Épisode maniaque : les meilleurs traitements

Neuroleptiques, Revues Pro, Stabilisateurs de l'humeur, Troubles de l'humeur

Une publication de la revue The Lancet, relayée par Medpage et Medscape, encourage la prescription d’antipsychotiques pour traiter un épisode maniaque, ceux-ci se révélant visiblement plus efficaces que les autres médicaments, notamment les anticonvulsivants.

Cette revue de littérature aboutit par ailleurs à un classement des molécules selon un compromis efficacité/tolérance :

  • Risperidone (Risperdal®): 87
  • Olanzapine (Zyprexa®): 79
  • Haloperidol (Haldol®): 75
  • Quetiapine (Xeroquel®): 68
  • Carbamazepine (Tegretol®): 62
  • Aripiprazole (Abilify®): 59
  • Valproate (Depa-kote-kine-mide®): 50
  • Lithium (Teralithe®): 43
  • Ziprasidone (non disponible en France): 41
  • Asenapine (non disponible en France): 39
  • PLACEBO: 23
  • Lamotrigine (Lamictal®): 21
  • Topiramate (Epitomax®): 7
  • Gabapentin (Neurontin®): 3

Il est à noter que le lithium pourrait faire partie du tiercé gagnant car parmi les plus efficaces, si son taux d’interruption n’était pas si élevé. Il reste par ailleurs le meilleur en prévention des rechutes (Lithium Trumps Valproate for Bipolar Disorder, Maintenance treatments for bipolar disorder)

Lorsque la phase maniaque est contrôlée, l’objectif devient cette fameuse prévention des rechutes pour laquelle les rapports efficacité tolérance ne sont pas les mêmes : ce classement n’applique donc pas au traitement de fond du trouble bipolaire. Poursuivre le traitement efficace en phase aiguë reste une conduite fréquente et rassurante pour le médecin mais pas forcément optimale pour le patient.

Cipriani A, et al. Comparative efficacy and acceptability of antimanic drugs in acute mania: A multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2011; DOI: 10.1016/S0140-6736(11)60873-8.

Diminuons les doses, mais pas trop…

Effets secondaires, Neuroleptiques, Revues Pro, Troubles psychotiques

Une équipe s’est penchée récemment sur l’efficacité des antipsychotiques en prévention des rechutes dans la schizophrénie, et plus particulièrement sur l’intérêt éventuel de diminuer les doses après la phase aiguë. Il n’existe en effet pas de réel consensus à ce sujet. L’APA, tout comme l’HAS en France, recommande la fameuse « dose minimale efficace » dont la définition reste floue (une sorte de meilleur compromis entre effets secondaires et efficacité), et qui s’avère certainement plus facile à réclamer qu’à repérer. D’autres experts n’hésitent pas à préconiser la conservation des doses administrées durant la phase aiguë. Au final, patients et cliniciens sont souvent livrés à eux-mêmes, jonglant entre instinct, expérience et divers arguments d’autorité.

Cette méta-analyse inclut 1395 patients eux-mêmes auparavant inclus dans 13 études comparant au moins les effets de deux doses différentes d’antipsychotique. Au terme d’extractions et de combinaisons statistiques forcément sources de nombreux biais, il s’avère que les chercheurs ne peuvent formellement généraliser leurs conclusions en raison d’une quantité insuffisante de données. Les résultats tendent cependant à montrer qu’une dose moindre, mais au moins égale à la moitié de la dose initiale, se révèle aussi efficace que cette dernière.

Les patients ont été répartis en trois groupes :

  1. Ceux conservant la dose initiale standard
  2. Ceux pour qui la dose est « faible », mais au moins supérieure à la moitié de la dose initiale standard
  3. Ceux pour qui la dose est « minimale », c’est-à-dire inférieure à la moitié de la dose initiale standard

La dose « faible » (2) ne semble donc pas conduire à davantage de réhospitalisations que la dose standard (1). La dose « minimale » (3) est en revanche associée à une efficacité significativement inférieure. Si une dose plus faible s’avère bénéfique en ce qui concerne certains effets secondaires comme la somnolence, aucune différence n’est retrouvée entre les trois groupes pour ce qui est des interruptions de traitement.

Il n’est pas certains que ces données puisse convaincre les plus réticents d’entre nous… N’oublions pas que les patients restent les mieux placés pour évaluer le caractère invalidant des effets secondaires mais aussi pour juger de l’efficacité d’un traitement. En attendant des résultats plus solides, la meilleure solution reste (et restera) l’incontournable alliance thérapeutique.

Hiroyuki Uchida, Takefumi Suzuki, Hiroyoshi Takeuchi, Tamara Arenovich and David C. Mamo. Low Dose vs Standard Dose of Antipsychotics for Relapse Prevention in Schizophrenia: Meta-analysis. Schizophr Bull (2011) 37(4): 788-799

Article disponible intégralement sur Medscape

Nouveau n’est pas toujours meilleur…

Neuroleptiques, Revues Pro, Troubles psychotiques

Modernité n’est toujours synonyme de supériorité. Voici quelques études qui plairont aux plus réactionnaires d’entre nous.

La rispéridone à libération prolongée est tout d’abord comparée aux neuroleptiques conventionnels de forme retard chez 8310 patients schizophrènes (2712 contre 6523). Les résultats sont plutôt en faveur des vieux traitements dont l’interruption, quelle qu’en soit la cause, est beaucoup plus tardive (792 jours contre 433). Chez les 969 patients initialement sous neuroleptique retard dont le traitement est remplacé par la rispéridone LP, le nombre de réadmission et de journées d’hospitalisation augmente significativement. N’oublions pas que le prix constitue aussi un argument en faveur des anciens traitements…

New Clinical Drug Evaluation Unit (NCDEU) 51st Annual Meeting: Older antipsychotics trump newer agents for schizophrenia (Medscape, juin 2011).

Dans une autre étude, l’efficacité des antipsychotiques sur les symptômes dépressifs dans la schizophrénie est évaluée chez 1460 patients après 18 mois de traitement. Aucune différence n’est retrouvée entre les patients traités par la perphénazine (ancien neuroleptique de la classe des phénothiazines) et ceux traités par les antispychotiques de deuxième génération suivants : olanzapine, quétiapine, risperidone et ziprazidone. Si les vertus antidépressives de ces derniers sont souvent vantés par les laboratoires qui les commercialisent, elles ne semblent pas surpasser celles de leurs ancêtres. En revanche la quétiapine se montre visiblement plus efficace que la rispéridone chez les patients présentant un épisode dépressif caractérisé, ce qui confirmerait presque une promesse du laboratoire concerné.

Addington DE and al. Impact of second-generation antipsychotics and perphenazine on depressive symptoms in a randomized trial of treatment for chronic schizophrenia. J Clin Psychiatry. 2011 Jan;72(1):75-80.

La clozapine est le plus ancien des antipsychotiques de deuxième génération mais aussi le plus efficace. En raison d’un effet secondaire parfois grave (neutropénie), sa mise en place nécessite de grande précaution, notamment une surveillance biologique hebdomadaire puis mensuelle, et il n’est réservé qu’aux pathologies schizophréniques réfractaires, soit après l’échec de deux traitements bien conduits. Si certains auteurs estiment que 30 % des schizophrènes sont des candidats potentiels à la clozapine, seuls 2 à 3% en bénéficient réellement aux États-Unis. Sur un échantillon de 7035 patients récemment diagnostiqués, les antipsychotiques les plus prescrits sont dans l’ordre : l’aripiprazole (1175), la quétiapine (1161), la rispéridone (1127), les formes à libération prolongée (1078), l’olanzapine (663), l’halopéridol (559), la ziprazidone (333), la palipéridone (253), la fluphénazine (199) et enfin la clozapine (144 soit 2%). Le patient typiquement mis sous clozapine est un jeune homme blanc avec des dépenses de santé plus élevées. Selon les auteurs, la réticence à instaurer ce traitement pourrait bien constituer une perte de chance pour de nombreux patients.

New Clinical Drug Evaluation Unit (NCDEU) 51st Annual Meeting: Clozapine rarely prescribed for refractory schizophrenia (Medscape, juin 2011).

Enfin, une étude compare le lithium et le valproate chez 4000 patients bipolaires danois entre 1995 et 2006. Les résultats sont en faveur du lithium, moins interrompu, moins remplacé, moins associé à d’autres psychotropes et associé à un taux d’hospitalisation plus bas. Les risques d’intoxication ou d’atteinte rénale nécessite une surveillance accrue lors de la prescription de lithium, ce qui incite beaucoup de praticiens à préférer le valproate pourtant moins efficace. Le rapport bénéfice/risque doit évidemment être évalué au cas par cas.

Kessing LV and al. Valproate v. lithium in the treatment of bipolar disorder in clinical practice: observational nationwide register-based cohort study. Br J Psychiatry. 2011 May 18.

Un constat décevant…

Neuroleptiques, Revues Pro, Troubles psychotiques

L’interruption du traitement, même partielle, demeure la principale cause de rechute et, par extension, de réhospitalisation en ce qui concerne les maladies mentales et notamment la schizophrénie. Les prises quotidiennes, voire pluriquotidiennes, et les effets secondaires parfois très invalidants se révèlent de gros obstacles, d’autant plus quand il s’agit de patients qui ne se sentent pas malades. Dans ce contexte les antipsychotiques d’action prolongée pourraient se révéler avantageux sur quelques points, mais présentent également certains inconvénients à commencer par leur modalité d’administration : injectable, un procédé volontiers perçu comme humiliant par bon nombre de patients. Si elle ne garantit pas l’administration systématique du médicament, la mise en place d’un tel traitement offre aux équipes de soins la possibilité de vérifier sa prise, un contrôle souvent, et légitimement assimilé à un manque de confiance par ces mêmes patients. Les bénéfices attendus, à savoir la diminition des taux de rechute et de réhospitalisation, ne sont hélas pas retrouvés par une étude récente publiée dans le prestigieux New England Journal of Medecine en janvier 2011.

Rosenheck R, et al Long-acting risperidone and oral antipsychotics in unstable schizophrenia. N Engl J Med 2011; 364: 842-851.

Sur les 369 patients concernés, le taux de réhospitalisation à 11 mois est de 45% avec les antipsychotiques oraux contre 39% avec la risperidone à libération prolongée. Cette dernière est à l’origine de davantage d’effets secondaires, de type extrapyramidaux ou au niveau du site d’injection. Aucune différence n’est retrouvée en ce qui concerne les symptômes de la maladie, la qualité de vie, les performances sociales, le fonctionnement global ou encore les autres effets secondaires neurologiques.

Une autre publication, de l’American Journal of Psychiatry, vient démentir ou du moins corriger ces résultats deux mois plus tard.

Tiihonen J. et al. A Nationwide Cohort Study of Oral and Depot Antipsychotics After First Hospitalization for Schizophrenia. Am J Psychiatry, first published on Mar 1, 2011

Il s’agit d’une étude menée en Finlande sur 2588 patients schizophrènes après une première hospitalisation. Parmi la minorité de patients ayant poursuivi le traitement au-delà du séjour, le taux de réhospitalisation est trois fois plus faible avec la risperidone à action prolongée. Au sein des formes orales, les meilleurs résultats sont obtenus avec l’olanzapine et la clozapine. Enfin, les traitements antipsychotiques sont associés dans leur ensemble à une diminution du taux de mortalité, une donnée à confronter à la propagande scientologique concernant les psychotropes.

La seconde étude offre un échantillon de patients plus conséquent et probablement plus représentatif mais l’assignation aux différents traitements n’est pas randomisée. Les patients concernés par la première étude sont moins nombreux, mais plus agés, probablement plus conscients de leur maladie et volontaires pour l’étude. Les bénéfices de la risperidone à libération prolongée ne sont finalement pas si évidents et ne doivent pas faire oublier que son prix est bien supérieur à celui des formes orales, sans oublier que l’expérience est souvent mal vécue par le patient avec des conséquences parfois négatives sur sa relation avec l’équipe soignante. Au final, il s’agit évidemment, et heureusement, de gérer les situations au cas par cas.

Questions sur la schizophrénie

Neuroleptiques, Prise en charge, Troubles psychotiques

Quelle attitude adopter avec mon fils schizophrène ?

La schizophrénie est une maladie chronique dont la prise en charge nécessite des efforts d’adaptation de la part du patient et de son entourage. Certains symptômes – appelés déficitaires ou négatifs – perturbent la mémoire, la concentration, l’intérêt, l’initiative, et conduisent le patient à réduire ses activités et contacts sociaux. Maintenir une bonne hygiène de vie demeure essentiel (sommeil, alimentation, hygiène corporelle), tout comme structurer et rythmer les journées. La psychiatrie extrahospitalière dispose ainsi de plusieurs structures de soins psychosociaux et occupationnels, comme les hôpitaux de jour, qui facilitent la réinsertion. Les troubles de la communication sont par ailleurs fréquents et nécessitent de renforcer l’empathie et l’affirmation, en préférant notamment les encouragements aux remontrances et en privilégiant les messages simples, directs et précis. L’entourage doit faire preuve de patience, rester à l’écoute et guider le patient vers une autonomie maximale en évitant les attitudes inquisitrices et les sollicitations excessives.

Quels sont les avantages et les inconvénients des médicaments ?

La prise en charge repose en premier lieu sur le traitement médicamenteux neuroleptique, dont les dernières générations (antipsychotiques atypiques) représentent d’indéniables progrès en matière de tolérance et d’efficacité. Ils permettent notamment de réduire de façon significative les symptômes positifs tels que le délire, les hallucinations ou encore les troubles du comportement, mais ne guérissent pas la maladie. Il faut donc les prendre pendant plusieurs années. Tout traitement médicamenteux doit être associé à un suivi soutenu en consultation, par le psychiatre et le médecin traitant. Comme tous médicaments, ceux-ci ne sont pas anodins et sont responsables d’effets secondaires parfois pénibles : prise de poids, syndrome métabolique, somnolence, raideur voire contracture musculaire, sécheresse buccale, constipation, hypotension, baisse de la libido, hyperprolactinémie, augmentation de la photosensibilité qui nécessite des précautions en cas d’exposition solaire… Ces effets nécessitent souvent l’adjonction de molécules dites correctrices et des prises en charge ou mesures complémentaires diététiques et sportives. Certaines interactions médicamenteuses sont par ailleurs prévenues par la collaboration étroite entre le psychiatre et le médecin traitant. Des précautions particulières seront notamment prises en cas de maladie cardio-vasculaire, neurologique (Parkinson, épilepsie), endocrinienne (diabète) et la conduite souvent déconseillée.

Que faire en cas de prise de poids sous traitement ?

Les antipsychotiques peuvent être à l’origine d’une prise de poids et de troubles métaboliques comme le diabète ou la dyslipidémie. Il est ainsi recommandé aux patients d’adopter un régime alimentaire équilibré, de pratiquer une activité physique régulière et de diminuer la consommation d’alcool et de tabac. Ces conseils sont d’autant plus difficiles à respecter qu’ils sont contrariés par les symptômes de la maladie. La collaboration étroite entre le médecin généraliste et le psychiatre est ainsi nécessaire afin d’assurer une prise en charge optimale. Une prise de poids supérieure à 7 %, surtout rapide, doit notamment alerter le prescripteur, conduire à rechercher un diabète, parfois à orienter vers un spécialiste ou à changer de traitement.

Mon fils est-il dangereux ?

Les schizophrènes sont des personnes fragiles, bien plus souvent victimes qu’auteurs de violences. La dangerosité concerne surtout la sous-population des patients non traités et/ou consommateurs de drogues. Si les médias demeurent centrés sur la violence des malades, ils n’abordent que rarement le risque suicidaire particulièrement élevé : un patient sur six en moyenne. Un schizophrène doit donc être soigné et protégé plutôt que stigmatisé.

Quels sont les modes d’hospitalisation ?

L’hospitalisation libre est à privilégier lorsque le consentement du patient est obtenu. C’est la plus courante, notamment en cas de pathologie non psychiatrique. Si l’état du patient impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier et que sa maladie l’empêche de consentir aux soins, le médecin prononce une hospitalisation à la demande d’un tiers et rédige un certificat. Un membre de l’entourage est sollicité pour donner son accord, sans lequel cette hospitalisation ne peut être prononcée. Enfin, quand les troubles mentaux compromettent l’ordre public ou la sûreté des personnes, le préfet prononce une hospitalisation d’office au vu d’un certificat médical circonstancié. Dans la plupart des cas, l’adresse du patient détermine son secteur, et donc l’établissement dans lequel il sera admis.

Ma fille entend des voix, que puis-je faire ?

Si aucune prise en charge n’a encore été instaurée, il est indispensable d’obtenir un avis médical. Le médecin traitant pourra effectuer une première évaluation et orienter le patient vers l’un de ses confrères psychiatres ou vers un service d’urgence si nécessaire. L’éclosion de la maladie peut être brutale ou insidieuse mais, dans les deux cas, les hallucinations sont rarement isolées et s’accompagnent volontiers de modifications du comportement en rapport avec une méfiance exacerbée (refus du contact physique ou verbal, repli sur soi) ou un émoussement affectif et intellectuel (baisse des activités, des intérêts, manque d’hygiène). A ceci s’ajoutent fréquemment des modifications du rythme de sommeil, une angoisse prononcée, des comportements bizarres et inhabituels, parfois auto ou hétéroagressifs et souvent en rapport avec un sentiment de persécution. Si le patient a déjà reçu des soins psychiatriques, il convient de s’assurer de la prise correcte du traitement et du bon déroulement du suivi médical. Il n’est pas rare de constater la persistance d’hallucinations auditives sous traitement étant donné qu’un antipsychotique n’est, en moyenne, efficace que sur deux tiers des symptômes. Il est du ressort du psychiatre d’évaluer la dangerosité et le caractère invalidant de ces symptômes résiduels et d’adapter la prise en charge en conséquence. Il pourra modifier le traitement, convenir d’une hospitalisation, orienter le patient vers une psychothérapie complémentaire adaptée ou renforcer le suivi psychiatrique extrahospitalier (visites à domicile, hôpital de jour, etc.).

Que faire en cas de refus de prise du traitement ?

A l’instar de la plupart des maladies chroniques, la schizophrénie expose au risque de rechute et à la difficulté d’accepter un traitement au long cours. Si le nombre de rechutes et leur gravité semblent avoir un effet sur la reconnaissance de la maladie chez un diabétique, ce phénomène survient plus rarement chez le schizophrène. Il demeure essentiel d’informer l’entourage sur le fait que cette absence de conscience des troubles fait partie des symptômes, qu’il s’agit avant tout d’une altération du jugement, et non d’une simple mauvaise foi. La famille se révèle en effet souvent frustrée, voire découragée, face à un patient qui ne se considère toujours pas malade après plusieurs années d’évolution, de rechutes et hospitalisations. Chez certains, le refus du traitement est motivé par l’intégration de celui-ci dans le délire de persécution, avec la conviction que les médicaments sont responsables de la maladie ou qu’ils constituent l’instrument d’un complot. Enfin, les effets secondaires représentent une cause très fréquente d’interruption du traitement. Nombreux sont les patients qui peinent à en informer leur médecin, alors que celui-ci peut proposer quelques solutions efficaces parmi lesquelles l’adjonction de médicaments correcteurs (sécheresse buccale, hypotension artérielle, effets secondaires parkinsoniens), l’adaptation ou la modification du traitement de fond. Dans tous les cas, il convient d’avertir le patient des risques importants de rechute inhérents à l’arrêt de son traitement et de l’inciter à en informer son médecin. Il est déconseillé de recourir au chantage ou à la menace, notamment vis-à-vis de l’hospitalisation, et formellement contre-indiqué de lui administrer le traitement à son insu, notamment de le dissimuler dans les aliments. Si nécessaire, le médecin pourra instaurer un traitement neuroleptique retard (libération prolongée), administré sous forme injectable tous les 15 jours, toutes les 3 semaines ou tous les mois par un infirmier. Si ce mode thérapeutique présente des atouts, notamment d’assurer la prise du médicament à la dose prescrite et d’épargner le souci d’une ou de plusieurs prises journalières de comprimés, les inconvénients ne doivent pas être négligés. L’injection dans le muscle fessier est ainsi souvent vécue comme une humiliation, renforce le sentiment de perte de contrôle du patient et détériore parfois l’alliance thérapeutique. Or il est indispensable que le malade se rende au centre de consultation pour bénéficier de cette injection retard. Si le traitement est en revanche bien accepté mais difficile à gérer, sujet à des erreurs ou des oublis, le pilulier peut s’avérer judicieux. Il sera rempli chaque semaine avec l’aide d’un membre de l’entourage ou du personnel soignant.

Comment gérer la rechute et/ou la crise ?

Les causes sont nombreuses mais l’arrêt du traitement reste impliqué dans les trois quarts des rechutes. Les signes sont en général les mêmes que ceux ayant précédé le premier épisode et sont souvent en rapport avec la réactivation d’un délire. Ainsi, des modifications importantes de comportement en rapport avec des hallucinations, le repli sur soi, les troubles du sommeil, la désorganisation du discours doivent amener le patient à consulter rapidement son psychiatre, qui prendra les mesures nécessaires. La crise survient en général en cas de grosse perte de contact avec la réalité et se caractérise par une angoisse massive et une activité hallucinatoire importante, sources d’agitation et de troubles du comportement parfois dangereux. L’entourage familial se trouve alors souvent démuni, d’autant que les pompiers ou le Samu ne se déplacent que rarement si le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Il est fréquemment conseillé de conduire le patient aux urgences, ce qui se révèle difficile si celui-ci s’y oppose activement. Les services de police deviennent alors le seul recours, notamment si le risque de violence se confirme ; une solution traumatisante mais à même de préserver patient et famille du danger. En attendant l’intervention, il est essentiel de ne pas rompre le contact avec le patient et de privilégier un seul interlocuteur, de préférence une personne de confiance. Celle-ci s’efforcera de maintenir une distance suffisante pour ne pas menacer son espace vital, d’éliminer les sources potentielles de nuisances, à commencer par la télévision, et de s’exprimer calmement. L’hypersensibilité du patient nécessite d’éviter les attitudes autoritaires, les cris, les critiques, l’expression de la peur ou de la colère, et de privilégier les propos rassurants, empathiques et les conseils.

Mon enfant doit-il arrêter l’alcool et le cannabis ?

Le soulagement à court terme provoqué par ces substances incite souvent les patients à les utiliser comme automédication. Or elles précipitent le déclenchement de la maladie, des rechutes, et perturbent l’efficacité des traitements. Le cannabis aggrave notamment la plupart des symptômes, qu’ils soient positifs (hallucinations, angoisse, délire de persécution, etc.) ou négatifs (troubles de la mémoire, de la concentration, baisse d’initiative et de motivation, etc.) et constitue un facteur non négligeable de dépression. Il convient d’informer le patient sur l’ensemble des risques inhérents à la consommation de drogue et d’alcool, qu’ils soient spécifiques ou non de la maladie, de l’inciter à en parler à son psychiatre, qui pourra le renseigner et l’orienter vers les différents modes de prise en charge des addictions.

Revue PHARMA – No. 69 – Oct 2010