Antidépresseurs ISRS : effets secondaires

Antidépresseurs, Effets secondaires

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont indiqués dans la prise en charge de l’épisode dépressif majeur ainsi que dans la plupart des troubles anxieux (trouble panique avec ou sans agoraphobie, anxiété sociale, trouble obsessionnel compulsif, syndrome de stress post-traumatique). Leur succès tient davantage à leur facilité d’emploi qu’à leur efficacité qui n’est guère supérieure à celle des antidépresseurs tricycliques. Les progrès qu’ils représentent en matière de tolérance conduisent souvent à sous estimer leurs effets indésirables. Parfois transitoires, parfois graves, souvent trompeurs et confondus avec des symptômes de la maladie traitée, ces effets secondaires restent globalement mal connus des prescripteurs, qu’ils soient généralistes ou spécialistes.

Quels sont les effets secondaires les plus fréquents en début de traitement?

Sédation, nausées et céphalées peuvent survenir chez environ un tiers des patients mais s’estompent généralement en quelques jours. La persistance d’une somnolence diurne malgré une prise vespérale peut conduire à interrompre le traitement, notamment si elle compromet la poursuite d’une activité professionnelle ou si la conduite d’un véhicule est nécessaire. Parfois difficiles à distinguer de celles qui surviennent dans la dépression, les céphalées résultent des modifications du flux sanguin cérébral dues à l’action du médicament sur le système sérotoninergique. Les nausées peuvent s’accompagner de troubles digestifs tels que la constipation et d’une sécheresse buccale. Leur persistance, leur sévérité ainsi que la survenue de vomissements doivent conduire à l’arrêt du traitement.

Qu’est-ce qu’un syndrome serotoninergique?

Il s’agit d’une association d’effets secondaires imputés à un excès de sérotonine. Les principales manifestations sont par ordre de fréquence : les myoclonies, les tremblements, la sudation profuse, les frissons, la confusion, l’agitation, l’hyper-réflexie et la diarrhée. La présence d’au moins trois de ces symptômes suffit à poser le diagnostic. Le risque de survenue de ce syndrome augmente si la prescription associe plusieurs médicaments agissant sur le système sérotoninergique, ce qui implique notamment d’éviter la coprescription de triptans, de millepertuis, d’IMAOs ou encore de tramadol. Les formes graves peuvent nécessiter une prise en charge hospitalière mais dans tous les cas, l’arrêt du traitement s’impose et permet la résolution rapide des symptômes.

Faut-il craindre un virage maniaque ou une réaction psychotique?

Un effet stimulant est constaté chez certains patients qui font état le plus souvent d’hypervigilance et d’insomnie. La survenue d’une labilité émotionnelle, d’une hyperactivité ou d’une désinhibition doit alerter et conduire à interrompre le traitement. Ces réactions d’allure maniaque s’accompagnent parfois de manifestations psychotiques et peuvent survenir en dehors de l’évolution d’un trouble bipolaire ou d’une schizophrénie. Elles s’associent souvent à une légère confusion et imposent en premier lieu l’arrêt du médicament qui suffit la plupart du temps à les résoudre. L’apparition de troubles du comportement, dont les conséquences sont parfois graves (dépenses inconsidérées, rapports sexuels à risques, passages à l’acte auto ou hetero-agressifs) peut nécessiter l’hospitalisation.

Peut-on devenir suicidaire sous antidépresseurs?

Il s’agit d’un effet paradoxal rare mais jugé suffisamment préoccupant pour qu’un avertissement figure sur les boîtes d’antidépresseurs aux États Unis. Longtemps considérés comme la conséquence d’une levée d’inhibition dépressive aux alentours du dixième jour, les comportements suicidaires pourraient être causés par un cortège d’effets secondaires neuropsychiatriques parmi lesquels les vécus d’étrangeté de soi même ou du monde extérieur (dépersonnalisation/déréalisation), la confusion ou encore l’akathisie (sentiment d’inconfort, impatience et tension interne). Les réactions maniaques et psychotiques, et notamment les hallucinations visuelles et auditives, peuvent également favoriser un passage à l’acte suicidaire. La surveillance reste donc indispensable quel que soit le risque suicidaire préalable à l’introduction du traitement, ce qui n’est pas facilité par le caractère ambulatoire de la plupart des prescriptions.

Quels sont les effets secondaires sexuels?

Ils concernent plus de la moitié des patients et résultent à la fois de l’effet inhibiteur de la sérotonine sur la fonction orgasmique, d’une hypoesthésie vaginale ou pénienne et d’un émoussement émotionnel (« effet coton »). Ceci se traduit en général par une libido plus ou moins atténuée, un orgasme retardé, parfois jusqu’à la dysfonction érectile. Si chez certains hommes, le retard à l’éjaculation est plutôt bien vécu, chez d’autres cette atteinte d’une libido déjà amoindrie par la dépression n’est pas la bienvenue. Dans la très grande majorité des cas, ces effets secondaires disparaissent rapidement après l’interruption du traitement. Si celui-ci reste nécessaire et qu’un changement de molécule n’apporte pas d’amélioration, les inhibiteurs de la phosphodiesterase de type 5 (sildenafil, tadalafil) peuvent se révéler bénéfiques.

Que faire en cas de prise de poids sous traitement?

Bien que certaines molécules comme la fluoxétine soient réputées pour leur effet coupe faim, ce phénomène n’est la plupart du temps que temporaire. La prise de poids demeure la règle et ses mécanismes sont encore mal élucidés. Chez certains, il pourrait s’agir de la correction d’une perte d’appétit causée par la dépression ou l’anxiété, mais il semble probable que cette prise de poids soit tout autant voire davantage liée directement à la médication. La mesure la plus efficace reste l’arrêt du traitement mais lorsque celui ci doit être maintenu, il convient d’éviter les régimes trop restrictifs et de privilégier des mesures hygièno-diététiques avec l’aide d’un spécialiste.

Quels sont les effets indésirables les moins connus?

Les effets secondaires neuromusculaires peuvent concerner jusqu’à la moitié des patients. Le mouvements involontaires (myoclonies) surviennent surtout la nuit et concernent le plus souvent les membres inférieurs. Le grincement des dents (bruxisme) se produit aussi fréquemment pendant le sommeil si bien qu’il peut passer inaperçu et ne se révéler que par des douleurs de la sphère ORL ou par l’érosion des dents. Si la diminution ou l’arrêt du traitement ne sont pas envisageables, le port d’une gouttière permet de limiter ces complications. L’augmentation fréquente de la transpiration peut aussi être mal vécue, notamment la nuit et en été.

Quels sont les risques liés aux interactions médicamenteuses?

La sérotonine étant nécessaire à l’agrégation plaquettaire, l’inhibition de sa recapture accroît logiquement le risque hémorragique, et d’autant plus en cas de prise concomitante d’aspirine, d’anti-inflammatoires non stéroidiens ou d’anticoagulants. L’association à la plupart des psychotropes augmente la sédation ainsi que la prise de poids et il s’agit là des deux causes les plus fréquentes de rupture de traitement en psychiatrie. Les effets secondaires des neuroleptiques peuvent également s’aggraver avec les ISRS, qu’il s’agisse des complications métaboliques (diabète, dyslipidémies), cardiaques (palpitations, troubles du rythme) ou des effets extrapyramidaux (tremblements, dyskinésies, akathisie etc.). L’abaissement du seuil épileptogène doit également être pris en compte en cas d’épilepsie, d’association à l’alcool ou à d’autres molécules ayant les mêmes effets. Le risque de troubles du rythme cardiaque par allongement de l’intervalle QT impose un grande prudence en cas de prescription concomitante de médicaments ayant les mêmes conséquences ou diminuant la kaliémie. C’est notamment le cas des neuroleptiques, de certains diurétiques et anti-arythmiques.

Que faire en cas de grossesse, de désir de grossesse et d’allaitement?

Les ISRS ne sont ni recommandés, ni formellement contre-indiqués pendant la grossesse. Ils sont susceptibles de provoquer des malformations cardiaques et de l’hypertension artérielle pulmonaire chez l’enfant à naître. Par ailleurs, la poursuite du traitement durant le dernier trimestre et l’allaitement expose le nouveau né à un risque de syndrome de sevrage. Il est donc généralement conseillé d’interrompre le traitement et de privilégier des méthodes non médicamenteuses telles que la psychothérapie. Dans tous les cas, les complications qui peuvent survenir en cas de poursuite du traitement doivent être mises en balance avec les risques liés à son interruption ou son absence

Peut-on devenir dépendant des antidépresseurs?

Encore niés ou ignorés par la majorité des prescripteurs, les phénomènes d’accoutumance et de dépendance sont pourtant décrits depuis plusieurs décennies et pourraient concerner jusqu’à un tiers des patients. En pratique, ils se traduisent respectivement par une sorte d’épuisement thérapeutique incitant à augmenter les doses pour retrouver l’effet antérieur, et par un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement. Celui ci se caractérise par des vertiges, des céphalées, des sensations électriques dans le corps, une hypersudation, des nausées, des douleurs musculaires, de l’anxiété et de la fatigue. Fréquemment confondu avec la rechute du trouble anxieux ou dépressif ayant motivé la mise en place du traitement ou avec un syndrome grippal, ce syndrome de sevrage peut durer de quelques jours à quelques mois et se révéler très invalidant. Il est logiquement recommandé de diminuer le traitement très progressivement, de revenir davantage de temps au palier supérieur si les symptômes sont trop intenses, et parfois même de remplacer le médicament par un équivalent à demi vie plus longue comme la fluoxétine.

Les effets indésirables des ISRS (Pharma no. 105, octobre 2013)


Principaux ISRS en France

  • Citalopram : Seropram (1994)
  • Escitalopram : Seroplex (2002)
  • Fluvoxamine : Floxyfral (1984)
  • Fluoxétine : Prozac (1988)
  • Paroxétine : Deroxat (1992)
  • Sertraline : Zoloft (1996)

Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) dont le profil d’effets secondaires est très proche.

  • Venlafaxine : Effexor (1998)
  • Duloxétine : Cymbalta (2004)

Antidépresseurs et risque suicidaire

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Les préoccupations concernant le risque suicidaire à l’instauration d’un traitement antidépresseur ne datent pas d’hier. Ce phénomène est couramment (et sans véritable preuve) associé à la fameuse levée d’inhibition, qui résulterait d’une action précoce sur certains symptômes dépressifs, notamment psychomoteurs, alors que d’autres, comme les idées suicidaires, persisteraient.

L’inquiétude grandissante à ce sujet, renforcée par plusieurs études chez les jeunes patients, conduisit la FDA à contraindre l’industrie d’avertir les consommateurs et leur entourage aux États-Unis :

Antidepressants increase the risk of suicidal thinking and behaviour (suicidality) in children and adolescents with major depressive disorder (MDD) and other psychiatric disorder. Anyone considering the use of [drug name] or any other antidepressant in a child or adolescent must balance this risk to the clinical need. Patients who are started on therapy should be observed closely for clinical worsening, suicidality, or unusual changes in behaviour. Families and caregivers should be advised of the need for close observation and communication with the prescriber. […]

Les etudes en question, des essais contrôlés de neuf antidépresseurs chez l’enfant et l’adolescent (440 patients au total) indiquaient que la prise d’un antidépresseur était associé à une augmentation des idées et comportements suicidaires dans les premières semaines de traitement (4% contre 2% sous placebo) mais qu’aucun suicide n’était survenu.

Les conséquences de cette mesure furent pour le moins inattendues. Si les prescriptions d’antidépresseurs diminuèrent rapidement dans la population concernée, le taux de suicide, lui, augmenta aux États-Unis, comme l’atteste cette publication :

Gibbons RD, Brown CH, Hur K, et al. Early evidence on the effects of regulators’ suicidality warnings on SSRI prescriptions and suicide in children and adolescents. Am J Psychiatry 2007;164:1356–63.

En 2007, la FDA rectifia son avertissement comme suit :

Antidepressants increased the risk compared to placebo of suicidal thinking and behavior (suicidality) in children, adolescents, and young adults in short-term studies of major depressive disorder (MDD) and other psychiatric disorders. Anyone considering the use of [Insert established name] or any other antidepressant in a child, adolescent, or young adult must balance this risk with the clinical need. Short-term studies did not show an increase in the risk of suicidality with antidepressants compared to placebo in adults beyond age 24; there was a reduction in risk with antidepressants compared to placebo in adults aged 65 and older. Depression and certain other psychiatric disorders are themselves associated with increases in the risk of suicide.  Patients of all ages who are started on antidepressant therapy should be monitored appropriately and observed closely for clinical worsening, suicidality, or unusual changes in behavior.  Families and caregivers should be advised of the need for close observation and communication with the prescriber.  [Insert Drug Name] is not approved for use in pediatric patients.  [The previous sentence would be replaced with the sentence, below, for the following drugs: Prozac: Prozac is approved for use in pediatric patients with MDD and obsessive compulsive disorder (OCD).   Zoloft: Zoloft is not approved for use in pediatric patients except for patients with obsessive compulsive disorder (OCD). Fluvoxamine: Fluvoxamine is not approved for use in pediatric patients except for patients with obsessive compulsive disorder (OCD).]

La mise en garde s’étend désormais aux jeunes adultes entre 18 et 24 ans chez qui cette fameuse suicidalité augmente également en début de traitement.

Plus récemment, les résultats d’une étude longitudinale et observationnelle se révèlent plutôt rassurants. 757 patients ayant présenté un trouble de l’humeur entre 1979 et 1981 ont été suivis pendant 27 ans, et notamment en ce qui concerne l’exposition aux antidépresseurs, les suicides et les tentatives de suicide. Il en ressort, outre que les antidépresseurs sont plus volontiers prescrits chez ceux qui vont plus mal, que ces antidépresseurs sont associés à une diminution de 20% du risque de suicide ou de comportement suicidaire chez ces patients.

Leon AC, Solomon DA, Li C, Fiedorowicz JG, Coryell WH, Endicott J, Keller MB. Antidepressants and risks of suicide and suicide attempts: a 27-year observational study. J Clin Psychiatry. 2011 May;72(5):580-6.

L’équipe qui pointa l’augmentation du taux de suicide chez les jeunes après l’instauration des avertissements de la FDA s’est lancée dans une nouvelle analyse d’une quarantaine d’essais contrôlés concernant la venlafaxine et la fluoxétine pour un total de 9185 patients. Chez les adultes et les personnes âgées, ces antidépresseurs sont associés à une diminution des idées et comportements suicidaires, un phénomène parallèle à la diminution des symptômes dépressifs. Chez les jeunes patients, ces antidépresseurs ne sont associés à aucun effet significatif sur la suicidalité (qu’il soit positif ou négatif). Chez tous les patients, les antidépresseurs agissent pourtant sur les symptômes dépressifs, eux-mêmes à l’origine des idées ou comportements suicidaires. Ceci laisse à penser que la suicidalité chez les jeunes serait moins en lien avec la dépression que chez les adultes, et que les antidépresseurs seraient donc moins aptes à la faire régresser, sans pour autant forcément l’aggraver.

Gibbons RD, Brown CH, Hur K, Davis JM, Mann JJ. Suicidal thoughts and behavior with antidepressant treatment: reanalysis of the randomized placebo-controlled studies of fluoxetine and venlafaxine. Arch Gen Psychiatry. Published online February 6, 2012.

Si la prescription d’un médicament, quel qu’il soit, doit s’effectuer en tenant compte de la balance bénéfices/risques, il devrait en être de même pour les démarches d’avertissement de la population. Où qu’en soit cette controverse sur les antidépresseurs et le risque suicidaire, la prudence s’impose et notamment la surveillance renforcée de tout patient lors de l’instauration de ce type de traitement.

ISRS et grossesse

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La dépression toucherait 20% des femmes enceintes si bien que la prescription d’antidépresseurs de type ISRS, réputés pour leur relative innocuité, progresse au sein de cette population. Si aucun effet tératogène direct n’est encore établi, ces ISRS semblent associés à une augmentation d’anomalies congénitales, notamment de type cardiovasculaires. Le risque est certes faible mais à prendre en compte.

Une étude finlandaise disponible en ligne met en garde contre les prescriptions de fluoxétine et de paroxétine chez la femme enceinte, la première étant associée à des anomalies du septum ventriculaire chez le nouveau-né tandis que la seconde semble associé à des problèmes d’éjection du ventricule droit. Les données concernant plus de 600 000 naissances ont été analysées, dont presque 7000 (1,1%) correspondaient à une exposition aux ISRS durant le premier trimestre. Ces antidépresseurs semblent de plus potentialiser les effets de l’alcool sur le fœtus durant la grossesse.

Malm H, Artama M, Gissler M, Ritvanen A. Selective serotonin reuptake inhibitorsandriskformajorcongenital anomalies. Obstet Gynecol. 2011 Jul;118(1):111-20.

Pour mémoire, une étude danoise analysant près de 500 000 naissances retrouvait il y a deux ans cette association entre anomalies septales et exposition aux ISRS en début de grossesse (particulièrement la sertraline et le citalopram).

Pedersen LH, Henriksen TB, Vestergaard M, Olsen J, Bech BH. Selective serotonin reuptake inhibitors in pregnancy and congenital malformations:populationbasedcohort study. BMJ. 2009 Sep 23;339:b3569.