S’il semble aujourd’hui légitime de baser la médecine sur des preuves, la psychiatrie française, du fait de son imprégnation psychanalytique persistante, bénéficie d’une sorte de dispense partielle dont les prétextes demeurent pour la plupart des idées reçues. Il s’agit pourtant d’une spécialité médicale qui doit non seulement pouvoir bénéficier des dernières avancées de la science mais également se soumettre aux règles de déontologie qui s’appliquent au reste de la médecine, avec comme préoccupation première la qualité des soins délivrés aux patients. Ce KOllectif 7 janvier aspire donc à une psychiatrie française basée sur les preuves scientifiques plutôt que sur des croyances. Je vous laisse découvrir son manifeste (également sur Facebook) :
KOllectif du 7 janvier
« Pour une psychiatrie et une psychologie basées sur des preuves scientifiques »
L’autisme a été déclaré « grande cause nationale » pour 2012. Partout dans le monde, ce handicap est pris en charge par des méthodes éducatives qui ont fait leurs preuves, à la fois sur un plan scientifique et dans la vie des enfants qui en sont atteints, que ce soit en Europe du Nord, en Grande Bretagne, aux États-Unis, en Australie, au Japon (et dans la plupart des pays d’Asie) en Espagne, au Canada, en Belgique.
Partout… Sauf en France où les familles se heurtent à la résistance de pédopsychiatres et d’autres professionnels d’obédience psychanalytique qui récusent ces méthodes d’inspiration cognitivo-comportementale.
Un récent documentaire, Le Mur, réalisé par Sophie Robert avec l’association Autistes Sans Frontières a dénoncé cette situation unique au monde en interviewant des psychanalystes reconnus sur leur approche de l’autisme. Cette démarche lui a valu d’être attaquée par trois des psychanalystes qui estimaient avoir été piégés. Elle a été condamnée à leur verser 34 000 euros pour « atteinte à l’image et la réputation », et à retirer les interviews concernées. Elle a depuis fait appel de ce jugement.
Ce procès a soulevé un vent de révolte du côté des parents et de nombreux psys qui réprouvent cette forme de censure et déplorent qu’aucune discussion ne soit possible. La presse a relayé cette atteinte à la liberté d’expression. Au fil des jours, un comité de soutien puis un groupe de dialogue se sont constitués, rassemblant des psychiatres, des psychologues, des parents, des patients, des scientifiques, des professeurs de collège, de lycée, d’université et une femme politique.
Ils partagent :
– Une indignation certaine devant la prédominance de l’approche psychanalytique au sein de la psychiatrie et de la psychologie françaises
– L’aspiration à une psychiatrie moderne, ouverte sur le monde, appuyée sur des recherches scientifiquement validées, qui concernerait aussi bien les personnes avec autisme que tous les autres patients.
Cette psychiatrie se reconnaîtrait dans les énoncés suivants :
1. La psychiatrie est une discipline médicale
Pour être humaniste, elle doit obéir aux mêmes exigences que l’ensemble des disciplines médicales :
– Être capable de nouer une alliance thérapeutique entre le patient, et éventuellement sa famille et les soignants
– Son enseignement et sa pratique doivent être fondés sur des preuves, avec réactualisation continue des connaissances.
– Elle doit respecter la déontologie médicale, avec au premier chef le souci de la qualité du service rendu au patient
– Elle doit mettre en jeu l’ensemble des moyens pertinents et une information loyale et contradictoire du patient et le cas échéant de ses représentants légaux sur les troubles et sur les prises en charge.
2. Les psychothérapies sont les pratiques du soin psychologique
– Elles doivent s’appuyer sur des modèles psychologiques compatibles avec l’état des connaissances sur les troubles qu’elles entendent soigner.
– Au même titre que les autres modalités de soins, leurs effets doivent être évaluées en terme de service rendu : bénéfice / risque / coût.
– Elles doivent non seulement atténuer la souffrance qui s’exprime dans les symptômes, mais aussi améliorer la qualité de vie.
– Elles doivent faire appel à des professionnels spécialement formés, et à même de mettre à jour leur pratique avec l’évolution des connaissances.
– La formation initiale et continue des psychothérapeutes comme celle de tous les soignants doit être obligatoire : ce qui implique un dispositif de contrôle de sa qualité et de son suivi par les intéressés, tout comme à l’étranger.
3. Les personnes en situation de handicap psychique ont droit à la promotion de leur développement et de leur qualité de vie,
intégrant leur insertion sociale, familiale, scolaire et professionnelle selon les situations. Le soin n’est qu’un aspect de la réponse à la détresse. Le monde de l’enseignement et celui du travail sont aussi impliqués dans la promotion du bien-être et de la qualité de vie de chacun.
4. Les données concernant l’autisme infantile sont maintenant parfaitement claires
Les enfants autistes ont besoin de soins efficaces fondés sur des preuves qui leur permettent une scolarisation en milieu habituel. L’élément qui choque le plus les étrangers réside en ce que 80% des autistes ne soient pas scolarisés en France et que nombre de familles doivent emmener leurs enfants en Belgique pour avoir enfin des soins conformes à l’état des connaissances scientifiques.
Or il existe 27 études, trois méta-analyses et des recommandations publiées par des agences officielles : françaises, américaines, anglaises et espagnoles qui affirment que les seules méthodes ayant prouvé leur capacité à atteindre cet objectif dans environ 50% des cas sont des méthodes comportementales et cognitives. Aucune autre méthode n’a jusqu’à présent fait preuve de son efficacité (cf. références).
Bien entendu, cet état des lieux est provisoire et devra être révisé en fonction du progrès des connaissances scientifiques. Pour cela, plus de recherches sont nécessaires, sans exclusivité théorique, à la fois sur les facteurs biologiques et psychosociaux sous-jacents aux troubles, et sur l’amélioration et l’évaluation des approches psychothérapiques et éducatives.
Signataires initiaux :
Mme Brigitte Axelrad – Professeur honoraire de philosophie et de psychosociologie.
Dr. Jean Brissonnet – Physicien. Auteur et conférencier sur le thème des médecines non-conventionnelles.
Dr. Jean Cottraux – Psychiatre Honoraire des Hôpitaux, ancien chargé de cours à l’Université. Lyon 1, HDR.
Pr. Esteve Freixa i Baqué – Professeur d’Épistémologie et Sciences du Comportement.
Dr. Nicolas Gauvrit – Maître de conf. en Mathématiques (Univ. d’Artois et Paris VII), Docteur en sciences cognitives.
Dr. Nouchine Hadjikhani – Médecin-chercheur en neurosciences.
M. Yann Kindo, – Professeur d’histoire-géographie, militant rationaliste.
Dr. Guillaume de Lamérie – Psychiatre, psychothérapeute, praticien hospitalier.
Mme Alexandra Meert – Psychologue, psychothérapeute comportementaliste.
M. Gérard Mercuriali – Parent d’enfant TED, professeur d’EPS.
Mme Magali Pignard – Parent d’enfant TED, Agrégée de physique.
Dr. René Pommier – Maître de conférences honoraire docteur d’Etat (littérature française Paris IV) et écrivain.
M. Jérôme Quirant – Maître de conférences , Université Montpellier II.
M. Jean-Louis Racca – Professeur de mathématiques, militant rationaliste.
Dr. Franck Ramus – Directeur de recherches au CNRS, docteur en sciences cognitives.
Mme Isabelle Resplendino – Secrétaire Nationale-Adjointe du Collectif des Démocrates Handicapés.
Mme Sophie Robert – Scénariste, réalisatrice et productrice.
Dr. Igor Thiriez – Psychiatre, psychothérapeute, praticien hospitalier
Mme Chantal Tréhin – Neuropsychologue, Parent d’enfant TED, formatrice.
Dr. Laurent Vercueil – Médecin neurologue hospitalier, doc. en neurosciences, INSERM U836.
Dr. Dominique Yvon – Parent d’enfants TED, Physicien-chercheur.
Références
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8. Eikeseth, S., Smith, T., Jahr, E., & Eldevik, S. (2007). Outcome for children with autism who began intensive behavioral treatment between ages 4 and 7: a comparison controlled study. Behav Modif, 31(3), 264-278.
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3. Diggle TTJ, McConachie HHR. Parent-mediated early intervention for young children with autism spectrum disorder. Cochrane Database of Systematic Reviews 2002, Issue 2. Art. No.: CD003496. DOI: 10.1002/14651858.CD003496.
Revues et recommandations
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2. INSERM. Psychothérapie : trois approches évaluées, expertise collective (O. Canceil, J. Cottraux, B. Falissard, M. Flament, J. Miermont, J. Swendsen, M. Teherani, J.M. Thurin), INSERM, 2004 ; synthèse en ligne : www.inserm.fr/content/download/1420/13020/file/psychotherapie_synthese
3. Fuentes-Biggi J., dir.- Guida de buena pratica para el tratamiento de los trastornos del espectro autista, in :Revista de Neurologia, 2006, n° 7, vol. 43, pp.425-438 / traduction de Ka rina Alt : Guide de bonnes pratiques dans le traitement des Troubles du Spectre Autistique. Recommandations du Groupe d’Etudes sur les Troubles du Spectre Autistique de l’Institut de Santé Carlos III, 30 pages. http://satellite.satedi.org/IMG/pdf/GUIDE_traitement_des_TSA_Institut_Carlos_III.pdf
4. Myers SM and Plauché Johnson C. Management of Children With Autism Spectrum Disorders, Pediatrics 2007;120;1162; originally published online October 29, 2007. DOI: 10.1542/peds.2007-2362.
5. National Health Service (NHS). Scottish Intercollegiate Guidelines Network (SIGN) : Assessment, diagnosis and clinical interventions for children and young people with autism spectrum disorders. A national clinical guideline, July 2007.
6. National Autism Center (NAC) : Findings and conclusion. Addressing the need for evidence based practice guidelines for autism spectrum disorders. 2009 National Autism Center 41 Pacella Park Drive Randolph, Massachusetts 02368.
j’aurais aimé être signataire
C’est possible.
Je suis avec vous!
bonjour bon post . très interessent merci