Le syndrome de Benzheimer

Anxiolytiques, Effets secondaires, Grand Public

Quand les manques de rigueur scientifique et journalistique se conjuguent pour aboutir à un emballement médiatique généralisé, l’effet sur la population peut se révéler dramatique, d’autant plus que celle-ci ne s’est pas encore remise du scandale médiator et que sa méfiance exacerbée envers les médicaments peut rapidement évoluer vers la terreur.

Je ne reviendrai pas en détail sur la véritable bombe lâchée par Sciences et Avenir (Ces médicaments qui favorisent Alzheimer), relayée par l’ensemble de la presse du pays à travers des slogans très alarmistes pour heurter de plein fouet la population et notamment les patients concernés. Or il suffit de remonter à la source, une tâche certes hautement rébarbative mais indispensable pour constater qu’il ne s’agit en réalité que d’une rumeur.

L’étude scientifique en question n’est pas encore publiée dans une revue indexée, donc ne peut pas aujourd’hui être considérée comme scientifiquement valable. Ceci n’empêche pas l’auteur de l’article de cette revue grand public de se livrer à de fausses extrapolations et à des affirmations mensongères, le tout sur la seule base d’une interview que lui a accordée le meneur de cette fameuse étude. Ce dernier s’en mord d’ailleurs les doigts et tente vainement de réparer les dégâts.

Ceux qui en ont le courage liront cette analyse très pertinente publiée chez Docbuzz, ou celle de Dominique Dupagne légitimement très remonté.

Pour conclure :

  1. À ce jour, aucun lien de causalité n’est démontré entre benzodiazépines et maladie d’Alzheimer.
  2. Certains médias, tout comme certains laboratoires pharmaceutiques, peuvent parfois mentir pour le profit.
  3. Un médicament n’est ni un remède miracle ni un poison. C’est une substance qui, utilisée en tenant compte de la balance bénéfices/risques, soigne.

Le lithium n’a pas traité ses derniers maux

Revues Pro, Stabilisateurs de l'humeur

Ce bon vieux lithium a encore de l’énergie à revendre. Utilisé classiquement dans la prise en charge du trouble bipolaire, pour traiter les accès maniaques et prévenir les rechutes, celui-ci semble également avoir un effet préventif en matière de démence.

Le taux d’Alzheimer se révélant réduit chez les patients bipolaires sous lithium, des chercheurs ont souhaité évaluer l’effet d’un tel traitement pendant un an chez des sujets souffrant d’un déficit cognitif léger, que l’on peut considérer à mi-chemin entre la simple amnésie liée à l’âge et les pathologies dégénératives de type Alzheimer. Les résultats, comparés à ceux du placebo, se sont révélés positifs autant en matière de performance cognitive qu’au niveau d’un des marqueurs biologiques de dégénérescence. Cette nouvelle piste potentielle gagnerait à être davantage explorée compte tenu de l’intérêt que pourrait présenter un traitement préventif de la maladie d’Alzheimer.

Young AH. More good news about the magic ion: lithium may prevent dementia. Br J Psychiatry. 2011 May;198:336-7.

Forlenza OV and al. Disease-modifying properties of long-term lithium treatment for amnestic mild cognitive impairment: randomised controlled trial. Br J Psychiatry. 2011 May;198:351-6.

Par ailleurs, l’effet protecteur du lithium vis-à-vis du suicide, bien connu aux doses qualifiées de thérapeutiques, pourrait bien s’appliquer à des doses plus faibles. Une équipe autrichienne a récemment confronté le taux de suicides et celui du lithium dans l’eau potable dans les 99 départements du pays. La mortalité par suicide apparait alors inversement associée à la concentration de lithium dans l’eau, un résultat troublant qui concorde avec celui d’une étude similaire au Japon mais pas avec celui d’une étude à nouveau similaire menée dans l’Est de l’Angleterre.

Kapusta ND and al. Lithium in drinking water and suicide mortality. Br J Psychiatry. 2011 May;198:346-50.

Ohgami H and al. Lithium levels in drinking water and risk of suicide. Br J Psychiatry. 2009 May;194(5):464-5; discussion 446.

Kabacs N and al. Lithium in drinking water and suicide rates across the East of England. Br J Psychiatry. 2011 May;198:406-7.