Choisir un antidépresseur en 2018

Antidépresseurs, Troubles de l'humeur

J’ai été très récemment invité à réagir à l’effort de vulgarisation d’un confrère neurologue. Sa conception de la dépression (et des antidépresseurs) est critiquable mais elle a le mérite d’exister et d’être désormais accessible au grand public. Il est bien regrettable que les psychiatres ne s’expriment pas davantage sur leur façon de soigner et c’est dans cette idée que je propose ici ma vision des choses. Elle est assez simpliste car principalement basée sur ma simple expérience et donc toute aussi critiquable. En espérant qu’elle puisse encourager des confrères et collègues à s’exprimer à leur tour au-delà de quelques tweets.

Méditer gratuitement ?

Internet, TCC

Atteindre régulièrement la « pleine conscience » reste une manière plutôt saine de réduire les effets néfastes du stress et de lutter contre la dépression. Moins saine est la façon dont certains cherchent à rentabiliser cette méthode sans forcément pouvoir garantir la qualité de ce qu’il vendent. Au milieu de ces stages et autres abonnements, il est encore possible de parvenir à méditer gratuitement dans de bonnes conditions.

Pourquoi suis-je malade Docteur ?

Livres, Troubles psy

Si établir un diagnostic en psychiatrie s’avère parfois difficile, l’annoncer ne l’est pas moins, notamment car ceci conduit presque inévitablement à aborder des notions de causalité. La recherche scientifique avance, trop pour certains, pas assez pour d’autres, mais il serait encore présomptueux d’affirmer à un patient que l’on sait précisément pourquoi il est malade. Il n’est pas forcément plus judicieux de répondre que l’on ne sait pas, et encore moins d’éviter la question ou de la renvoyer au patient (ex. la réponse est en vous).

On ne sait pas tout de cette causalité complexe, mais on ne sait pas rien non plus. L’hypothèse la plus probable à ce jour est celle du modèle stress-diathèse qui envisage la maladie mentale comme le résultat d’une interaction entre gènes et environnement. Un gène ne suffit pas, et plusieurs gènes ne suffisent pas toujours à traduire la vulnérabilité en maladie. Les ingrédients supplémentaires et nécessaires sont en général qualifiés de stress environnementaux regroupent des facteurs aussi variés que certains agents biologiques (virus, toxines etc.) ou des événement de vie (expériences difficiles, pas toujours négatives d’ailleurs). Cet impact du stress sur une fragilité génétique complexe aboutirait ainsi à l’émergence des symptômes de la maladie.

L’une des meilleures façons d’expliquer ce phénomène réside dans l’analogie du pont suspendu, une idée judicieuse que j’emprunte à Stephen M. Stahl dans son excellent ouvrage Psychopharmacologie essentielle :

Le poids de la génétique n’est certainement pas le même pour toutes les maladies : très important pour l’autisme ou la schizophrénie, beaucoup moins pour l’état de stress post-traumatique dans lequel l’environnement jour évidemment un rôle hautement plus décisif.

Ce modèle stress-diathèse n’est pas des plus glamours ni forcément facile à appréhender mais les patients gagneraient certainement à en être bien informés. Cette hypothèse a le mérite d’être au combien plus probable que d’autres qui consistent à tout mettre sur le dos d’un gène, d’une mère, d’une société ou encore d’un traumatisme prétendu oublié.

Un marqueur sanguin de vulnérabilité à la dépression

Revues Pro, Troubles de l'humeur

La publication récente des travaux de cette équipe française dans le Journal of Neuroscience me donne l’occasion d’aborder cette découverte capitale. Si ce marqueur d’un « phénotype » dépressif ne signe pas encore la victoire de l’Homme sur la dépression (d’autant plus que l’étude concerne des rongeurs), ce témoin sanguin de vulnérabilité permettra probablement d’anticiper et donc d’améliorer la prise en charge d’une maladie récidivante et très invalidante.

Voici le communiqué de presse :

Dépression : un marqueur sanguin pour détecter la prédisposition

Paris, le 15 septembre 2011. Lorsque des rats sont soumis à un stress intense, seuls ceux présentant une altération durable de la structure des neurones dans certaines régions du cerveau développent des symptômes dépressifs à la suite d’un nouvel épisode stressant. Ce résultat vient d’être mis en évidence par l’équipe, dirigée par Jean-Jacques Benoliel du Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (UPMC Inserm U975 CNRS) à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Leur étude a également permis de caractériser chez le rat un marqueur biologique fiable permettant de détecter la vulnérabilité à la dépression.

Ces résultats viennent d’être publiés dans The Journal of Neuroscience. Ils ouvrent denouvelles perspectives pour reconnaître et prévenir la prédisposition à la dépressiondans une population à risque.

La prédisposition à la dépression peut être d’origine génétique ou acquise, commepar exemple à la suite d’un stress intense (perte d’un proche, divorce) ou d’un stresscontinu (sur le lieu de travail par exemple). Chez certains sujets, ce n’est qu’à la suited’un autre épisode stressant (même peu intense) que la dépression peut sedéclencher. Ainsi, le premier stress laisserait une trace dans le cerveau, en modifiantles réseaux de neurones de façon durable. Ces individus sont considérés à risque,c’est-à dire qu’ils présentent une forte probabilité de développer une dépressionsuite à un autre stress.

Parvenir à reconnaître ces populations à risque nécessite de caractériser lavulnérabilité à la dépression. Pour l’étudier, l’équipe de Jean-Jacques Benoliel s’estappuyée sur un modèle reproduisant un stress social intense chez le rat. Ceprotocole induit une modification de la structure des neurones de certaines régionsdu cerveau, en particulier dans l’hippocampe, une zone impliquée dans denombreux processus d’apprentissage et de mémorisation. En même temps, le tauxde BDNF, une molécule impliquée dans la croissance des cellules, était fortementdiminué dans cette région mais également dans le sang.

Après quelques semaines, la moitié des animaux stressés avaient retrouvé leur état normal, tandis que l’autre moitié avait conservé les modifications neuronales et un faible taux de BDNF. A la suite d’un nouveau stress de plus faible intensité, les symptômes dépressifs ne sont apparus que chez ce second groupe, l’identifiant comme population vulnérable. Les chercheurs ont alors caractérisé la mesure du taux de BDNF dans le sang comme marqueur biologique de la prédisposition à la dépression.

Cette étude ouvre de nouvelles perspectives visant à identifier au sein d’une population à risque les sujets prédisposés à développer une dépression. L’objectif est de permettre une thérapie, pharmacologique et/ou comportementale, précoce visant à prévenir le développement de la maladie.

Références de la publication : The Journal of Neuroscience, September 7, 2011 Vulnerability to Depression : From Brain Neuroplasticity to Identification of Biomarkers

http://www.jneurosci.org/content/31/36/12889.full.pdf+html

Aurélie Blugeot,1,2,3*, Cyril Rivat,1,2,3*, Elodie Bouvier,1,2,3, Jenny Molet,1,2.3, Amandine Mouchard,1,2,3, Brigitte Zeau,1,2,3, Christophe Bernard,4, Jean-Jacques Benoliel,1,2,3,5, and Chrystel Becker1,2,3,6.

1 Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, UMRS 975, Pain Team, Site Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris. 2 Inserm, U 975, 75013 Paris. 3 CNRS, UMR 7225, 75013 Paris. 4 Inserm, U 751, 13385 Marseille. 5 Service de Biochimie Endocrinienne et Oncologique, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris. 6 Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Faculté de Médecine, 75006 Paris.

Contact chercheur : Jean-Jacques Benoliel 01. 40. 77. 96. 57. jean-jacques.benoliel@upmc.fr

Contact presse UPMC : Claire de Thoisy-Méchin 01. 44. 27. 23. 34. – 06. 74. 03. 40. 19. claire.de_thoisymechin@upmc.fr

Antidépresseurs ou engrais pour neurones

Antidépresseurs, Revues Pro, Troubles de l'humeur

Il s’agit dans cette étude des effets de la dépression sur la production des neurones et du rôle des antidépresseurs à ce niveau. Nous savions que la dépression est associée à une perte de ces fameux neurones et nous savions également, grâce à plusieurs études (elles aussi disponibles), que ces médicaments augmentaient la neurogénèse (production de nouveaux neurones) chez l’animal. Encore restait-il à vérifier ce phénomène chez l’Homme et à en comprendre les mécanismes. Les chercheurs ont donc étudié des cellules souches (destinées à se transformer soit en neurones, soit en d’autres types de cellules) d’une région cérébrale particulièrement atteinte dans la dépression (l’hippocampe) et constaté les mêmes effets. L’administration d’un antidépresseur (sertraline) a favorisé la différenciation de ces cellules souches en neurones après quelques jours. Un récepteur aux glucocorticoïdes (GR) est visiblement impliqué dans cette neurogenèse, stimulé positivement par les antidépresseurs, et négativement par les hormones de stress qui semblent jouer un rôle dans la survenue de la maladie dépressive. Ce modèle humain permettra surement de tester de nouvelles molécules et de trouver, nous l’espérons, de nouveaux antidépresseurs plus efficaces.

C Anacker et coll. Antidepressants increase human hippocampal neurogenesis by activating the glucocorticoid receptor. Molecular Psychiatry (12 April 2011)