De la dangerosité psychiatrique à la stigmatisation

Grand Public, Revues Pro, Troubles psy

La Haute Autorité de Santé vient de communiquer son rapport sur la dangerosité psychiatrique, fort de 84 recommandations pour mieux identifier le risque de violence et mieux prévenir les passages à l’acte.

D’après leur revue de littérature, les personnes souffrant de troubles mentaux graves sont 4 à 7 fois plus violentes que les autres mais rarement auteurs de violences graves (environ un homicide sur 20). Elles sont également 7 à 17 fois plus souvent victimes de violences que les autres.

Quelques facteurs de risques (associés à la violence causée et/ou subie?) sont avancés :

  • les antécédents de violence commise ou subie, notamment dans l’enfance ;
  • la précarisation, les difficultés d’insertion sociale, l’isolement ;
  • l’abus ou la dépendance à l’alcool ou à d’autres substances psychoactives ;
  • un trouble de la personnalité de type antisocial ;
  • l’âge (inférieur à 40 ans) ;
  • une rupture des soins ou un défaut d’adhésion au traitement.

Les mauvaises langues psychiatriques signaleront que la majeure partie des malades mentaux sévères sont concernés par ces critères mais il me semble que c’est leur association qui doit alerter les équipes de soins. La plupart d’entre-elles sont déjà bien au fait des risques de passage à l’acte de ces patients et de leur grande fragilité lorsque ces critères sont réunis.

L’HAS nous offre également ce qu’elle appelle des signes d’alerte, que l’on peut considérer comme des facteurs de risque imminent.

Il s’agit chez les patients schizophrènes de :

  • un délire paranoïde avec injonction hallucinatoire ;
  • des idées délirantes de persécution avec dénonciation d’une personne considérée comme persécutant le malade ;
  • des idées délirantes de grandeur, passionnelles ou de filiation ;
  • des menaces écrites ou verbales pouvant évoquer un scénario de passage à l’acte contre le persécuteur supposé ;
  • une consommation importante d’alcool ou de substances psychoactives.

Il s’agit chez les patients présentant un trouble de l’humeur de :

  • l’importance de la douleur morale ;
  • des idées de ruine, d’indignité ou d’incurabilité notamment quand elles s’élargissent aux proches ;
  • un sentiment d’injustice ou de blessure narcissique.

Bien que tout bon professionnel de santé mentale devrait déjà connaitre les risques de passage à l’acte associés à certains symptômes, un petit rappel ne peut pas faire de mal, ou presque…

Presque, car l’opinion publique demeure facétieuse si l’on en croit les réactions à un article de Libération qui présente ce rapport. Bien que les intentions du journaliste soient la dénonciation de cette fameuse stigmatisation subie par les malades mentaux, les lecteurs relèvent davantage ce qui pourrait les concerner, ce qui leur fait peur, à savoir que les personnes souffrant de troubles mentaux graves sont plus violentes que les autres…

Dangerosité psychiatrique : repérer les signes d’alerte pour prévenir les actes de violence (HAS, le 07/07/2011)

Des fous pas si furieux (Libération, le 09/07/2011)

Cartel de Psychanalyse Préélectorale

Actualité, Grand Public, Prise en charge, Psychanalyse, Publications

Oyez, oyez! Vous qui souhaitez que soit dite la bonne aventure, approchez et appréciez un numéro de jonglage parmi les plus spectaculaires de la saison! En échange d’un simple lapsus ou d’un qu’en dira-t-on, nos saltimbanques vous offrent la vérité profondément inconsciente de vos politiciens favoris!

A l’instar du grand Stephane Rotenberg qui osa démystifier quelques-uns des plus grands numéros d’illusionnisme pour se mettre à dos l’ensemble de la profession, je consens aujourd’hui à vous livrer certains trucages utilisés depuis plus d’un siècle par nos divanateurs. Que ceux-ci se rassurent, la révélation de ces subterfuges a déjà eu lieu et ne les empêche guère de prospérer, à l’instar de leurs cousins astrologues ou voyants.

Pour commencer, il est indispensable d’établir une théorie « générale » de l’éclosion du politicien. Celle-ci doit être suffisamment vague et malléable pour concerner une bonne moitié de la population, et surtout s’en référer au saint complexe d’Œdipe dont le pouvoir d’inversion lui fournira son invincibilité par extension à l’autre moitié du peuple. Enfin, ce précepte doit atteindre, après de multiples détours de diversion, une opinion très répandue et incontestable : les politiciens sont narcissiques et avides de pouvoir.

Jean-Pierre Friedman y parvient avec brio en formulant : « Une relation fusionnelle avec la mère, qui accroit le narcissisme naturel de l’enfant, et une relation conflictuelle avec le père, qui crée un important désir d’exister ». Dans sa forme franche, cette rivalité paternelle s’encastre parfaitement dans les biographies de Martine Aubry et Marine Le Pen dont les pères sont bien connus, mais aussi chez Ségolène Royal dont la réactance légitime une partie de son action politique. La « narcissisation » paternelle fonctionne également lorsque ce père n’apparait pas comme un rival, comme chez François Bayrou dont la relation fusionnelle avec son père agriculteur lui permet de développer son estime de soi jusqu’au complexe de supériorité (la rivalité est ailleurs). Lorsque le fameux père est absent ou inconsistant, il faut le trouver ailleurs, dans une forme symbolique ou personnifiée. Dans le cas de Dominique de Villepin, nous parlerons de rivalité généalogique diffuse compte tenu du prestige familial disséminé. La fusion maternelle est également vérifiée, que cette mère soit réelle, ailleurs ou symbolique : si Nicolas Sarkozy n’a toujours pas réussi à se détacher du sein, il s’agit de celui du peuple et donc, d’une fusion avec les français.

Une fois l’autorité psychanalytique ainsi installée, les théories plus spectaculaires et farfelues peuvent fleurir en toute sécurité, notamment car derrière cette façade sexualisée, il ne s’agit que d’enfoncer des portes ouvertes :

Nicolas Sarkozy est bloqué au stade oral du nourrisson, et n’en sortira qu’à condition que son futur enfant soit une fille. En voulant tuer sa mère (symboliquement évidemment) par amour pour son père, celle-ci apaisera enfin les attitudes de séduction de son père face à la population (ce que confirmeront peut-être un jour les sondages).

Au sujet de François Hollande, j’apprends que : « Être normal, c’est être un antihéros, un homme sans qualités spécifiques, mais du même coup un homme moyen proche des autres hommes moyens. Le président normal, c’est à la fois un président qui ne se ferait pas remarquer et le président qui resterait, malgré sa fonction, un citoyen comme les autres ». Merci à vous Clotilde Leguil pour ces considérations ravissantes sur un candidat bien discipliné dans sa névrose.

François Bayrou délire : « son désir de pouvoir l’aveugle tellement que le principe de réalité n’a plus aucune prise sur lui ». Cette assertion de Jean-Pierre Friedman aurait pu concerner n’importe lequel des politiciens du moment, mais il aurait été regrettable d’en priver ce bon souffre-douleur qu’est Bayrou.

La psychologie de comptoir culmine avec Martine Aubry. Selon Michel Schneider : « Elle donne plutôt l’impression d’avoir envie d’avoir envie, ce qui s’appelle en psychanalyse l’inhibition ». L’inénarrable Serge Hefez se demande quant à lui si cette femme qui « a toujours l’air en colère, ne l’est pas contre elle-même ». Se blesser à l’œil avec un crayon de maquillage est à considérer comme un véritable acte manqué, notamment de la part d’une femme qui « ne déploie jamais aucun effort de séduction »…

Jean-Pierre Friedman voit en Ségolène Royal « un homme dans un corps de femme » : « Physiquement, elle joue la féminité en portant des jupes et des chaussures à talon, mais psychiquement, elle est beaucoup plus virile que la plupart des hommes : autoritaire, cassante, brutale, combative. C’est une guerriere! ». Voici encore une considération que l’on aurait pu appliquer à n’importe quelle politicienne et qui laisse encore et toujours entrevoir la grande misogynie de la pensée freudienne.

Le même Jean-Pierre Friedman signale au sujet de Dominique de Villepin : « le narcissique est très sensible à la flatterie et donc facile à illusionner. Si on lui répète qu’il a toutes ses chances, puisqu’il est le plus intelligent des candidats, il peut se mettre à y croire alors même que la réalité lui prouve le contraire ».

Jean-Pierre Winter signale l’attitude sadique de Jean-Luc Mélenchon à l’égard des journalistes : « il affirme que les journalistes jouissent d’être des laquais et se présente, lui, comme leur maître ». La cause est pourtant évidente : « il retourne contre les autres sa grande violence intérieure ». Coincé, ou plutôt devrais-je dire constipé au stade anal, « on lui parle de sexe, il répond scatologie » : à la question d’un journaliste sur la prostitution, il répond qu’il s’agit d’un sujet de merde (effectivement, c’est évident).

Il y aurait tellement à dire, sur la mythomanie de Jean-Louis Borloo, sur les personnalités multiples d’Eva Joly, sur les clivages de Christine Boutin ou les caprices de Nicolas Dupont-Aignan. Je conseille à ceux qui veulent en savoir plus de vous procurer ce fabuleux divertissement disponible dans le numéro 741 de Marianne sorti le 02 juillet 2011 : Ces névrosés qui veulent nous gouverner.

Un enfant de neuf ans à l’hôpital psychiatrique?

Grand Public, Hospitalisation

Pour ce qui est de la corporation des psychiatres, elle est plutôt scandalisée, au même titre que les soignants et le reste de l’opinion publique. Il s’agit d’une décision de justice, le placement ayant été ordonné par un juge qui laisse ainsi à l’établissement la responsabilité d’accueillir ce jeune enfant dans les meilleures (ou moins mauvaises) conditions.

L’hospitalisation de patients mineurs dans les services pour adultes reste hélas un phénomène fréquent en France, même si en général à un âge plus tardif. La plupart des lits d’hospitalisation pour mineurs ayant été fermés, les enfants ou adolescents dont l’état nécessite un séjour hospitalier temporaire sont souvent placés chez les adultes, faute de moins pire solution. Hélas, une fois admis, la nouvelle solution la moins pire se révèle de les isoler des patients adultes dont on peut imaginer que le contact ne soit pas forcément bénéfique. Ces enfants se retrouvent donc la plupart du temps en chambre d’isolement avec une présence plus ou moins constante d’un membre de l’équipe soignante selon sa disponibilité qui n’est pas garantie dans le service public. Les structures privées sont également amenées à prendre en charge de tels patients mais n’y sont pas obligées et refusent en général les cas les plus difficiles.

Il existe certainement des solutions permettant d’éviter ce genre de dérives. Pour preuve : le garçon sera désormais suivi par une association dans un établissement privé et par cinq personnes à temps plein financées par l’Assistance Publique. Cette résolution aurait certainement pu être mise en place préalablement à son placement chez les adultes plutôt que d’être motivée en grande partie par cette médiatisation.

Marseille : le scandaleux internement d’un enfant de neuf ans (La Provence, 27/05/2011)