Vous avez dit « totalitarisme »?

Affaire Le MUR, Autisme, Considérations, Psychanalyse, Vidéo

Il s’agit actuellement du mot-clef le plus en vogue chez les défenseurs de la psychanalyse. Plus ces derniers se sentiront cernés, plus ils le brandiront au sein d’éléments de langage parfaitement calibrés pour l’accueillir. Se proclamer dernier garant d’une certaine forme d’humanisme, de la liberté de choix des « méthodes » ou encore du respect de la singularité du « sujet » revient à se considérer comme le dernier rempart face au totalitarisme, ceci incitant logiquement à considérer toute critique, toute opposition ou tout rejet comme relevant de ce même totalitarisme.

Les psychanalystes ont longtemps bénéficié (pour ne pas dire joui) d’une certaine immunité auprès des classes politique et scientifique, ce qui, conjugué à l’absence d’instance régulatrice, disciplinaire, centrale et spécifique (type conseil de l’ordre psychanalytique) a laissé libre cours à certaines dérives, notamment dans le champ de l’autisme. Le phénomène le plus stable et caractéristique de la nébuleuse psychanalytique reste la tendance à jeter le discrédit sur les différents groupes d’opposants. Les premiers à remettre en cause la discipline n’étaient ni les scientifiques, ni même les philosophes mais les patients. Il s’agit d’une population plutôt facile à discréditer : ils sont malades, souffrants, influençables, ne comprennent pas ce qui leur arrive et ne savent forcément pas ce qu’ils disent. Viennent ensuite les membres de l’entourage, notamment familial dont on a découvert qu’ils étaient également malades, influençables mais aussi toxiques, à commencer par les mères. Les scientifiques ont ensuite été répartis en deux catégories : les « scientistes » qui rejettent plus ou moins activement la psychanalyse guidés par des fantasmes totalitaires, et les autres qui ne savent pas vraiment ce qu’ils font mais dont certains (rares donc précieux) ont le mérite d’essayer de malaxer les progrès scientifiques pour les mettre en adéquation avec les bonnes vieilles théories freudiennes. Plus récemment, certains acteurs politiques se sont positionnés en défaveur de la psychanalyse : lorsque la critique vient de la droite, elle viendrait en réalité de l’extrême droite (totalitaire) tandis que les opposants de gauche sont considérés comme poursuivant naïvement ou lâchement la politique antérieure de droite (et donc d’extrême droite).

Voici les propos tenus récemment par un membre du gouvernement :

« En France depuis quarante ans, l’approche psychanalytique est partout et aujourd’hui elle concentre tous les moyens. Il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent et qui sont recommandées par la Haute Autorité à la Santé. […] N’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler. »

Le professionnel très certainement naïf et perverti que je suis les interprète ainsi : L’approche psychanalytique fonctionne de manière totalitaire depuis 40 ans. Le gouvernement rappelle que les recommandations officielles (Haute Autorité de Santé) doivent être respectées, ce qui implique, non pas d’éradiquer la psychanalyse, mais seulement de laisser la place à d’autres méthodes. Le gouvernement ne soutiendra financièrement que les établissements qui suivent ces recommandations.

Une bonne partie des professionnels visés les interprète ainsi : Le gouvernement impose l’éradication de nos méthodes « pluridisciplinaires » au profit d’une méthode « unique ». Le gouvernement s’appuie sur des experts qui n’en sont plus vraiment depuis qu’ils remettent en question « nos approches », probablement à cause de l’influence des associations de parents, de patients, de l’industrie pharmaceutique et des scientistes. Il s’agit d’ingérence et de totalitarisme, notamment car les patients ne pourront plus choisir ce qu’ils veulent (ou ce que nous voulons).

Pour ceux qui osent encore imaginer que la vérité se situe « entre les deux », et qu’il s’agirait finalement de remplacer un totalitarisme par un autre, le professionnel naïf et perverti que je suis vous propose d’écouter (et d’observer) une grande spécialiste de la prise en charge de l’autisme, une psychanalyste de pointe. L’association dont elle se réclame a déposé un recours contre les recommandations de la HAS en matière d’autisme qui rangent la psychanalyse au rayon des approches « non consensuelles ».

Plus le mouvement psychanalytique sera mis face à ses contradictions, ses limites, ses dérives, plus il mettra en avant ces thématiques messianique (sauvons l’humanisme) et persécutive (opposants totalitaires). La cause a beau prendre des proportions délirantes, elle n’en reste pas moins noble, mais je crains qu’à force de déceler le totalitarisme chez tous ses opposants, le mouvement psychanalytique ait fini par oublier de se préoccuper du sien. Or, paraît-il, certains psychanalystes s’en soucient…

Risque suicidaire à la sortie de l’hôpital

Consultation, Hospitalisation, Publications, Revues Pro

Le risque suicidaire est globalement élevé dans l’année qui suit une hospitalisation en psychiatrie mais il semble que la période la plus délicate à ce niveau se situe juste après la sortie, et notamment dans l’intervalle qui la sépare de la reprise des soins ambulatoires.

Une petite étude rétrospective anglaise publiée le 1er avril (sans poisson) compare 100 patients décédés par suicide dans les 15 premiers jours après l’hospitalisation à 100 patients sortis dans les mêmes conditions mais qui n’ont pas commis l’irréparable.

Les principaux types de passage à l’acte sont la pendaison, l’intoxication volontaire et la défenestration. Sur les 100 suicides, 55 sont survenus dans la première semaine suivant la sortie (13 le deuxième jour).

Les facteurs de risques identifiés sont :

  • âge > 40 ans
  • antécédents de passage à l’acte auto-agressifs ou suicidaires
  • début des troubles < 1 an
  • comorbidité psychiatrique
  • évènements de vie douloureux < 3 mois
  • hospitalisation < 1 semaine

Le meilleur facteur protecteur (psychiatrique) reste la reprise rapide d’un contact, en face à face ou par téléphone.

Les auteurs de l’étude mentionnent que les services hospitaliers devraient se révéler particulièrement soucieux des conditions de sortie après une courte hospitalisation. La présence de l’entourage est d’une importance capitale, mais la reprise rapide du suivi l’est également.

Harriet Bickley et al. Suicide Within Two Weeks of Discharge From Psychiatric Inpatient Care: A Case-Control Study. Psychiatric Services 2013

Les distorsions cognitives

TCC

Certaines pensées automatiques peuvent révéler des défaillances dans le traitement de l’information. Ces distorsions cognitives sont fréquemment associées à la dépression, à l’anxiété ainsi qu’à la plupart des troubles mentaux. Voici les dix plus courantes :

La pensée dichotomique : tout ou rien

Lorsque le raisonnement est privé de nuances, tout ce qui n’est pas une victoire devient une défaite, tout ce qui n’est pas sans risque devient dangereux, etc. Ce type de pensée se retrouve logiquement associé au perfectionnisme, aux sentiments dépressifs d’incapacité, de culpabilité, d’autodévalorisation mais également à certains traits de personnalités pathologiques.

« Si vous n’êtes pas avec moi, vous êtes contre moi »

« J’ai fait un écart, ça ne vaut plus la peine de continuer le régime »

« L’employeur ne m’a pas recruté, je ne suis pas fait pour ce boulot »

L’abstraction sélective : filtrage mental

D’un événement ou d’une expérience ne seront retenus que les détails les plus déplaisants. Ceux-ci viennent souvent confirmer une croyance négative préalable. Cette opération conduit la plupart du temps à une fixation et à des ruminations anxieuses, dépressives, obsédantes en rapport avec ces fameux détails.

« J’ai gâché mon RDV avec lui car en l’embrassant, je lui ai marché sur le pied »

« Mon exposé est raté, j’ai vu quelqu’un rire dans le public »

« Ce médecin a consulté le Vidal pendant la consultation, il n’est pas compétent »

La disqualification du positif : pas pour moi

Plus que d’un à priori négatif, il s’agit d’un rejet systématique du caractère positif d’un événement et de sa transformation neutre ou négative. Un événement négatif sera en revanche bien mérité. Ce genre de raisonnement constitue un puissant renforçateur de la dépression tant il a tendance à priver des conséquences positives de l’action.

« Oui j’ai eu mon diplôme cette année, mais c’est un coup de chance »

« Elle m’a fait un compliment sur ma cuisine, mais c’est parce qu’elle a pitié de moi »

« Le patron m’a offert une promotion mais c’est parce qu’il n’avait personne d’autre à qui la donner »

La surgénéralisation : toujours et partout

L’extrapolation peut devenir outrancière, notamment lorsqu’un ou quelques évènements négatifs suffisent à résumer l’ensemble des expériences et/ou des performances d’un individu. Cette surgénéralisation peut aussi bien concerner le passé, le présent ou l’avenir (verticale ou chronologique) qu’elle peut s’étendre à d’autres domaines plus ou moins en rapport avec l’événement.

« J’ai été licencié, j’ai toujours été incapable de garder un boulot »

« Aucune fille ne m’a invité à danser hier, et de toute façon personne ne s’intéresse à moi »

« Je suis encore tombé sur un homme marié, c’est sûr, je resterai seule toute ma vie »

L’étiquetage : jugement définitif

Coller sur soi ou les autres des étiquettes négatives procure volontiers des émotions toutes aussi négatives et contrarie parallèlement toute idée d’évolution positive. Cataloguer renforce notamment le sentiment d’incapacité et le désespoir caractéristiques de la dépression.

« J’ai oublié mon RDV, je ne suis pas quelqu’un de fiable »

« Il m’a doublé par la droite, c’est un chauffard! »

« Je me suis énervé contre lui, je ne sais pas garder mon sang froid »

L’inférence arbitraire : boule de cristal

Lorsque ce qui devrait rester une intuition devient une conviction, la conclusion se tire souvent trop hâtivement et sans preuve. Lire dans la pensée d’autrui ou prédire l’avenir restent deux pratiques divinatoires fréquemment associées à la souffrance émotionnelle et à la renonciation anxieuse ou dépressive.

« Ça ne sert à rien de lui demander une augmentation car si je la méritais, il me l’aurait donnée »

« Je ne serai jamais suffisamment solide pour pouvoir me passer des médicaments »

« Si elle ne m’a pas rappelé, c’est qu’elle n’a pas envie de me voir ».

La pensée catastrophique : pire du pire

Des scénarios désastreux peuvent se construire sur la base d’un simple incident sans gravité, et conduire à « s’en faire une montagne ». Assimiler ce qui devrait rester des pensées à des faits, toujours sans preuve, favorise l’escalade d’émotions négatives associées à ces prédictions funestes.

« Ma fille n’est toujours pas rentrée, elle a du se faire kidnapper, violer, assassiner… »

« J’ai laissé ma braguette ouverte toute la matinée, ils doivent tous se moquer de moi, ma réputation est fichue, je n’ai plus qu’à changer de boulot, à déménager, loin… »

« Ma femme rigole en lisant le SMS d’un collègue, elle me trompe, elle ne m’aime plus, nous allons devoir divorcer et je me retrouverai seul, personne ne voudra d’un cocu comme moi… »

Le raisonnement émotif : preuve par le sentiment

Lorsque l’importance accordée à une émotion devient excessive, celle-ci peut être assimilée à une véritable preuve, voire à un fait et aboutir à un jugement erroné. Les émotions fortes contrarient ainsi la prise en compte d’éléments contradictoires et donc l’analyse rationnelle d’une situation.

« S’il a réussi à m’énerver à ce point, c’est qu’il cherche les problèmes »

« Le patron m’a convoqué dans son bureau, je ne suis pas tranquille, il a certainement quelque chose à me reprocher »

« J’étais mal à l’aise au diner, je suis sûr qu’ils m’ont trouvé ridicule ».

La personnalisation : auto-flagellation

L’interprétation d’un événement peut conduire à surestimer sa responsabilité voire à la créer de toutes pièces, ceci favorisant logiquement l’émergence d’un sentiment de culpabilité. Ce phénomène se répète et s’intensifie au cours de la dépression jusqu’à parfois se sentir la cause de tous les malheurs du Monde.

« Mon fils a encore raté ses examens, je n’ai jamais réussi à lui donner le gout des études »

« Ma femme semble contrariée, j’ai forcément dit quelque chose de mal »

« Mon père fait une dépression, c’est de ma faute, je n’ai pas été à la hauteur de ses attentes »

Les fausses obligations : musturbation

Les règles fixées de façon arbitraire, les exigences rigides de soi-même ou des autres favorisent volontiers l’émergence de sentiments douloureux tels que la déception, la frustration, la culpabilité ou la colère. Les « je souhaiterais », « j’aurais préféré » laissent la place aux « je dois », « il faut ».

« Il faut toujours aider ses amis, je ne peux donc pas refuser de lui prêter de l’argent »

« Il est indispensable d’être apprécié de ses voisins, je ne dois donc pas leur faire de reproches quand ils font du bruit »

« Après tout ce que j’ai fait pour elle, comment ose-t-elle refuser de me confier sa voiture? »

Dépression résistante et TCC

Antidépresseurs, Revues Pro, TCC, Troubles de l'humeur

Les antidépresseurs se révèlent insuffisamment efficaces dans deux tiers des cas de dépression caractérisée. Le pronostic de ces patients peu ou pas aidés par le traitement médicamenteux demeure globalement médiocre et souvent lié à la pertinence de mesures complémentaires mises en place par eux-mêmes ou leur médecin. La « cuisine » médicamenteuse (changement, ajout d’un second antidépresseur ou d’un stabilisateur de l’humeur) peut satisfaire autant qu’elle peut exposer à davantage d’effets secondaires voire à des escalades plus ou moins hasardeuses. La psychothérapie est souvent brandie comme la grande mesure noble et salvatrice qui permettra au patient de se libérer de ses vieux démons, et de guérir, s’il le veut bien. Étrangement, cette vision très caricaturale est aussi bien présente chez les professionnels que chez les patients et leur entourage. Dans notre beau pays, la psychothérapie est majoritairement imprégnée par la psychanalyse dont les principes entretiennent cette pensée magique. Les patients s’engouffrent alors dans un puits sans fond à la recherche d’une révélation, d’un « déclic », d’un traumatisme ignoré, oublié ou refoulé qui pourrait expliquer d’une manière ou d’une autre leur souffrance actuelle. Certains se lassent, d’autres persistent et finissent parfois par aller mieux (la dépression peut aussi évoluer spontanément vers la rémission). D’autres encore s’orientent vers une thérapie cognitive et comportementale (TCC), davantage axée sur le présent, l’avenir et la recherche active de solutions. Cette méthode n’est certainement pas miraculeuse mais ses représentants ont au moins la décence d’évaluer leur efficacité selon les principes de la médecine basée sur les preuves.

Une étude récemment publiée dans le prestigieux Lancet évalue l’efficacité de la TCC en complément d’un traitement antidépresseur insuffisamment ou non efficace.

Les 469 participants à cette étude présentent un épisode dépressif sévère (28%), modéré (58%) ou léger (14%) qui ne s’inscrit pas dans l’évolution d’un trouble bipolaire, d’une schizophrénie ou d’un abus de substances. Ils bénéficient tous d’un traitement antidépresseur depuis au moins 6 semaines et sont répartis aléatoirement dans deux groupes : le premier est dédié à la prise en charge classique ou habituelle, au second y sont ajoutées entre 12 et 18 heures de TCC.

Les résultats sont plutôt encourageants :

  • À 6 mois, 46% des patients du groupe TCC sont répondeurs (disparition de plus de la moitié des symptômes dépressifs) contre 22% dans l’autre groupe.
  • À 1 an, 55% des patients du groupe TCC sont répondeurs contre 31%.

Si de plus en plus de professionnels se forment aux TCC, il reste encore extrêmement difficile d’en bénéficier, même en région parisienne. Mieux vaut être riche et/ou savoir attendre. Les psychiatres ne disposent souvent pas du temps nécessaire pour une activité purement psychothérapeutique. Lorsque c’est le cas, il faut choisir entre des tarifs souvent très dissuasifs en libéral et des délais d’attente intolérables dans les établissements publics, qu’il s’agisse de psychiatres ou de psychologues. La psychiatrie publique sectorielle, hospitalière ou ambulatoire, toujours très imprégnée de psychanalyse, contrarie l’ouverture à d’autres courants. L’offre de soin de la plupart des centres médico-psychologiques (CMP) reste ainsi globalement verrouillée sur l’orientation psychanalytique, au détriment des patients.


Wiles N and al. Cognitive behavioural therapy as an adjunct to pharmacotherapy for primary care based patients with treatment resistant depression: results of the CoBalT randomised controlled trial. The Lancet, Feb 2013. Vol. 381(9864): 375-84. Published Online: 7 December 2012

Le trouble bipolaire

Neuroleptiques, Prise en charge, Stabilisateurs de l'humeur, Troubles de l'humeur

Fréquent, le trouble bipolaire concerne environ 1 % de la population (jusqu’à 10 % pour les formes mineures) et de 10 à 15 % des consultations en psychiatrie. Cette pathologie est également invalidante, au point de se révéler la sixième cause de handicap dans le monde entre 15 et 44 ans. La surmortalité associée au trouble bipolaire est due non seulement au suicide, mais également à l’abus d’alcool et de drogues, et enfin à certaines pathologies somatiques associées et volontiers iatro-gènes (obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires).

L’âge de début se situe entre 17 et 27 ans, mais le délai moyen entre les premières manifestations et la mise en place d’un traitement adapté est proche de dix ans. Un patient consulte en moyenne trois médecins différents avant que le diagnostic soit posé, ce qui s’avère déplorable compte tenu du risque suicidaire et des complications psychosociales.

Manie, dépression, mais pas seulement

Auparavant, la psychose maniaco-dépressive concernait l’ensemble des troubles de l’humeur à caractère cyclique. Depuis une cinquantaine d’années, les troubles bipolaires, distingués des épisodes dépressifs récurrents (troubles unipolaires), sont grossièrement définis par la répétition ou l’alternance d’épisodes dépressifs, maniaques, hypomaniaques ou mixtes, séparés par des intervalles plus ou moins sains.

– L’épisode dépressif se caractérise par une tristesse et une anxiété accompagnées de ruminations douloureuses, marquées par des idées d’incapacité, d’inutilité, de culpabilité, voire d’incurabilité, le tout associé à un ralentissement idéique (atteinte notamment des capacités de mémoire et de concentration) et moteur, ainsi qu’à des perturbations du sommeil et de l’appétit.

– L’épisode maniaque associe une hyperréactivité et une instabilité émotionnelle caractérisée par des oscillations rapides et marquées entre euphorie, irritabilité, anxiété et tristesse, le tout accompagné d’une réduction des besoins de sommeil, d’une mégalomanie, d’une désinhibition et d’une nette accélération des processus idéo-moteurs jusqu’à l’hyperactivité stérile et des projets ou comportements inconsidérés.

– L’épisode hypomaniaque représente une forme atténuée de manie caractérisée par une intensité moindre, une durée inférieure, l’absence d’idées délirantes et le moindre retentissement socioprofessionnel.

– L’épisode mixte est défini par la présence simultanée ou l’alternance ultra-rapide de symptômes maniaques, hypomaniaques et dépressifs.

Diagnostic des différents types

Le diagnostic du trouble bipolaire reste clinique. Il sera porté dès la survenue d’un épisode maniaque (type 1), en cas de survenue d’au moins un épisode hypomaniaque chez un patient ayant auparavant présenté des épisodes dépressifs (type 2), ainsi qu’en cas de récurrence d’épisodes dépressifs associés à des antécédents familiaux de troubles bipolaires ou à un virage de l’humeur induit par un antidépresseur (type 3). Les cycles rapides sont définis par la présence d’au moins quatre épisodes thymiques lors des douze derniers mois.

Il existe également des formes atténuées comme la cyclothymie (alternance de symptômes dépressifs et hypomaniaques qui ne peuvent répondre aux critères d’un épisode caractérisé) et des formes « frontières » comme le trouble schizo-bipolaire, dont les manifestations évoquent une position intermédiaire entre trouble bipolaire et schizophrénie.

Traitements stabilisateurs de l’humeur

Lors des accès, la prise en charge vise à réduire l’intensité des symptômes et à prévenir les complications à court terme : suicide, troubles du comportement et conduites à risque, notamment les dépenses inconsidérées qui nécessitent la mise en place de mesures de protection des biens, de type sauvegarde de justice. Dans un second temps, l’objectif demeure la stabilisation de l’humeur et la prévention des rechutes, tout en tentant de préserver au maximum le bon fonctionnement du patient dans les sphères sociale, professionnelle et familiale, ceci sans négliger le dépistage et le traitement des comorbidités médico-psychiatriques. Il appartient au médecin traitant ou au psychiatre de coordonner les professionnels concernés et d’impliquer au mieux l’entourage du patient dans cette prise en charge.

Le traitement médicamenteux des accès maniaques et mixtes repose en première intention sur les sels de lithium, le divalproate de sodium et certains antipsychotiques atypiques en privilégiant la monothérapie. En seconde intention peuvent être envisagés d’autres anticonvulsivants (carbamazépine, valpromide ou oxycarbazépine), les neuroleptiques classiques ou d’autres antipsychotiques atypiques (amisulpride ou clozapine). En cas d’épisode dépressif, les antidépresseurs peuvent être utilisés en association au traitement régulateur de l’humeur, mais avec précaution en raison des risques suicidaires et de virage maniaque qui rendent nécessaire la mise en place d’une surveillance étroite.

La prévention des rechutes repose en premier lieu sur les sels de lithium, le divalproate de sodium et le valpromide, puis en seconde intention sur d’autres anticonvulsivants et certains antipsychotiques atypiques ou conventionnels.

Les médications à visées anxiolytiques ou hypnotiques peuvent se révéler nécessaires, notamment lors des accès, mais leur prescription doit rester limitée dans le temps. Certaines spécialités sont également employées pour lutter contre les effets secondaires, à commencer par les anticholinergiques pour les symptômes extrapyramidaux liés aux neuroleptiques, mais également les correcteurs de la sialorrhée, du transit, de l’hypotension orthostatique, ainsi que certaines molécules indiquées dans les dysfonctions érectiles.

Mesures non médicamenteuses

Les traitements et mesures non médicamenteuses demeurent pour certains incontournables, y compris lors des épisodes aigus, notamment l’hospitalisation qui s’impose en cas de risque suicidaire élevé, de troubles du comportement majeurs, d’un accès sévère ou résistant au traitement, de la nécessité d’une réévaluation diagnostique ou thérapeutique, de comorbidités complexes, d’une situation d’isolement ou encore d’absence de soutien socio-familial adapté. Les soins sous contrainte sont mis en place dans le cas où le patient ne peut y consentir du fait de ses troubles, tout en constituant un danger pour lui-même, pour les autres ou pour l’ordre public.

Le recours à l’électroconvulsivothérapie (ECT ou sismothérapie) est indiqué lorsque le pronostic vital est mis en jeu à court terme en cas d’accès sévère, catatonique, prolongé ou réfractaire aux médicaments, ou lorsque ces derniers sont contre-indiqués.

Dans un second temps, la psychoéducation (autrement nommée éducation thérapeutique du patient) tient une place centrale dans la prise en charge. Elle consiste à informer le patient de manière structurée et personnalisée sur le trouble et les médicaments, à développer sa capacité à détecter les signes précurseurs d’une rechute, notamment par une auto-surveillance, et à encourager un aménagement de son mode de vie : limiter des facteurs de stress, améliorer leur gestion, favoriser l’arrêt des consommations de substances psychoactives, pratiquer une activité physique, favoriser un sommeil suffisant et régulier ou encore lutter contre la désocialisation.

La psychothérapie de soutien, effectuée par le psychiatre ou le médecin traitant, doit être associée au traitement médicamenteux sans pour autant s’y substituer. Il s’agit d’un suivi régulier de l’état clinique, de l’observance, d’une aide à la gestion des symptômes résiduels ou à l’identification des signes de rechute. D’autres psychothérapies plus structurées peuvent également être entreprises, notamment les thérapies cognitives et comportementales (TCC), qui contribuent à la prévention des rechutes et à l’alliance thérapeutique avec le prescripteur.

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Revue PHARMA – No. 94 – Septembre 2012