Voici une sélection de chansons d’Uriah Heep que l’on pourrait (approximativement) considérer comme mes favorites.
Je ne prétends nullement constituer ici l’universelle anthologie du groupe.
Les doléances, commentaires et autres réclamations sont évidemment possibles.
Le classement n’est que chronologique.
Introduction
Encore trop souvent désigné comme le Deep Purple du pauvre, Uriah Heep déploie une dimension burlesque qui dépasse celle de la plupart de ses contemporains, du moins celle des pionniers du hard rock les plus reconnus. Sa musique s’écoute comme se visionnent ces films d’épouvante qui font davantage rire qu’ils n’effraient. Ses musiciens ne resteront guère parmi les plus grands compositeurs de l’histoire du rock ni parmi les plus virtuoses mais contrairement à ce que la plupart des critiques prophétisaient en leur temps, ça fonctionne. Leurs riffs sont pour la plupart rudimentaires, propulsés non sans une certaine balourdise et souvent agrémentés de vocalises collectives d’opérette, mais c’est exquis.
« Gypsy » (1970)
Aussi emblématique du groupe que de la boursouflure du rock des années soixante-dix, cette ode à la bohémienne s’articule autour d’un riff parmi les plus grossiers et pachydermiques qui soient. L’épique introduction et l’interminable solo du claviériste en constituent les décorations les plus mémorables.
« Dreammare » (1970)
Rarement une chanson n’aura aussi bien porté son nom. Le cauchemar semble ici vécu avec une insouciance telle qu’on s’imaginerait volontiers prendre nos démons par la main et sautiller avec eux en chantant « la la la » entre deux coulées de lave. L’enfer n’est pas si terrible après tout.
« Bird of Prey » (1970)
S’il ne fallait en retenir qu’une, ce serait probablement celle-ci. Les plus perspicaces auront vite fait de pointer le délicieux contraste entre la légendaire précision des oiseaux de proies et la relative fausseté des vocalises opératiques les plus aiguës. Ce phénomène contribue incontestablement au charme de cette chanson.
« The Park » (1971)
Rares sont ceux qui oseraient nier le caractère envoûtant de cette mélodie. L’orientation souhaitée macabre de la chanson n’aboutit encore une fois qu’à une sorte de caricature tombale mais ceci n’enlève étonnamment pas grand chose de sa sombre beauté. On en souhaiterait presque que la distorsion ne réssuscite pas.
« July Morning » (1971)
Confectionnée avec soin, et enregistrée avec l’aide de Manfred Mann, cette interminable fresque musicale a fini par donner son nom à un rassemblement bulgare le premier juillet au bord de la mer Noire. La majeure partie de ces dix minutes est réservée aux digressions plus ou moins captivantes des deux claviéristes.
« Tears in my Eyes » (1971)
Derrière la banalité voire la médiocrité parolière de cette chanson de rupture résonne l’une des plus grandes réussites instrumentales du groupe. Les glissades bleutées du guitariste s’y accordent à merveille avec des vocalises collectives imposantes et galvanisantes. La critique des femmes reste une éternelle source d’inspiration.
« Easy Livin' » (1972)
Uriah Heep a fini par faire valoir son droit au tube débridé. Celui-ci n’a pas à rougir face aux « Highway Star » et autres « Paranoid » de la concurrence. Il mérite tout autant sa place au sein des meilleures bandes originales autoroutières. On ne se lasse pas de la dégringolade cocasse qui conclue gaiement chaque refrain.
« Rainbow Demon » (1972)
Ce démon d’arc-en-ciel symbolise à merveille la capacité du groupe à réconcilier le monde occulte avec celui des licornes. La performance reste un peu trop solennelle mais ne peut que combler les amateurs d’hymnes lents et pesants, tout comme ceux qui pensent que Black Sabbath n’est pas assez féérique.
« Sunrise » (1972)
Cette ode simpliste au levé de soleil en impose autant par sa prestance que par l’essoufflement qu’elle traduit du principal compositeur de la bande. Il n’était déjà pas des plus inspirés auparavant mais Uriah Heep ne s’est jamais autant trainé qu’ici. Et pourtant, on en redemanderait presque.
« Blind Eye » (1972)
Cette cavalcade plutôt enthousiasmante a bénéficié d’un petit succès en tant que 45 tours. Le groupe y délaisse ses gros riffs lourdauds au profit d’un sympathique groove et de délicates envolées guitaristiques qui ne sont pas sans rappeler celles du Thin Lizzy de la même époque. Le détour est intéressant.
« Pilgrim » (1973)
Les aventures d’un pèlerin sont ici contées tandis que les jours les plus glorieux d’Uriah Heep sont désormais comptés. Cette pièce épique et savoureuse peut en effet constituer une limite symbolique à ce qui reste considéré comme la meilleure période (artistique) du groupe : ses débuts. Il y survivra cependant.