Quelle attitude adopter avec mon fils schizophrène ?
La schizophrénie est une maladie chronique dont la prise en charge nécessite des efforts d’adaptation de la part du patient et de son entourage. Certains symptômes – appelés déficitaires ou négatifs – perturbent la mémoire, la concentration, l’intérêt, l’initiative, et conduisent le patient à réduire ses activités et contacts sociaux. Maintenir une bonne hygiène de vie demeure essentiel (sommeil, alimentation, hygiène corporelle), tout comme structurer et rythmer les journées. La psychiatrie extrahospitalière dispose ainsi de plusieurs structures de soins psychosociaux et occupationnels, comme les hôpitaux de jour, qui facilitent la réinsertion. Les troubles de la communication sont par ailleurs fréquents et nécessitent de renforcer l’empathie et l’affirmation, en préférant notamment les encouragements aux remontrances et en privilégiant les messages simples, directs et précis. L’entourage doit faire preuve de patience, rester à l’écoute et guider le patient vers une autonomie maximale en évitant les attitudes inquisitrices et les sollicitations excessives.
Quels sont les avantages et les inconvénients des médicaments ?
La prise en charge repose en premier lieu sur le traitement médicamenteux neuroleptique, dont les dernières générations (antipsychotiques atypiques) représentent d’indéniables progrès en matière de tolérance et d’efficacité. Ils permettent notamment de réduire de façon significative les symptômes positifs tels que le délire, les hallucinations ou encore les troubles du comportement, mais ne guérissent pas la maladie. Il faut donc les prendre pendant plusieurs années. Tout traitement médicamenteux doit être associé à un suivi soutenu en consultation, par le psychiatre et le médecin traitant. Comme tous médicaments, ceux-ci ne sont pas anodins et sont responsables d’effets secondaires parfois pénibles : prise de poids, syndrome métabolique, somnolence, raideur voire contracture musculaire, sécheresse buccale, constipation, hypotension, baisse de la libido, hyperprolactinémie, augmentation de la photosensibilité qui nécessite des précautions en cas d’exposition solaire… Ces effets nécessitent souvent l’adjonction de molécules dites correctrices et des prises en charge ou mesures complémentaires diététiques et sportives. Certaines interactions médicamenteuses sont par ailleurs prévenues par la collaboration étroite entre le psychiatre et le médecin traitant. Des précautions particulières seront notamment prises en cas de maladie cardio-vasculaire, neurologique (Parkinson, épilepsie), endocrinienne (diabète) et la conduite souvent déconseillée.
Que faire en cas de prise de poids sous traitement ?
Les antipsychotiques peuvent être à l’origine d’une prise de poids et de troubles métaboliques comme le diabète ou la dyslipidémie. Il est ainsi recommandé aux patients d’adopter un régime alimentaire équilibré, de pratiquer une activité physique régulière et de diminuer la consommation d’alcool et de tabac. Ces conseils sont d’autant plus difficiles à respecter qu’ils sont contrariés par les symptômes de la maladie. La collaboration étroite entre le médecin généraliste et le psychiatre est ainsi nécessaire afin d’assurer une prise en charge optimale. Une prise de poids supérieure à 7 %, surtout rapide, doit notamment alerter le prescripteur, conduire à rechercher un diabète, parfois à orienter vers un spécialiste ou à changer de traitement.
Mon fils est-il dangereux ?
Les schizophrènes sont des personnes fragiles, bien plus souvent victimes qu’auteurs de violences. La dangerosité concerne surtout la sous-population des patients non traités et/ou consommateurs de drogues. Si les médias demeurent centrés sur la violence des malades, ils n’abordent que rarement le risque suicidaire particulièrement élevé : un patient sur six en moyenne. Un schizophrène doit donc être soigné et protégé plutôt que stigmatisé.
Quels sont les modes d’hospitalisation ?
L’hospitalisation libre est à privilégier lorsque le consentement du patient est obtenu. C’est la plus courante, notamment en cas de pathologie non psychiatrique. Si l’état du patient impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier et que sa maladie l’empêche de consentir aux soins, le médecin prononce une hospitalisation à la demande d’un tiers et rédige un certificat. Un membre de l’entourage est sollicité pour donner son accord, sans lequel cette hospitalisation ne peut être prononcée. Enfin, quand les troubles mentaux compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes, le préfet prononce une hospitalisation d’office au vu d’un certificat médical circonstancié. Dans la plupart des cas, l’adresse du patient détermine son secteur, et donc l’établissement dans lequel il sera admis.
Ma fille entend des voix, que puis-je faire ?
Si aucune prise en charge n’a encore été instaurée, il est indispensable d’obtenir un avis médical. Le médecin traitant pourra effectuer une première évaluation et orienter le patient vers l’un de ses confrères psychiatres ou vers un service d’urgence si nécessaire. L’éclosion de la maladie peut être brutale ou insidieuse mais, dans les deux cas, les hallucinations sont rarement isolées et s’accompagnent volontiers de modifications du comportement en rapport avec une méfiance exacerbée (refus du contact physique ou verbal, repli sur soi) ou un émoussement affectif et intellectuel (baisse des activités, des intérêts, manque d’hygiène). A ceci s’ajoutent fréquemment des modifications du rythme de sommeil, une angoisse prononcée, des comportements bizarres et inhabituels, parfois auto ou hétéroagressifs et souvent en rapport avec un sentiment de persécution. Si le patient a déjà reçu des soins psychiatriques, il convient de s’assurer de la prise correcte du traitement et du bon déroulement du suivi médical. Il n’est pas rare de constater la persistance d’hallucinations auditives sous traitement étant donné qu’un antipsychotique n’est, en moyenne, efficace que sur deux tiers des symptômes. Il est du ressort du psychiatre d’évaluer la dangerosité et le caractère invalidant de ces symptômes résiduels et d’adapter la prise en charge en conséquence. Il pourra modifier le traitement, convenir d’une hospitalisation, orienter le patient vers une psychothérapie complémentaire adaptée ou renforcer le suivi psychiatrique extrahospitalier (visites à domicile, hôpital de jour, etc.).
Que faire en cas de refus de prise du traitement ?
A l’instar de la plupart des maladies chroniques, la schizophrénie expose au risque de rechute et à la difficulté d’accepter un traitement au long cours. Si le nombre de rechutes et leur gravité semblent avoir un effet sur la reconnaissance de la maladie chez un diabétique, ce phénomène survient plus rarement chez le schizophrène. Il demeure essentiel d’informer l’entourage sur le fait que cette absence de conscience des troubles fait partie des symptômes, qu’il s’agit avant tout d’une altération du jugement, et non d’une simple mauvaise foi. La famille se révèle en effet souvent frustrée, voire découragée, face à un patient qui ne se considère toujours pas malade après plusieurs années d’évolution, de rechutes et hospitalisations. Chez certains, le refus du traitement est motivé par l’intégration de celui-ci dans le délire de persécution, avec la conviction que les médicaments sont responsables de la maladie ou qu’ils constituent l’instrument d’un complot. Enfin, les effets secondaires représentent une cause très fréquente d’interruption du traitement. Nombreux sont les patients qui peinent à en informer leur médecin, alors que celui-ci peut proposer quelques solutions efficaces parmi lesquelles l’adjonction de médicaments correcteurs (sécheresse buccale, hypotension artérielle, effets secondaires parkinsoniens), l’adaptation ou la modification du traitement de fond. Dans tous les cas, il convient d’avertir le patient des risques importants de rechute inhérents à l’arrêt de son traitement et de l’inciter à en informer son médecin. Il est déconseillé de recourir au chantage ou à la menace, notamment vis-à-vis de l’hospitalisation, et formellement contre-indiqué de lui administrer le traitement à son insu, notamment de le dissimuler dans les aliments. Si nécessaire, le médecin pourra instaurer un traitement neuroleptique retard (libération prolongée), administré sous forme injectable tous les 15 jours, toutes les 3 semaines ou tous les mois par un infirmier. Si ce mode thérapeutique présente des atouts, notamment d’assurer la prise du médicament à la dose prescrite et d’épargner le souci d’une ou de plusieurs prises journalières de comprimés, les inconvénients ne doivent pas être négligés. L’injection dans le muscle fessier est ainsi souvent vécue comme une humiliation, renforce le sentiment de perte de contrôle du patient et détériore parfois l’alliance thérapeutique. Or il est indispensable que le malade se rende au centre de consultation pour bénéficier de cette injection retard. Si le traitement est en revanche bien accepté mais difficile à gérer, sujet à des erreurs ou des oublis, le pilulier peut s’avérer judicieux. Il sera rempli chaque semaine avec l’aide d’un membre de l’entourage ou du personnel soignant.
Comment gérer la rechute et/ou la crise ?
Les causes sont nombreuses mais l’arrêt du traitement reste impliqué dans les trois quarts des rechutes. Les signes sont en général les mêmes que ceux ayant précédé le premier épisode et sont souvent en rapport avec la réactivation d’un délire. Ainsi, des modifications importantes de comportement en rapport avec des hallucinations, le repli sur soi, les troubles du sommeil, la désorganisation du discours doivent amener le patient à consulter rapidement son psychiatre, qui prendra les mesures nécessaires. La crise survient en général en cas de grosse perte de contact avec la réalité et se caractérise par une angoisse massive et une activité hallucinatoire importante, sources d’agitation et de troubles du comportement parfois dangereux. L’entourage familial se trouve alors souvent démuni, d’autant que les pompiers ou le Samu ne se déplacent que rarement si le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Il est fréquemment conseillé de conduire le patient aux urgences, ce qui se révèle difficile si celui-ci s’y oppose activement. Les services de police deviennent alors le seul recours, notamment si le risque de violence se confirme ; une solution traumatisante mais à même de préserver patient et famille du danger. En attendant l’intervention, il est essentiel de ne pas rompre le contact avec le patient et de privilégier un seul interlocuteur, de préférence une personne de confiance. Celle-ci s’efforcera de maintenir une distance suffisante pour ne pas menacer son espace vital, d’éliminer les sources potentielles de nuisances, à commencer par la télévision, et de s’exprimer calmement. L’hypersensibilité du patient nécessite d’éviter les attitudes autoritaires, les cris, les critiques, l’expression de la peur ou de la colère, et de privilégier les propos rassurants, empathiques et les conseils.
Mon enfant doit-il arrêter l’alcool et le cannabis ?
Le soulagement à court terme provoqué par ces substances incite souvent les patients à les utiliser comme automédication. Or elles précipitent le déclenchement de la maladie, des rechutes, et perturbent l’efficacité des traitements. Le cannabis aggrave notamment la plupart des symptômes, qu’ils soient positifs (hallucinations, angoisse, délire de persécution, etc.) ou négatifs (troubles de la mémoire, de la concentration, baisse d’initiative et de motivation, etc.) et constitue un facteur non négligeable de dépression. Il convient d’informer le patient sur l’ensemble des risques inhérents à la consommation de drogue et d’alcool, qu’ils soient spécifiques ou non de la maladie, de l’inciter à en parler à son psychiatre, qui pourra le renseigner et l’orienter vers les différents modes de prise en charge des addictions.