Les psychiatres ne cessent de clamer, à juste titre, que les médias stigmatisent les malades mentaux. Si la « diversité » des faits-divers reste encore majoritairement consacrée aux mauvaises nouvelles et aux tragédies, rien n’empêche à priori les œuvres plus ou moins fictionnelles de dresser des portraits positifs ou au moins réalistes de patients atteints de troubles psychiatriques.
Une psychiatre texane s’est ainsi penchée sur les films récents (principalement américains et sortis entre 1990 et 2010) dont au moins un personnage présentent les caractéristiques de schizophrénie. Il en ressort que ces malades psychiatriques du cinéma relayent une vision erronée et très caricaturale de la maladie.
Les amalgames avec d’autres troubles persistent si bien qu’il n’est pas rare de constater chez ces pseudo-schizophrènes des comportements violents pour ne pas dire psychopathiques dignes des tueurs en série, mais également des talents particuliers évoquant le syndrome d’Asperger, ceci jusqu’aux pouvoirs surnaturels, sans parler des personnalités multiples, un phénomène aussi rare que l’alignement de toutes les planètes du système solaire. Pour beaucoup de ces pseudo-schizophrènes, la maladie serait d’origine purement traumatique et la guérison peut survenir, notamment par amour. La grande majorité de ces personnages sont violents, ce que ne seront jamais plus de 90% des vrais schizophrènes. Le cinéma moderne ne semble hélas pas disposé à renoncer à la bonne recette du schizophrène sensationnel et/ou dangereux, et ne contribue que rarement à donner une image positive et/ou réaliste des malades mentaux. L’auteure attribue tout de même des bons points à trois films et trois acteurs : Le Soliste (Jamie Foxx), Some Voices (Daniel Craig) et Canvas (Marcia Gay Harden).
J’ai récapitulé dans ce tableau les données concernant la schizophrénie au cinéma et dans la réalité :
Cinema
Réalité
Sexe
79% d’hommes
50%
Ethnie
95% de caucasiens
Pas de prédominance
Hallucinations auditives
62%
50-80%
Hallucinations visuelles
52%
15%
Hétéro-agressivité
83%
3-5% (risque X4 en cas d’abus d’alcool ou de drogue)
Parmi les nombreux effets secondaires attribuables aux neuroleptiques, l’akathisie demeure certainement le plus trompeur, et souvent le plus dommageable. Souvent réduite à une « impatience pathologique » ou à l’impossibilité de rester immobile qui n’est que l’une de ses potentielles conséquences motrices, l’akathisie serait mieux résumée par une surexcitation globale, et notamment émotionnelle.
Des présentations trompeuses
Ceux qui en ont un jour subi les effets décrivent l’une des pires expériences de leur vie : une sensation intense d’inconfort associée à un sentiment de perte de contrôle, le tout pouvant favoriser toutes sortes de complications plus ou moins graves.
L’illustration la plus typique est ce besoin presque impérieux de marcher, de déambuler pour soulager une impatience qui rend impossible la moindre immobilité prolongée. Or ces symptômes typiques ne sont que rarement isolés, et peuvent être absent dans les nombreuses formes plus discrètes d’akathisie qui surviennent depuis l’avènement des neuroleptiques atypiques.
L’akathisie se retrouve également à l’origine d’une exaltation parfois massive de certaines émotions négatives telles que l’anxiété, l’irritabilité, la dysphorie et la colère, dont les conséquences sur le plan comportemental se révèlent variables et parfois dramatiques : agitation, agressivité, impulsivité, fugue, raptus suicidaire…
Ces nombreuses présentations incitent volontiers les soignants, l’entourage, voire le patient lui-même à considérer que cette aggravation est le fait de la maladie qui l’a conduit à se faire soigner plutôt qu’un effet secondaire du traitement. Celui-ci est alors volontiers augmenté dans l’espoir de faire cesser les symptômes sans que l’hypothèse de l’akathisie ne soit évoquée, ce qui ne constitue guère la solution idéale.
En guise d’exemple, il n’est pas rare d’entendre au sujet de l’aripiprazole (Abilify®), même de la part de grands cliniciens, que celui-ci provoque de l’excitation, de l’angoisse, voire des accès maniaques ou délirants (étrange pour un neuroleptique…). Or il se trouve que cet aripiprazole est également un grand pourvoyeur d’akathisie, ce qui, combiné à son profil peu voire non sédatif, aboutit volontiers à ce genre de tableau.
Comment la démasquer?
Avant de la démasquer, il s’agirait déjà d’y penser, et bien avoir en tête ce chevauchement parfois complexe et flou entre les symptômes de l’akathisie et ceux de nombreuses maladies psychiatriques. Il n’existe pas de méthode distinctive miraculeuse mais les critères pour la recherche du DSM représentent une base diagnostique plutôt fiable à ce niveau.
Les voici dans la quatrième version révisée :
Critères de recherche pour l’akathisie aiguë induite par les neuroleptiques
A. Apparition de plaintes subjectives d’impatience après la prise d’un traitement neuroleptique
B. Au moins l’un des symptômes suivants est observé :
(1) Mouvements d’impatience ou balancement des jambes
(2) Balancement d’un pied sur l’autre en position debout
(3) Besoin de marcher pour soulager l’impatience
(4) Incapacité à rester assis ou debout sans bouger au-delà de quelques minutes
C. Les symptômes des critères A et B surviennent dans les 4 semaines qui suivent le début ou l’augmentation des doses d’un traitement neuroleptique ou bien la réduction d’un traitement médicamenteux visant à traiter (ou à prévenir) des symptomes extrapyramidaux aigus (p.ex., les anticholinergiques).
D. Les symptômes du critère A ne sont pas mieux expliqués par un troubles mental (p. ex., la Schizophrénie, le Sevrage à une substance, l’agitation d’un Épisode dépressif majeur ou d’un Épisode maniaque, l’hyperactivité d’un Déficit de l’attention/hyperactivité). Les arguments en faveur d’un trouble mental sont notamment la survenue de symptômes avant la prise de neuroleptiques, l’absence d’amélioration sous traitement pharmacologique (p. ex., la réduction de la dose de neuroleptiques ou l’administration d’un médicament visant à traiter l’akathisie n’entraine pas d’amélioration).
E. Les symptômes du critère A ne sont pas dus à une substance non neuroleptiques ou à une affection neurologique ou à une autre affection médicale générale. Les arguments en faveur d’une affection médicale générale sont notamment la survenue des symptômes avant la prise de neuroleptiques ou l’aggravation des symptômes en l’absence de changement du traitement médicamenteux.
Il semble évident que le meilleur argument en faveur de cette akathisie reste chronologique, celle-ci devant être évoquée devant toute aggravation de l’état d’un patient après instauration d’un traitement neuroleptique.
Comment s’en débarrasser?
Là également, il n’existe pas à ce jour de solution miraculeuse. La meilleure reste l’arrêt total et définitif du traitement neuroleptique en cause. Celui-ci pourra être remplacé si nécessaire par un autre sans pouvoir garantir du retour ou non de cet effet secondaire. L’intensité de l’akathisie demeurant dose dépendante, une diminution du traitement peut également apporter un soulagement plus ou moins partiel.
Certaines molécules dévoilent un effet correcteur mais ne doivent être envisagée qu’en cas d’impossibilité d’interrompre le traitement neuroleptique. Les anticholinergiques, les beta-bloquants tels que le propranolol (Avlocardyl®) ou encore les benzodiazépines comme le lorazepam (Temesta®) peuvent se révéler efficaces à conditions que soit mis en balance les bénéfices et risques d’une telle prescription.
Diagnostiquer, prendre en considération et traiter cette akathisie reste une démarche essentielle en psychiatrie, notamment en vue de prévenir certaines complications telles que l’automédication (l’alcool est hélas aussi un correcteur efficace) ou l’interruption brutale d’un neuroleptique par le patient avec les risques de rechute qui y sont liés.
Quels neuroleptiques sont concernés?
Ils le sont tous, les anciens comme les nouveaux, ces derniers provoquant des akathisies plus discrètes mais pas forcément moins dangereuses. Les variations interindividuelles entrainent une grande difficulté à prévoir cet effet secondaire avant la mise en place d’un traitement. Il est donc essentiel d’aller le traquer (tout comme les autres effets secondaires) sans attendre que le patient s’en plaigne. Un tableau répertoriant les principaux effets secondaires des neuroleptiques est disponible ici.
Et le syndrome des jambes sans repos?
Il s’agit d’un autre trouble à envisager comme diagnostic différentiel et que l’on différencie de l’akathisie grâce à plusieurs critères :
Absence d’exposition aux neuroleptiques
Symptômes limités aux membres inférieurs
Présence de symptômes sensoriels associés (paresthésies, chaud/froid, douleur etc.)
Myoclonies (mouvements brusques, involontaires et de faible amplitude)
Troubles du sommeil
Aggravation vespérale, voire manifestations uniquement le soir
Volontiers mise en avant par les médias, la violence concerne pourtant une petite minorité des patients suivis en psychiatrie. Si la plupart des agressions restent verbales, toute équipe soignante, notamment hospitalière, doit se montrer apte à gérer les violences physiques ainsi qu’à prévenir au mieux leur survenue.
Une équipe italienne vient de compiler plusieurs études sur le sujet à la recherche des facteurs les plus associés à ces épisodes d’agression. Les 66 études sélectionnées entre 1990 et 2010 concernent des patients adultes hospitalisés, non sélectionnés sur un diagnostic précis (à l’exception des troubles psychotiques).
Les variables les plus fréquemment associées à la violence et aux agressions sont :
De précédents épisodes de violence ou d’agression
L’impulsivité et l’hostilité
L’hospitalisation prolongée
L’admission non volontaire
Il ne s’agit pas d’une découverte révolutionnaire mais ces éléments doivent être pris en compte systématiquement, même si leur association à la violence ne les rend pas forcément prédictifs de celle-ci.
Pour d’autres facteurs, régulièrement soupçonnés d’intervenir à ce niveau, l’association est beaucoup plus faible. Il s’agit de :
La consommation de drogue et d’alcool
La psychose
Le jeune âge
La présence d’un risque suicidaire
Cependant, en isolant les études qui ne concernent que les patients psychotiques, les facteurs les plus associés à la violence sont :
La consommation de drogue et d’alcool
L’hostilité
La psychose aiguë (décompensée)
Le délire paranoïde
Enfin, il semble que l’agresseur et la victime soient le plus souvent de même sexe, et qu’une « harmonie » au sein de l’équipe se révèle plus efficace en matière de prévention que la plupart des autres stratégies testées, notamment la présence d’infirmiers masculins.