Risque suicidaire à la sortie de l’hôpital

Consultation, Hospitalisation, Publications, Revues Pro

Le risque suicidaire est globalement élevé dans l’année qui suit une hospitalisation en psychiatrie mais il semble que la période la plus délicate à ce niveau se situe juste après la sortie, et notamment dans l’intervalle qui la sépare de la reprise des soins ambulatoires.

Une petite étude rétrospective anglaise publiée le 1er avril (sans poisson) compare 100 patients décédés par suicide dans les 15 premiers jours après l’hospitalisation à 100 patients sortis dans les mêmes conditions mais qui n’ont pas commis l’irréparable.

Les principaux types de passage à l’acte sont la pendaison, l’intoxication volontaire et la défenestration. Sur les 100 suicides, 55 sont survenus dans la première semaine suivant la sortie (13 le deuxième jour).

Les facteurs de risques identifiés sont :

  • âge > 40 ans
  • antécédents de passage à l’acte auto-agressifs ou suicidaires
  • début des troubles < 1 an
  • comorbidité psychiatrique
  • évènements de vie douloureux < 3 mois
  • hospitalisation < 1 semaine

Le meilleur facteur protecteur (psychiatrique) reste la reprise rapide d’un contact, en face à face ou par téléphone.

Les auteurs de l’étude mentionnent que les services hospitaliers devraient se révéler particulièrement soucieux des conditions de sortie après une courte hospitalisation. La présence de l’entourage est d’une importance capitale, mais la reprise rapide du suivi l’est également.

Harriet Bickley et al. Suicide Within Two Weeks of Discharge From Psychiatric Inpatient Care: A Case-Control Study. Psychiatric Services 2013

13 réflexions sur “Risque suicidaire à la sortie de l’hôpital

    1. Cette étude n’évalue pas le taux de suicide à la sortie de l’hôpital. Elle réunit les données concernant 100 patients suicidés dans les 15 jours qui suivent la sortie à 100 patients contrôle sortis dans les mêmes conditions.
      Le but est plus d’essayer de trouver des moyens de limiter le risque que de chercher des causes à ce risque.
      Ces causes sont certainement nombreuses. J’imagine que la dissociation souvent importante entre les soins hospitaliers et les soins ambulatoires y est pour quelque chose. Le retour à un certain isolement aussi. L’arrêt brutal du traitement à la sortie pourrait également être impliqué, un arrêt souvent lié aux effets secondaires…

  1. Les patients « suicidés » sont protégés d’eux même lorsqu’ils sont hospitalisés. La sortie est vécue comme un retour à la réalité, leur réalité, et l’abandon. La solitude, leurs souffrances atteignent un summum insupportable alors qu’ils en étaient protégés lors de l’hospitalisation. Celle ci leur permettait même d’oublier, d’être rassuré et de ne plus être seuls. L’entourage est très important, pas évident pour des proches de prendre en charge un « suicidé ». Peut être serait il judicieux de prévoir quelques séances de thérapie systémique avant la sortie…

    1. Oui pourquoi pas… Votre vision de l’hôpital psychiatrique est très positive. J’ai quand même dans l’idée que certains patients ne sont pas si bien à l’hôpital, et qu’ils sortent pour le fuir, sans aller vraiment mieux.

  2. Bonjour Igor,

    Mon intervention est un peu hors sujet mais je voudrais avoir votre avis sur une forme de traitement de divers troubles psychiatriques qui parait prometteuse et qui commence à être utilisée à l’étranger mais pas beaucoup en France, à ma connaissance. Il s’agit du neurofeedback qui consiste à permettre au patient d’avoir accès à l’activité interne du cerveau par l’intermédiaire d’un électro encéphalogramme ou d’une IRM et de « visualiser » l’effet de ses efforts pour moduler certaines activités du cerveau. Cela s’est montré efficace dans le traitement de la douleur chronique et dans le cas des hallucinations auditives. Les patients sont en mesure de « contrôler » leur activité cérébrale et de réduire ou de supprimer les symptômes. Les chercheurs évoquent la plasticité cérébrale et montrent que des connexions nouvelles sont créées ou des régions du cerveau renforcées. On trouve plein de citations d’études en tapant « neurofeedback schizophrenia » sur google, en anglais, malheureusement.

    J’ai lu il y a quelques temps qu’une étude avait été entreprise dans un hôpital de Marseille mais je n’ai pas d’autres informations. Cette méthode est largement connue, notamment aux USA, au Royaume Uni et en Allemagne. Pensez-vous que les conditions sont remplies pour qu’elle soit diffusée en France et par quels moyens ?

    Les maladies mentales et particulièrement la schizophrénie sont souvent considérées comme incurables, ce qui est à mon avis une grossière erreur, et on montre qu’avec cette méthode on peut obtenir des résultats encourageants et durables. Je cite notamment un article :

    http://schizophreniabulletin.oxfordjournals.org/content/early/2012/02/09/schbul.sbs006

    1. Oui c’est très prometteur effectivement, et ça devrait se développer en France avec un certain retard par rapport aux pays anglo-saxons, comme les TCC. La psychiatrie française reste très imprégnée de psychanalyse…

  3. Bonjour,

    Ce que j’écris par la suite n’est en aucune sorte une vérité générale, c’est mon sentiment en temps qu' »ancienne » patiente en psychiatrie, aux sorties difficiles.

    A mon sens, il y a plusieurs difficultés qui interviennent dans la semaine qui suit l’hospitalisation:
    – La brutalité de la sortie (que le « choix » vienne du patient ou du corps médical).
    – L’isolement / le manque de soutien / le fait que le patient soit livré à lui même dans son quotidien. (le manque de lien autour de la sortie avec l’entourage)
    – Le manque de projet à court et long terme mis en place et au(x)quel(s) le patient pourrait tenter de s’accrocher.
    – Le manque d’évaluation autour de la prise de traitement post-hospitalisation (gérer seul les médicaments, par un proche, par le CMP…)
    – Le fait de retrouver le même environnement, le même lieu sans qu’il y ait eut un travail de fait sur cet espace avant.
    – Le manque d’autonomie à l’hôpital pouvant favoriser une incapacité à s’occuper de soi seul une fois sorti.
    – Le manque de suivi psychologique à la sortie

    Il y a aussi à mon sens des éléments qui peuvent améliorer les conditions de vie juste après la sortie de l’hôpital:
    – La délicatesse de la sortie (un jour à l’hôpital, un jour au domicile / essayer des nuits au domicile avant la sortie définitive / faire une sorte d’hôpital de nuit ou de jour),bref sortir par étapes, progressivement (cela dépendant bien sûr de la durée du séjour…).
    – S’assurer qu’il y ait un lien avec l’entourage à la sortie, sinon proposer des visites ou des appels dans les temps qui suivent la sortie.
    – Trouver avant la sortie des projets qui font envie, du moins un peu, pourquoi pas en lien avec d’autre personnes.
    – Savoir si le patient arrivera à prendre le traitement correctement tout seul ou pas, si ce traitement ne cause pas trop d’effets secondaires qui pourraient entraîner l’arrêt, si il n’y a pas des antécédents de prise anarchique du traitement… Mettre en place des stratégies avec l’entourage, patient et corps médical.
    – S’assurer de la viabilité du domicile ou du lieu où se trouvera le patient après l’hospitalisation, de son agréabilité….( être accompagné d’un infirmier ou autre au domicile et regarder ensemble les éléments à changer ou qui peuvent mettre en difficulté ou qui peuvent améliorer le quotidien)
    – Demander au patient de s’occuper quand c’est possible de faire les tâches qu’il peut en étant à l’hôpital, et évaluer avec lui celles qu’il devra faire une fois au domicile, ce qu’il se sent capable de faire ou pas, pour éviter qu’il ne se sente débordé. Eventuellement faire une demande pour une aide domicile dans les premiers temps de la sortie en soutien.
    – S’assurer qu’il y ait un suivi psychologique/ psychiatrique à la sortie, le mettre en place pendant l’hospitalisation si il n’existe pas déjà, afin que les présentations soient faites, et s’assurer qu’il y ait un minimum d’entente afin de minimiser les chances d’arrêt du suivi. Proposer des groupes de parole, ou des numéros d’écoute, des associations… Tout ce qui peut apporter un soutient psy et qui laisse la possibilité de s’adresser à quelqu’un d’autre qu’au psy référent avec qui ça ne se passe pas systématiquement bien.

    Voici mes idées.
    Faites-en donc ce que vous voudrez!

    Bonne journée!

    1. Merci pour votre contribution, et pour ces suggestions dont certaines sont appliquées mais, hélas, pas systématiquement.
      Elle ne demandent pourtant pas des moyens extraordinaires, même si détacher des soignants des structures hospitalières ou ambulatoires n’est pas toujours évident, et souvent dissuadé par la crainte d’une intrusion « excessive » dans la vie des patients.

  4. Bonjour à tous,
    toute nouvelle dans votre groupe, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt les échanges précédents. La souffrance psychique se situant au coeur de ma pratique professionnelle, j’ai eu maintes fois l’occasion de réfléchir à la problématique du risque suicidaire.
    En effet, la sortie de l’établissement de soins est un espace temps à haut risque de récidive. La brusque rupture avec l’institution protectrice, l’isolement brutal dans lequel est projeté la personne, l’absence de liens sociaux, l’apragmatisme et l’incapacité à envisager ne serait-ce que l’esquisse d’un but à atteindre, l’éloignement temporel du prochain rendez-vous psychiatrique sont autant de facteurs qui contribuent au désarroi, voire au désespoir de la personne.
    Les suggestions avancées par Bhada Bhoum sont parfaitement recevables et contribueraient grandement à atténuer le risque suicidaire post hospitalier. Malheureusement, si les moyens semblent relever du simple bon sens, ils se révèlent difficiles à mettre en pratique.
    D’abord, comme le fait remarquer Igor, détacher des personnels soignants des secteurs psychiatriques n’est certainement pas évident, pour ne pas dire inenvisageable. Leur mission est déjà extrêmement lourde sur le versant sanitaire et une fois la porte de l’hôpital passée c’est à la société de prendre en charge.
    Ensuite, la sortie par étape est certes une bonne idée, mais elle ne tient pas compte du manque de lits dans l’hôpital. Il n’y en a plus assez, et les praticiens sont bien obligés de « hiérarchisé » (quel horrible mot dans ce contexte), la gravité des cas.
    Pour ce qui concerne le lien avec l’entourage, tout dépend du secteur psychiatrique qui prend en charge la personne. Certains psychiatres feront le lien avec la famille, d’autres y sont opposés. Dans ce dernier cas, les familles, complètement désorientées et encore choquées par ce que leur proche s’est infligé, ne savent pas comment agir. Certaines vont surprotéger la personne et d’autres la rejeter, aggravant encore de ce fait, la souffrance et le sentiment de solitude ressentis par celle-ci ; car, n’oublions pas que dans notre société les troubles psychiques sont encore assimilés par certains public à la folie et donc hautement stigmatisant.
    Enfin, pour revenir à ce qui concerne la viabilité du domicile, la reconstruction du lien social, et le suivi psychologique, l’ancien patient va être confronté à ce qui ressemble fort à un parcours du combattant (gardons à l’esprit qu’il a à peu près autant de force qu’un oisillon tombé du nid).
    Alors certes, quelques solutions existent. Elles s’inscrivent dans une dimension bio-psycho-sociale.
    Il faut des médicaments, ils sont nécessaires. Parfois pour un laps de temps plus ou moins court, parfois à vie. Tout dépend de l’état de santé de la personne qui a tenté de se suicider. Il est nécessaire que le cerveau s’autorégule et que la circulation des neuromédiateurs s’effectue convenablement. Pour ce faire, le suivi psychiatrique est nécessaire et une nouvelle difficulté apparaît. La France a de moins en moins de psychiatres. Les numérus clausus ayant été réduits à une certaine époque dans les facultés de médecine, notre pays compte de moins en moins de praticiens alors que le nombre de personnes en situation de fragilité augmente. Osons espérer que les pouvoirs publics s’en soient aperçu. C’est presque certain mais probablement pas prioritaire . Quant aux psychologues, leurs consultations ne sont pas remboursées.
    Bienheureux sont donc les personnes ayant la possibilité d’être suivies par un psychiatre. Encore faut-il que celui-ci ait le temps de parler, ce qui n’est pas évident compte tenu du nombre de personnes qui se pressent dans les salles d’attente des médecins libéraux ou des Centre Médico Psychologique. Un généraliste peut prescrire des médicaments mais tous ne s’intéressent pas à la psychiatrie…
    Après avoir assuré le bio et le psycho, comment une personne en souffrance peut-elle renouer du lien social? Où peut elle trouver des personnes douées d’empathie, cette disposition mentale de se mettre à la place d’autrui pour comprendre ses émotions sans pour autant les partager. Comment peut-elle trouver le moyen d’interagir avec l’Autre ? D’exprimer cette souffrance à quelqu’un susceptible de l’entendre et de la comprendre ?
    Dans des structures sociales que peu de personnes, y compris les professionnels du médico-social connaissent : les G.E.M. (acronyme de Groupe d’Entraide Mutuelle).
    Ces unités sont relativement récentes puisqu’elles prennent leur source légale dans la loi n°2005-102 du 11 février 2005 (décret d’application du 29 août de la même année). Ce sont des outils d’insertion dans la cité, de lutte contre l’isolement et de prévention de l’exclusion sociale pour des publics en situation de grande fragilité psychique. Très brièvement, les GEM accueillent les personnes dans un espace convivial, déclenchent et accroissent l’entraide entre les participants, organisent des activités avec les usagers; aident à reconstruire l’image de soi, à maintenir les liens sociaux.
    Des études ont montré que les GEM sont un moyen de prévention du suicide (le taux de T.S. est plus bas dans les villes où sont implantées ces structures). Pour plus de renseignements il suffit de taper GEM sur Google;
    J’ai beaucoup écrit. C’est peut être l’effet  » première intervention » Mais la prévention du suicide fait partie de mon quotidien et j’avais envie de m’exprimer.

    Très cordialement

    1. Oui vous écrivez beaucoup pour une première intervention mais je trouve ça tout à fait pertinent. N’hésitez pas à renouveler l’expérience. On ne pense pas assez aux GEM je trouve… Merci de le rappeler!

  5. Bonjour,

    Je suis contente qu’il y ait des retours sur ce sujet, merci.

    J’entends bien le manque de moyen,
    j’en ai été témoin à plusieurs reprises.

    Donc j’exprimais juste mes constatations et mes suggestions.
    Je sais que tout n’est pas toujours possible.
    Je tenais à dire ce qui me semble important et faisable.

    J’ai aussi pu constater que les mesures ne sont pas toujours misent en place,
    malgré parfois un nombre de soignants suffisant.
    Il me semble que certains d’entre-eux faisaient le minimum sans s’investir réellement.
    Je peux imaginer la lassitude, le raz-le-bol, la flemme, la fatigue, la baisse de motivation.
    Simplement, j’ai l’impression qu’un accompagnement plus poussé et minutieux permettrait davantage une vraie sortie dans de meilleures conditions, et de diminuer les retours incessants dans le service causés par les échecs des sorties. (et pourquoi pas en même temps diminuer les frais de la sécu et la démotivation de ssoignants en ayant marre de revoir les mêmes têtes ).

    J’ai l’impression que les médicaments ne sont pas toujours nécessaires.
    Ou du moins qu’ils sont à tester et à doser très précisément.
    Dans mon cas je n’ai pas encore trouvé de traitement qui me convienne,
    c’est donc plus facilement supportable de ne pas avoir de traitement (donc pas d’effets secondaires), que d’être médicamentée, de ne pas me sentir mieux, avec les effets secondaires en ajout.
    Et je ne nie pas l’importance des traitements, ils sont souvent nécessaires et soulagent, aident. Seulement, il arrive que des soignants se limitent à délivrer le traitement sans se préoccuper du suivi psychologique en parallèle.

    Bref, il me semble que la préparation de la sortie et l’après sortie sont des moments très importants à prendre davantage en compte. J’ai pu observer que mes sorties mal préparées ont toutes donné des suites assez chaotiques (isolement, pas de reprise d’activité, arrêt des traitements, pas de suivi psy). Alors que les sorties mieux préparées ont, pour la plupart, permis une suite plus vivable avec un retour dans le monde extérieur moins compliqué.
    Ça vaut donc le coup (à fond!), de préparer les sorties. Sans grands moyens, juste avec du bon sens.

    Et merci pour la transmission d’information concernant les GEM.
    (Après plusieurs années passées en psychiatrie dans différents services, personne ne m’a jamais parlé des GEM.)
    Quelle découverte! J’en ai expérimenté un dès le lendemain, ce fut un bon moment.

    Mon intervention ne fait pas vraiment avancer la discussion et reprend finalement beaucoup les propos évoqués précédemment.
    Mes excuses par avance pour le pavé sans grand intérêt.

    Voilààà.

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