Voici une sélection de chansons du registre rock caractérisées par l’emploi et la mise en avant du clavecin, qu’il s’agisse de l’instrument original ou de ses dérivés disponibles à l’époque (clavicorde, Clavinet etc.).
Les échantillons sélectionnés restent cantonnés pour la plupart à la seconde moitié des années soixante, une période qui reste à considérer comme l’âge d’or de ce que l’on appelle la pop baroque.
Les doléances, commentaires et autres réclamations sont évidemment possibles.
Le classement n’est qu’alphabétique.
Deep Purple : « Blind » (1969)
Avant de devenir une institution du hard rock, Deep Purple flirtait naïvement avec un psychédélisme baroque très en vogue à la fin des années soixante. Les penchants du claviériste Jon Lord pour la musique classique ont certes mené le groupe jusqu’à l’excessif et imbuvable Concerto for Group & Orchestra, mais également à des performances plus raisonnables telles que ce « Blind ».
The Left Banke : « Evening Gown » (1967)
Qui dit baroque ne dit pas forcément ramolli. Cette chanson énergique l’illustre à merveille. Bien que construite autour d’un riff de clavecin, elle est propulsée sur un rythme effréné et régulièrement ponctuée des cris déchirants. Ce n’est certes pas encore aussi sexy ni remuant que du James Brown mais cela vaut le coup d’oreille, tout comme cet album qui reste sommet du « barock’n’roll ».
The Yardbirds : « For Your Love » (1965)
Lorsque l’organiste recruté pour enregistrer cette chanson découvre qu’il ne dispose que d’un modeste clavecin, il commence sérieusement à douter du potentiel de cette chanson de Graham Gouldman. Le 45tours se vend pourtant comme des petits pains (6ème aux États-Unis, 3ème en Angleterre). Déçu par la direction prise par son groupe, Eric Clapton le quitte dans la foulée.
The Zombies : « I Want Her She Wants Me » (1968)
Accueilli avec une relative indifférence lors de sa sortie, le fameux album maudit qu’est Odessey and Oracle n’est apprécié à sa juste valeur que deux ans plus tard, lors de la sortie du 45tours « Time of the Season », ceci alors que le groupe est déjà dissolu. Cette petite perle baroque et beatlesienne y trouve naturellement sa place, tout comme la légèreté du clavecin.
David Bowie : « It Ain’t Easy » (1972)
Cette chanson n’est certes pas la plus mémorable de l’album The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars mais elle illustre encore les grandes aptitudes de David Bowie à surfer sur les vagues des autres. L’original de Ron Davies est déjà très bon, voire meilleur pour certains, mais cette version glamour et baroque, et notamment l’incorporation du clavecin l’emporte selon moi.
Duncan Browne : « On the Bombsite » (1968)
Ce 45tours est un échec commercial, tout comme l’album duquel il est tiré. La carrière solo de Duncan Browne n’ayant jamais vraiment décollé, celui-ci se contentera souvent de jouer les arrangeurs pour d’autres. Ses douces mélopées baroques et mélancoliques se rapprochent de celles de Nick Drake avec une instrumentation tout de même plus étoffée et un destin moins tragique.
The Millennium : « Prelude » (1968)
Il ne s’agit certes que d’une introduction, mais tellement intrigante et en avance sur son temps qu’il serait regrettable de passer à coté. Il en est de même pour la suite d’un album (Begin) qui porte bien mal son nom. Concocté par le très talentueux producteur et compositeur Curt Boettcher, il nécessitera des dépenses faramineuses pour un résultat commercial décevant, et donc final.
The Beatles : « Piggies » (1968)
Cette chanson satirique semble avoir été inspiré à George Harrison par sa mère qui pensait visiblement que les bourgeois avaient besoin d’une bonne fessée. Elle semble hélas avoir accompagné Charles Manson dans certains de ses crimes. Les arrangements de George Martin y sont comme souvent lumineux et l’incorporation du clavecin très réussie, notamment grâce à d’exquises petites ritournelles.
Aphrodite’s Child : « Rain and Tears » (1968)
Reprendre ou s’inspirer des morceaux de musique classique ou baroque faisait partie des démarches audacieuses entamées à l’époque psychédélique par les groupes de rock (ex. Procol Harum). Vangelis emprunte ici au canon de Pachelbel pour composer une chanson qui, chantée par Demis Roussos, atteint un degré de romantisme impressionnant, pour ne pas dire méditerranéen.
Bee Gees : « Turn of the Century » (1967)
La carrière des frères Gibb commence plus d’une décennie avant leurs tubes disco, avec des chansons romantiques et sophistiquées. Lorsqu’il percent en Angleterre, ils sont perçus comme l’un des groupes les plus prometteurs depuis les Beatles et sortent un album psychédélico-baroque magnifique duquel est tiré cette chanson. Étrangement, elle ne fera pas l’objet d’un 45tours.
The Beach Boys : « When I Grow Up (To Be a Man) » (1965)
Cette chanson reste certainement la meilleure illustration de l’évolution artistique de Brian Wilson dans les années soixante. Il prend ici une certaine distance avec les thèmes de la musique surf (filles et voitures principalement) pour aborder un sujet plus personnel. L’instrumentation s’étoffe également avec l’apparition du clavecin et d’arrangements plus complexes annonçants le futur Pet Sounds.