux, pour certains cela à même était pire une amie a était hospitalisé 16 fois, occlusion intestinale dû aux neuroleptiques… je l ai même sauvé d un internemenr voulu par un psychiatre à l’hôpital lariboisiere en forçant le psychiatre..
Vous êtes un des rares psychiatres qui admet que les neuroleptiques cause des dommage physique important. En tous les cas bravo à vous d avoir cette honnêteté.